La situation est critique pour Credit Suisse (CS). Malgré ses signaux rassurants, les investisseurs ne croient manifestement plus aux slogans de la direction… et fuient les actions de la banque suisse. Le dernier mémo du patron de l’établissement, Ulrich Körner, publié vendredi, n’a manifestement pas réussi à rassurer les marchés pour le moment.
Lundi, l’action de CS a perdu près de 11% de sa valeur, tombant temporairement à 3,52 francs. Un record. Ce n’est que dans l’après-midi qu’une reprise s’est amorcée. A la clôture de la bourse, l’action a limité ses pertes à -0,93%.
Au cours du week-end, les rumeurs se sont multipliées et plusieurs médias ont même spéculé sur une faillite de la grande banque suisse. Malgré ces suppositions, la banque ne devrait pas encore connaître un «moment Lehman». Ce terme fait référence à l’effondrement de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers le 15 septembre 2008, entraînant les marchés financiers dans sa chute.
La restructuration coûtera cher
Cette crainte d’un krach boursier mondial pourrait expliquer pourquoi les banques centrales et les autorités de surveillance du CS sont en alerte. Selon le journal britannique «The Telegraph», la Banque d’Angleterre suivrait de près l’état de la grande banque suisse. Notamment parce que les prix des titres de couverture contre une faillite de la banque – appelés Credit Default Swaps – ont massivement augmenté ces derniers jours.
La couverture en capital du CS est encore suffisamment robuste. Mais on peut se demander si elle sera suffisante à l’avenir. Car une chose est claire: quel que soit le plan d’assainissement de la banque, il sera de toute façon coûteux. «Plus la restructuration est radicale, plus elle sera coûteuse», explique Andreas Venditti, analyste d’actions à la banque Vontobel.
Car tant la réduction du personnel à grande échelle que la diminution des risques dans la banque d’investissement coûtent des milliards à l’établissement. Et ne font gagner aucun franc à CS. «A cela s’ajoute le fait que CS enregistre actuellement des pertes trimestre après trimestre et que l’environnement de marché est extrêmement défavorable», fait encore remarquer Andreas Venditti.
Une situation de départ difficile
Cela place le CS devant de tous autres défis que l’UBS, qui a dû se relever après la crise financière de 2008. A l’époque, l’économie et les marchés financiers avaient connu une grande reprise, alimentée par l’argent bon marché des banques centrales. La situation est aujourd’hui très différente, les banques centrales ont à nouveau fermé les vannes, les taux d’intérêt augmentent et une récession mondiale menace en raison de la guerre en Ukraine.
On peut donc se demander si les fonds propres suffiront vraiment jusqu’à la fin de la restructuration. Il est possible qu’une augmentation de capital soit nécessaire plus tard ou qu’un sauveur comme Warren Buffet doive intervenir en tant qu’investisseur.
La banque a les mains liées
De son côté, la direction du CS est prise au piège. «La direction devrait briser cette spirale négative de rumeurs et de pertes de cours», estime Andreas Venditti. Mais comme elle s’est donné jusqu’au 27 octobre, date à laquelle la direction de la banque souhaite communiquer les plans de transformation de l’établissement, la place est libre pour les rumeurs laissées sans commentaires. «Je comprends que la banque ait besoin de temps, mais la pression sur la direction du groupe augmente chaque jour», pointe l’analyste.
La banque devrait, de plus, mener actuellement des discussions de vente sur certaines de ses parties. CS ne peut donc pas se permettre de diffuser des informations qui pourraient compromettre de délicates négociations.
L’Etat interviendrait
Que se passerait-il toutefois si la banque devait effectivement manquer d’argent et être menacée de faillite? Pas grand-chose, serait-on tenté de dire, car l’Etat finirait sans doute par intervenir et sauver l’établissement financier. Car le CS, tout comme l’UBS, est «too big to fail». Le groupe bancaire ne doit pas couler pour ne pas mettre en danger la stabilité du système financier.
Les petits épargnants ne devraient pas avoir trop de soucis à se faire: si vous avez quelques dizaines de milliers de francs sur votre compte CS, vous êtes sûr de récupérer, quoi qu’il arrive, votre argent. C’est ce qu’on appelle la garantie des dépôts qui, en cas de faillite, garantit les fonds jusqu’à un montant maximal de 100’000 francs par client ou cliente.