Débauchage éhonté
En manque de main-d'œuvre, les cantons se disputent leurs policiers

La Suisse manque de policiers. Certains cantons convoitent les effectifs d'autres corps, créant ainsi une mauvaise ambiance. Pour charmer les meilleurs éléments des autres, ou pour défendre les siens des avances venues d'ailleurs, tous les moyens sont bons. Éclairage.
Publié: 28.04.2023 à 06:33 heures
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Dernière mise à jour: 28.04.2023 à 06:45 heures
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«J'ai eu un entretien d'adieu avec un collègue. Chez nous, il était employé à un poste de cadre. À la police cantonale de Zurich, il sera collaborateur spécialisé mais gagnera 1000 francs de plus par mois», déclare le commandant de la police schaffhousoise, Philipp Maier.
Photo: Babic Sebastian (bbs)
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Sebastian Babic

La Suisse souffre d'une pénurie de policiers. De pays en pays, les effectifs manquent. C'est pourquoi les corps de police désespérés se débauchent mutuellement leurs fonctionnaires. Parfois, il faut même verser des indemnités à l'ancien employeur: dans des cas extrêmes, plus de 100'000 francs !

Cette lutte pour le recrutement des meilleurs policiers donne lieu à d'étranges pratiques. Ainsi, à la fin de l'année dernière, la police municipale de Winterthour a fait de la publicité pour des renforts sur le sol thurgovien, avec des slogans tels que: «Marre du travail de shérif de village?»

Une campagne qui ne cherchait donc pas en premier lieu de nouveaux aspirants policiers, mais qui visait les personnes déjà formées. Cette campagne publicitaire a provoqué une vive réaction de la police cantonale thurgovienne, qui l'a vivement critiquée, pouvait-on lire dans le «St. Galler Tagblatt».

Il ressort clairement des entretiens avec des policiers et des responsables de différents cantons que les corps zurichois, en particulier, font preuve d'agressivité dans leurs opérations de recrutement.

Un «gentlemen's agreement» sans valeur

Leurs collègues des autres cantons peuvent en dire long sur ce sujet. «Je viens d'avoir un entretien d'adieu avec un collègue, déclare à Blick le commandant de la police schaffhousoise, Philipp Maier. Chez nous, il occupait un poste de cadre, à la police cantonale de Zurich, il sera collaborateur spécialisé mais gagnera tout de même 1000 francs de plus par mois.»

En fait, il existe entre les commandants de police cantonaux un accord de courtoisie selon lequel on renonce à débaucher des policiers formés dans d'autres cantons. «Mais quand on voit le nombre de débauchages, on ne peut que se dire que c'est fini», dit Philipp Maier.

Et d'ajouter: «Je sais que d'autres corps de police cantonaux ont passé des appels téléphoniques à nos postes de police ruraux pour des tentatives de débauchage direct.» Le résultat est peu reluisant pour le petit canton: chaque année, près d'une demi-douzaine de policiers schaffhousois sont débauchés dans d'autres cantons.

Lorsqu'un fonctionnaire est débauché, l'ancien employeur reçoit parfois une indemnisation pour sa formation. Seulement, cela ne rapporte pas grand-chose. La première année, la compensation s'élève à environ 40'000 francs dans le canton de Schaffhouse. «Si l'on considère que la seule formation de base de deux ans coûte un quart de million de francs par personne, ce n'est pas une bonne affaire», explique le commandant Philipp Maier.

Un système biaisé avec des conséquences

Le plus haut syndicaliste policier du canton de Schaffhouse, Patrick Portmann, est clair: «Si les gens qui ont suivi des formations de cadres coûteuses partent dans d'autres cantons, c'est une folie économique pour Schaffhouse.» Patrick Portmann parle d'un système biaisé: «Les policiers sont formés avec de l'argent public et débauchés avec de l'argent public. Cela rappelle parfois le marché des transferts du football, mais avec des montants moins importants.»

La police aéroportuaire zurichoise, en particulier, a débauché de nombreux Schaffhousois par le passé, selon une source bien informée.

La différence entre les salaires schaffhousois et zurichois? Dans certains cas, 1500 francs par mois. «Je ne dis pas que nous avons besoin de salaires zurichois. Mais nous devrions pouvoir rivaliser avec la concurrence de Suisse orientale», soutient Patrick Portmann. En comparaison avec les autres cantons, Schaffhouse se retrouve régulièrement en queue de peloton en matière de salaires, avec Uri, Schwytz, le Jura et le Tessin, explique le syndicaliste.

Autre canton, mêmes problèmes

Même le canton urbain de Bâle-Ville est confronté à des problèmes similaires. Et pour se protéger des débauchages, presque tous les moyens sont bons.

Stephanie Eymann, cheffe du département cantonal de la police et de la sécurité, déclare: «Nous avons connaissance de plusieurs cas de débauchage. Au cours de la première année après la formation, une indemnisation d'environ 110'000 francs serait à verser, si vous étiez débauché au sein de notre réseau interrégional de formation. En cas de départ dans d'autres corps, il y a une obligation de remboursement après la formation, qui peut s'élever jusqu'à 100'000 francs.»

Actuellement, on essaie à Bâle d'atténuer cette situation par le biais d'une allocation pour les fonctionnaires de police: «La concurrence est là et les salaires bâlois ne peuvent parfois pas rivaliser avec ceux des autres corps. C'est pourquoi nous voulons verser à nos collaborateurs une allocation. Cette dernière est toutefois limitée dans le temps.»

Zurich botte en touche

À Schaffhouse aussi, une telle allocation serait en principe envisageable, comme le dit le commandant Philipp Maier: «Une allocation aide certainement à court terme, mais c'est la politique du pansement. Nous devons nous attaquer au problème de fond.»

Interrogée par Blick, la direction zurichoise de la Sécurité rejette la responsabilité sur les différents corps de police. Ceux-ci agissent selon elle «de manière indépendante».

La police cantonale zurichoise, quant à elle, contredit les déclarations de ses collègues d'autres cantons: «Nous ne recrutons pas activement des policiers d'autres corps de police et ne versons pas non plus d'indemnités financières ou de dédommagements en cas de transfert éventuel.» Parole contre parole, dirait-on dans le jargon...

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