La débâcle de la LPP réjouit les grandes associations économiques et les partis bourgeois. Les électeurs ont massivement rejeté la réforme avec 67% de non. Une décision similaire à celle de 2010, lorsqu'une baisse du taux de conversion avait été rejetée à 73%.
Les partisans parlent maintenant d'une occasion manquée et accusent les syndicats d'avoir induit l'électorat en erreur. Pas d'autocritique pour l'heure. C'est pourtant à eux-mêmes qu'ils doivent s'en prendre le plus.
Une solution susceptible de recueillir une majorité avait été servie sur un plateau d'argent lorsque l'association patronale et les syndicats avaient présenté leur compromis entre partenaires sociaux en 2020. Cette proposition garantissait les rentes et modernisait la LPP avec un bon rapport prix-prestations.
Mais les deux parties avaient dû avaler des couleuvres: les syndicats avaient été obligés d'accepter un taux de conversion plus bas, et les faîtières économiques, un supplément de rente pour tous avec un mécanisme de redistribution solidaire.
Un accord déséquilibré
Le Conseil fédéral a présenté cette solution à l'unanimité au Parlement. Celui-ci avait le pouvoir de soumettre le projet au peuple, peut-être avec quelques légères retouches. Au lieu de cela , la majorité bourgeoise a supprimé du projet la pièce maîtresse de la gauche, à savoir le supplément de rente pour tous. Elle l'a remplacé par une variante light limitée à 15 années de vie. L'accord était ainsi déséquilibré.
Difficile de comprendre pourquoi les politiciens fédéraux n'ont pas voulu reprendre tel quel le compromis des partenaires sociaux. La prévoyance professionnelle est pourtant un domaine clé du partenariat social. Le Parlement doit à présent faire face aux conséquences de ses choix.
Et il sera impossible de régler le sujet rapidement. La baisse du taux de conversion n'est plus d'actualité pour les années à venir. Personne ne veut se brûler les doigts avec ce sujet ardu. De même, les améliorations des prestations demandées par le camp gauche-vert-e-s, comme les bonifications pour tâches éducatives, ne trouveront guère de majorité.
A moyen terme, la question des personnes travaillant à temps partiel devra évidemment être remise sur le tapis, mais pour l'instant, l'immobilisme politique est de mise autour du sujet de la LPP.
Les caisses de pension doivent se débrouiller
Les caisses de pension doivent donc continuer à résoudre leurs problèmes par elles-mêmes. C'est habituel, la grande majorité d'entre elles ont depuis longtemps procédé à des adaptations parfois difficiles, ce que les assurés du régime surobligatoire ressentent douloureusement avec les taux de conversion plus bas.
La plupart des caisses de pension du régime obligatoire se sont également accommodées de la situation, de sorte que les mesures de réforme ne sont pas à l'ordre du jour actuellement.
Ceux qui ont vraiment du fil à retordre peuvent se sauver dans le régime surobligatoire. Les caisses pourraient ainsi assurer volontairement une masse salariale plus élevée que celle prescrite et réduire ainsi en contrepartie le taux de conversion. Même si cela impacte passablement les personnes concernées.
L'AVS revient sur le devant de la scène
Avec le non à la LPP, la thématique de l'AVS est encore plus au centre de l'attention qu'avant. A juste titre, car c'est dans le 1er pilier que de grands défis doivent être relevés. Le financement de la 13e rente AVS sera une course contre-la-montre, l'augmentation de la TVA envisagée par le Conseil fédéral étant attaquée à gauche comme à droite.
Et la prochaine étape pour développer l'AVS, qui coûtera des milliards, se profile déjà à l'horizon. L'initiative du Centre, qui veut supprimer le plafonnement des rentes des couples mariés, a des chances d'être appréciée des électeurs. Le parti de Gerhard Pfister peut espérer le soutien non seulement de l'UDC, mais aussi de la gauche, comme l'a laissé entendre le patron des syndicats Pierre-Yves Maillard dans une interview accordée à Blick.
Après les votations de cette année sur les retraites, l'opinion des électeurs est clair: l'AVS reste la pièce maîtresse de la prévoyance vieillesse. Le Parlement ne pourra pas éviter de trouver de nouvelles sources de financement.