Chaos sur les trottoirs
Les trottinettes électriques, «c'est tout simplement énervant»

Les trottinettes en libre-service des entreprises de location Bird, Lime ou Voi sèmeraient le chaos en ville. Blick s'est rendu à Zurich pour un safari improvisé, avec la conseillère nationale verte Marionna Schlatter.
Publié: 19.05.2023 à 11:05 heures
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Dernière mise à jour: 20.05.2023 à 08:17 heures
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Deux hommes sont entrés en collision avec une personne en fauteuil roulant. Entre les deux, une trottinette électrique abandonnée.
Photo: Siggi Bucher
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Peter Aeschlimann

Elles poussent comme des champignons dans les villes suisses. Et Marionna Schlatter n'en peut plus. Les trottinettes électriques, «c'est tout simplement énervant».

Blick s'est promené dans le centre-ville de Zurich avec la conseillère nationale verte et présidente de Mobilité piétonne Suisse. Le soleil printanier réchauffe l'asphalte, le trafic de fin de journée va bientôt commencer en ce vendredi après-midi.

Ici, les trottinettes électriques sont devenues un fléau. Elles bloquent les chemins et finissent même régulièrement dans les rivières et les lacs, surtout en été.

Nous avons voulu vérifier l'ampleur du problème par nous-mêmes. Et en effet, un constat frappe d'emblée: Lime, Bird et Voi sont partout. Les autorités ont accordé aux loueurs des autorisations pour exploiter 4000 trottinettes. À la fin de l'été 2021, au plus fort de l'engouement, on parlait de 65'000 trajets par semaine. Entre-temps, ce nombre a nettement diminué, explique la ville de Zurich.

Issues de secours bloquées

À peine sortie dans la rue, Marionna Schlatter s'arrête et secoue la tête. Non loin d'une place publique, une trottinette rose en stationnement bloque un trottoir d'à peine deux mètres de large. «Ici, c'est un classique!», lance-t-elle. Sur une porte à côté, on peut lire: «Laissez la sortie de secours libre». «Celui qui gare son véhicule ainsi, dit l'écologiste, n'a aucun respect pour l'espace public. C'est vraiment un problème.»

Lorsque le boom des trottinettes s'est propagé de la côte ouest étasunienne à l'Europe il y a environ cinq ans, beaucoup ont espéré un miracle. Remplacer la voiture par la trottinette pour effectuer de courts trajets. On rêvait de routes moins encombrées et de places libres dans les tramways. C'est le contraire qui s'est produit, comme l'indiquent plusieurs études. Les trottinettes électriques entraîneraient un surplus de trafic, parce qu'elles sont surtout utilisées pour le plaisir et pas pour les déplacements utiles.

Pour Marionna Schlatter, le rapport coûts-bénéfices n'est pas bon: «L'idée d'une alternative à l'automobile était bonne. Mais c'était une fausse promesse.»

Les trottinettes prennent de la place, consomment de l'énergie et peuvent taper sur les nerfs. Parfois, elles peuvent même être dangereuses. L'année dernière, trois personnes ont été tuées dans un accident en Suisse et 114 autres ont été grièvement blessées.

«L'utilisation des trottinettes électriques semble un jeu d'enfant, mais elle comporte des risques», explique Christoph Leibundgut, porte-parole du Bureau de prévention des accidents (BPA). Même de petits trous peuvent entraîner des chutes, sans compter les collisions avec des véhicules à moteur, des cyclistes et des piétons.

Des piétons en danger de mort

Aux abords du centre commercial Europaallee près de la gare centrale, au milieu d'une zone piétonne, quelqu'un a garé sa trottinette électrique sur la ligne de guidage pour aveugles. «La marche est moins stressante, on n'a pas besoin de se concentrer en permanence», fait valoir Marionna Schlatter. En ville, cette habitante de l'Oberland zurichois ne monte ni sur une trottinette ni sur un vélo. Elle trouve cela trop stressant, voire dangereux. Elle préfère plutôt marcher et ne penser à rien. «C'est ce que les utilisateurs de trottinettes électriques nous enlèvent. Ils empiètent sur nos voies sans faire attention à nous».

Dans le quartier industriel Kreis, on a même frôlé la catastrophe. Deux jeunes pilotes de trottinettes électriques ont foncé sur le trottoir en direction d'une femme en fauteuil roulant arrivant en sens inverse.

Pourtant, les règles sont claires: à Zurich par exemple, la circulation des trottinettes sur le trottoir est interdite par la loi, le stationnement sur les chemins n'est autorisé que si un espace d'un mètre et demi reste libre et les exploitants doivent enlever les véhicules mal garés dans les 24 heures. «Dans la mesure du possible, la police municipale effectue des contrôles et intervient si quelqu'un ne gare pas correctement sa trottinette électrique», explique Robert Soos du département de la sécurité.

Le stationnement sauvage n'est pas puni

Mais cela reste très théorique, regrette Marionna Schlatter. Les autorités manquent en effet de personnel, et parfois d'intérêt, pour effectuer des contrôles efficaces.

La commune de Wetzikon dans le canton de Zurich a ainsi stoppé ce printemps un projet de trottinette électrique en raison du nombre des réactions négatives de la population. À Paris, les trottinettes électriques sont depuis peu totalement interdites. En tant que présidente de Mobilité piétonne Suisse, Marionna Schlatter aspire à des solutions qui rendent la coexistence possible, comme des emplacements fixes pour empêcher le stationnement sauvage. Elle serait favorable à une responsabilité du détenteur, comme c'est le cas pour les voitures de location.

La conseillère nationale serait-elle favorable à une interdiction ? Son silence en dit long. «Je ne vois pas la valeur ajoutée des trottinettes électriques dans le trafic urbain. On a essayé, dit Marionna Schlatter, mais il faut maintenant se rendre à l'évidence: ça n'en vaut pas la peine».

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