Frôler les 32 milliards de francs de chiffre d'affaires en 2023... Migros a fait fort, et ça n'est pas passé inaperçu. Dans un post LinkedIn publié mardi, Mauro Poggia, conseiller aux États genevois, ne cache pas son désarroi. «Alors qu’on nous apprend que les épiceries de Caritas n’ont jamais été autant sollicitées et qu’une part croissante de la population peine à joindre les deux bouts, me voilà rassuré d’apprendre que la Coopérative Migros, même sans la pression d’actionnaires, accroît encore ses recettes.»
Le géant orange a enregistré une croissance robuste de 5,9% l'année dernière dans tous ses domaines d'activité. Rien que pour le commerce de détail en Suisse, le chiffre d'affaires — ou le total des ventes — s'est élevé à 24,1 milliards de francs.
Un résultat qui fait tiquer
Contacté par Blick, le membre du Mouvement citoyens genevois (MCG) ne mâche pas ses mots. «Se permettre d'afficher de manière si décomplexée un chiffre d'affaires en augmentation, alors même que l'inflation pèse toujours et que les consommateurs peinent à suivre, pose un réel problème», tacle Mauro Poggia au bout du fil.
Pour lui, la véritable question est la suivante: quelle est l'augmentation du bénéfice par rapport à 2022? «Car il faut remettre les choses dans leur contexte. Migros, tout comme Coop, ne sont pas de simples acteurs économiques comme les autres. Denner, Aldi ou encore Lidl sont venus de l'étranger.»
Il soulève qu'ici, on parle d'institutions suisses, de coopératives nées en Suisse. «Le fondateur de Migros était un homme qui avait la conviction et la volonté de créer autre chose qu'un simple acteur économique supplémentaire, il voulait contribuer au bien-être de la population», affirme l'élu. D'ailleurs, monsieur Tout-le-monde ne va pas «faire les courses», mais «va à la Migros», remarque-t-il.
Mauro Poggia insiste également sur le fait qu'en tant que coopérative, la Migros n’est pas là pour faire des bénéfices. Dans ce type d'entreprises, le poids de chaque membre est le même lors des votes et le but n'est pas de maximiser les bénéfices, mais de les optimiser. De plus, une coopérative n'a pas une assemblée générale d'actionnaires qui lui mettent la pression pour dégager de juteux dividendes. «Il serait temps que cette institution suisse se souvienne d’où elle vient et ce qu’elle doit à la classe moyenne de notre pays, et aux agriculteurs et producteurs locaux», relève-t-il.
Des conséquences à la chaîne
Le parlementaire soulève encore plusieurs répercussions directes liées à la gestion financière de l'institution. Il mentionne, entre autres, le tourisme d'achat en hausse dans les régions frontalières et les rémunérations insuffisantes dans certains secteurs liés à l'agriculture.
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L'absence de réaction du monde politique face à ces acteurs économiques sidère Mauro Poggia. «L'augmentation du pouvoir d'achat de la population ne passe pas uniquement par une augmentation des revenus ou une baisse des impôts. Il passe aussi par le fait qu'on puisse acheter des biens de première nécessité moins chers, à un juste prix.»
Comment faire pour changer la donne? Loin d'envisager l'introduction de lois pour réguler les prix, l'homme politique souhaite plutôt une sensibilisation éthique et civique à l'intention de ce type d'entreprises, elles qui ont un rôle particulier à jouer sur le marché suisse.
Une réponse tout en douceur
Tristan Cerf, porte-parole du géant orange, explique d'entrée de jeu que le «chiffre d'affaires a en grande partie grimpé à cause de la hausse des prix en rayon, notamment due à l'augmentation du coût des matières premières et de l'énergie». Quant aux bénéfices, ils seront communiqués d'ici à la fin mars. «La rentabilité de Migros est minime, on parle de 1,5% à 2% maximum. C’est bien la rentabilité d’une coopérative. Nous ne sommes pas, en effet, une entreprise ayant pour but de maximiser le profit, explique-t-il. On ne ferait pas long en bourse avec ce résultat.»
D'après le communicant, le bénéfice dégagé permet notamment «de supporter une période comme le Covid-19 et d'assurer le versement des salaires à l'ensemble des employés.» Il en profite également pour rappeler que l'argent est réinvesti dans l'emploi en Suisse (près de 100'000 employés), dans l'agriculture, des associations caritatives ou encore des projets sociaux.