La Banque nationale suisse (BNS) est prise entre deux feux. Comme le franc ne cesse de se renforcer, l'institution poursuit la baisse de son taux directeur. Mais une telle politique monétaire a de graves effets secondaires pour les habitants de la Suisse.
Des taux d'intérêt négatifs ne sont d'ailleurs pas un tabou pour le nouveau chef de la BNS, Martin Schlegel. Avec sa politique monétaire axée unilatéralement sur le taux de change, la BNS s'est retrouvée dans une impasse au cours des dix dernières années, écrivent les économistes Johannes von Mandach et Klaus Wellershoff dans un rapport sur la politique des taux d'intérêt.
Piloter l'évolution économique
La mission de la BNS est claire: elle doit veiller à la stabilité des prix en Suisse. Cela signifie maintenir l'inflation dans une fourchette de 0 à 2%. L'inflation dépend de la consommation. La Banque nationale peut stimuler la consommation en baissant le taux directeur lorsque le chômage menace d'augmenter.
Mais si l'économie connaît une forte croissance, et que le renchérissement risque d'être élevé, elle doit alors augmenter son taux directeur. C'est ce qui s'est passé par exemple après la pandémie: en 2022, la BNS a dit adieu au taux d'intérêt négatif pour lutter contre l'inflation.
La BNS s'occupe unilatéralement du franc
Mais depuis 2015, la BNS se concentre davantage sur le contrôle du franc que sur le développement économique global de la Suisse, critiquent Johannes von Mandach et Klaus Wellershoff dans leur rapport. Cette stratégie s’explique: un franc fort nuit à la compétitivité des exportateurs suisses. Cependant, en adoptant des taux négatifs pour affaiblir la monnaie après avoir supprimé le taux plancher face à l’euro, la BNS aurait négligé ses autres objectifs.
En 2015, la BNS avait supprimé le cours plancher face à l'euro. Pour affaiblir le franc, elle a misé sur des taux d'intérêt négatifs. Ce faisant, elle a parfois permis une croissance trop forte des emplois, selon les économistes de la société de conseil Wellershoff & Partners.
Lorsque l'économie est en plein boom, les entreprises ne trouvent plus assez d'employés en Suisse. Il en résulte une pénurie de main-d'œuvre qualifiée et une forte immigration. Par ailleurs, les cours des actions et les prix de l'immobilier s'envolent. De dangereuses bulles spéculatives peuvent se former.
Pas de signal pour une forte baisse des taux d'intérêt
«La politique monétaire actuelle semble également inhabituellement expansive avec la récente baisse significative du taux directeur», écrivent les économistes. En décembre, la BNS a abaissé son taux directeur de 0,5 point de pourcentage à 0,5%, à la surprise générale.
En 2024, l'économie suisse se serait stabilisée au cours de l'année et connaîtrait une croissance solide. Et l'inflation de 1,7% n’indiquait pas la nécessité d’une politique monétaire aussi accommodante.
700 milliards de francs d'avoirs à l'étranger
Martin Schlegel et les économistes de la BNS connaissent également ces contextes. Pourquoi donc cette forte baisse du taux directeur en décembre? Grâce à des interventions sur le marché des devises pour affaiblir le franc, la BNS a accumulé plus de 700 milliards de francs d'avoirs à l'étranger.
Si le franc augmente, la valeur des placements à l'étranger diminue. Et c'est ce que la BNS veut éviter à tout prix. «Comme la BNS a axé sa politique monétaire sur la gestion du taux de change au cours des dernières années, elle est désormais fortement incitée à continuer à le faire», écrivent Johannes von Mandach et Klaus Wellershoff.