Danielle M.* sait depuis son plus jeune âge qu’elle se sentait femme. Elle aura néanmoins vécu en tant qu’homme pour la plus grande partie de sa vie. Elle a fait un apprentissage de maçon – un métier traditionnellement masculin –, s’est mariée à une femme, fut un père pour ses deux beaux-enfants. A présent, Danielle ne veut plus se cacher. «Je suis une femme. Et je veux que tout le monde le sache.» Blick est allé à sa rencontre.
Nous la retrouvons dans son lieu de résidence à Engelberg, une petite commune du canton d’Obwald. Danielle, qui a grandi à Zurich se perd en éloges sur la tolérance de la population montagnarde. «Cette gentillesse n’existe pas à Zurich.» Il n’y a qu’un homme, au village, qui la regarde toujours comme s’il voulait «la transpercer avec une fourche». Cela ne l’atteint pas.
C’est au kebab qu’elle est apparue pour la première fois en tant que femme
Sa vie a changé il y a un an, et pas seulement parce qu’elle a fait son coming out et a changé de prénom. L’année dernière, elle est tombée dans un cycle infernal: perte d’emploi, dépression, crise existentielle. Et une tentative de suicide. «Je ne voyais plus de sens à ma vie et à toutes ces cachotteries.». Cette crise a fait remonter à la surface quelque chose qu’elle avait enfouie toutes ces années. «Le jour de ma tentative de suicide, je suis devenue une femme. J’étais prête à mourir, mais cela aurait fait beaucoup de mal à beaucoup de gens. Après cela, je n’avais plus rien à perdre.»
Peu de temps après, elle ose sortir en public pour la première fois en tant que femme. Au Kebab House local, où elle a ses habitudes, et qui est à ce moment-là assez bondé. Le restaurateur Cajic Zeljko a simplement dit: «Bonjour Daniela». Certains clients, déjà éméchés, lui ont demandé: «Dani, qu’est-ce que tu portes en dessous?» Elle a alors répondu avec un large sourire: «Un string!» Danielle est suffisamment sûre d’elle pour rire des remarques déplacées. Ou alors elle a appris à ne pas les entendre. «Ce n’est que ce soir-là que j’ai réalisé tout ce que j’ai enduré pendant des décennies.»
Elle a commencé à explorer sa féminité dès les années 1970. «Je prenais les talons aiguilles de ma mère quand personne ne le remarquait.» Dès son plus jeune âge, il lui semblait clair qu’un garçon n’avait pas à explorer son côté féminin. «Le monde se serait effondré.»
Sa première petite amie – Danielle a toujours été attirée par les femmes – était très souvent en voyage d’affaires. «Je m’achetais à chaque fois des vêtements féminins. Et à chaque fois, je devais tout jeter avant qu’elle ne rentre à la maison», se souvient Danielle. Elle se sentait «comme une criminelle».
Le long chemin vers la réassignation sexuelle
A l’époque, il n’a jamais été question de faire son coming out. «J’ai émigré, j’ai longtemps travaillé comme indépendant sur des projets de construction en République dominicaine.» Sur place, Danielle y a rencontré une femme et est ensuite devenue le beau-parent de ses deux fils. «Ils m’appellent encore papa aujourd’hui.» Après la séparation, c’est le retour en Suisse en 2001.
La réinsertion professionnelle en Suisse ne se passe pas bien. Son emploi dans un magasin de sport, pour lequel Danielle avait déménagé de Zurich à Engelberg, ne lui convient pas. «Mes collègues de travail avaient tous la moitié de mon âge, ça ne collait tout simplement pas.» Depuis, elle a envoyé d’innombrables candidatures, en vain.
Malgré tout, Danielle regarde l’avenir avec espoir. Elle veut que son corps reflète ce qu’elle ressent. «Je consulte une psychologue», explique Danielle en résumant les premières étapes vers la chirurgie. La prise d’hormones devrait commencer en mai. Le chemin jusqu’à l’opération prendra certainement plus de deux ans, calcule-t-elle.
Après toutes ces décennies, tout doit aller vite. Car Danielle aura bientôt 58 ans: «Il me reste encore quelques années avant d’être une vieille femme, rigole-t-elle. Et je veux encore bien en profiter!»
* Nom connu de la rédaction