Pour le Conseil fédéral et le camp bourgeois, la réforme de la LPP est un nouveau revers amer dans les urnes. Pour la gauche, il s'agit d'une démonstration de force: sur dix référendums qu'elle a lancés au cours des quatre dernières années, le «non» à la réforme des caisses de pension est déjà le sixième à passer la rampe. La gauche s'est notamment opposée avec succès à la révision de l'impôt anticipé et à l'abolition des droits de timbre.
Le Parti socialiste (PS) et les Vert-e-s n'ont été battus que sur l'impôt minimum de l'OCDE, la réforme de l'AVS, la loi sur le terrorisme et l'accord de libre-échange avec l'Indonésie. De son côté, le camp bourgeois n'a pu renverser que deux fois une décision du Conseil fédéral. «La gauche a actuellement une force référendaire trois fois supérieure à celle de la droite», a déclaré Cloé Jans, politologue à l'institut de sondage GFS Berne, le dimanche de la votation.
Même en dehors des référendums, les partis de gauche ont été gagnants dans trois quarts des projets nationaux. «Cela n'était plus arrivé depuis au moins dix ans», a déclaré Cloé Jans.
Les bourgeois contre le peuple
Ce bilan montre l'opposition entre la Berne fédérale et le peuple, notamment en matière de politique sociale. La majorité bourgeoise décide dans les deux chambres du Parlement et domine au Conseil fédéral avec la centriste Viola Amherd, les libéraux-radicaux Karin Keller-Sutter et Ignazio Cassis, ainsi que les UDC Albert Rösti et Guy Parmelin. Les Vert-e-s et le PS, avec les conseillers fédéraux Beat Jans et Elisabeth Baume-Schneider, se retrouvent minoritaires.
Mais lorsque les décisions sont soumises au peuple, c'est souvent l'inverse. Dans nombre de ces cas, les Chambres fédérales font de la politique sans tenir compte des votants.
La réforme de la LPP est un exemple parlant: le compromis des partenaires sociaux a été rejeté par le Parlement, ce qui a réduit à néant les chances du projet. Ce «rappel à l'ordre» est aussi un avertissement. En novembre déjà, le flot de référendums se poursuivra. Et ce, à quatre reprises.
La suite en novembre
La gauche s'attend à nouveau à de bons pronostics pour deux projets. En septembre dernier, le Parlement a décidé d'adapter le droit de bail en faveur des bailleurs. D'une part, les sous-locations doivent être soumises à des directives plus strictes. D'autre part, le Parlement a abaissé les obstacles à la résiliation du bail en cas de besoin personnel. L'Association suisse des locataires a lancé avec succès un double référendum.
Le succès du référendum contre le financement uniforme des prestations ambulatoires et hospitalières (EFAS) est cependant plus incertain. D'autant plus que même l'Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) ne s'est pas ralliée à la cause.
«Législature référendaire» jusqu'en 2027
La vague ne devrait pas non plus se briser dans les années à venir: la présidente des Vert-e-s Lisa Mazzone a annoncé ce week-end dans un entretien avec la «Sonntagszeitung» une législature référendaire. «La majorité PLR-UDC au Conseil fédéral va perdre une fois sur deux», affirme la politicienne. Et dans trois ans, il faudra changer de gouvernement, ajoute-t-elle.
La gauche s'opposera notamment au paquet d'économies mis en place par le Conseil fédéral, pour autant qu'il passe tel quel au Parlement. Et un référendum se dessine également sur le nouvel accord de libre-échange avec la Chine, dont les négociations débutent lundi. Selon Lisa Mazzone, les chances de réussite sont bonnes: l'accord commercial bilatéral avec l'Indonésie avait déjà été approuvé de justesse par le peuple.