Il n'est pas pertinent de parler d'une rupture entre le peuple et l'élite au sujet de la neutralité. En réalité, cette rupture est double: elle existe d'une part entre les partisans d'une neutralité intégrale, à la manière de l'UDC, et ceux qui fondent la neutralité sur le droit international. D'autre part, entre les partisans d'un rapprochement avec l'OTAN et ceux qui estiment que la neutralité est encore utile du point de vue de notre sécurité.
Les Confédérés s'entendent sur le statut de neutralité du pays de 1647, un an avant la signature de la paix de Westphalie. Leur message est le suivant: nous n'attaquerons plus personne; tout au plus, nous nous défendrons si nous sommes attaqués. Cela équivaut à un renoncement définitif à l'agression militaire comme instrument de la politique de sécurité.
Rétrospectivement, cette décision peut être qualifiée de véritablement révolutionnaire à une époque où la guerre était considérée comme un moyen légitime de résoudre les conflits. La Suisse a survécu à deux guerres mondiales tout en affirmant son statut d'État neutre. Depuis lors, la neutralité s'est développée pour faire face aux défis mondiaux. Une politique de neutralité active signifie que la Suisse se range du côté du droit international et que si le droit international est violé, la Suisse impose des sanctions.
Le deuxième clivage concerne l'attitude de notre pays vis-à-vis de l'OTAN. Ce n'est un secret pour personne que notre ministre de la Défense voulait rendre possible l'accord sur les Leopard et qu'un rapprochement supplémentaire avec l'OTAN est son objectif déclaré. La participation prévue au bouclier antimissile européen «Sky Shield» ne doit être qu'une étape dans ce sens. La Suisse coopère avec l'OTAN dans le cadre du Partenariat pour la paix. Cette coopération n'est pas contraire à la neutralité, elle se veut une plateforme de discussion dont la vision est de prévenir les menaces militaires.
Mais avec la guerre en Ukraine et le retour à la politique de puissance, la coopération avec l'OTAN a pris une autre signification. Un pas trop loin dans cette direction lierait notre destin à celui de l'OTAN et entraînerait automatiquement la perte de notre neutralité. C'est un véritable choix auquel la Suisse est confrontée du point de vue de la politique de sécurité.
Il est dommage qu'il n'y ait pas de véritable débat public sur cette question.