Le matin, la première chose qu'il faisait pour «calmer» son estomac était de boire quelques schnaps. L'alcool accompagnait Andi Zai 24 heures sur 24.
Lorsqu'il allait jouer au billard ou à la pétanque avec ses amis, il avait toujours un litre de bière dans son sac à dos. Ses amis buvaient du thé, lui de l'alcool. Au final, il enquillait une bouteille de vin, plus 1,5 litre de bière et une demi-bouteille d'alcool fort – tous les jours.
Un problème récurrent
Lors d'un congrès, il ne parvenait plus à s'exprimer. Impossible de trouver les bons mots. Sans compter les problèmes d'estomac et le manque d'appétit. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'Andi Zai a constaté qu'il avait un problème.
Andi Zai était alcoolique – un cas loin d'être isolé. Il ressort de la dernière enquête suisse sur la santé qu'un homme sur trois âgé de 65 ans et plus et deux hommes sur cinq âgés de 75 ans et plus boivent de l'alcool tous les jours – c'est quatre fois plus que dans l'ensemble de la population.
L'ivresse ponctuelle a également fortement augmenté chez les femmes âgées. Selon l'enquête, une hausse brusque de la consommation d'alcool survient chez beaucoup de personnes lors du départ à la retraite.
Un coup d'arrêt brutal
En avril 2020, Andi Zai a pris sa retraite en plein confinement. La fête d'adieu prévue est supprimée sans être reportée. Andi Zai rentre chez lui après sa dernière journée de travail. Pourtant, il aurait bien aimé continuer à être actif.
Après une longue période de chômage, ce photographe de formation s'était reconverti à 50 ans en travailleur social, spécialisé dans l'intégration professionnelle. Faire connaissance avec les gens, construire des CV, chercher des places appropriées pour eux – lorsqu'il évoque son travail, il est difficile de le freiner.
Mais même le syndicat pour lequel il s'est engagé pendant des années ne veut plus de lui. Du jour au lendemain, tout son champ d'activité, tout son monde s'effondre. «J'ai eu du mal à reprendre pied».
Remplir ses journées
Une fois à la retraite, son quotidien se limite à quelques rendez-vous. Andi Zai essaie de remplir ses journées d'une manière ou d'une autre: faire la grasse matinée, déjeuner et «sortir encore un peu» l'après-midi – se promener ou jouer à la pétanque avec des amis.
Mais c'est difficile. Ses deux enfants, son fils de 28 ans et sa fille de 35 ans, vivent leur propre vie. «C'est devenu déprimant». L'alcool devient alors sa béquille et son réconfort.
«Trois verres de vin, c'est trop»
Les histoires d'addiction comme celle-ci, Thomas Maier, directeur médical de la clinique Forel, ne les connaît que trop bien. La clinique compte parmi les établissements de pointe en matière de traitement de la dépendance à l'alcool.
Avec la retraite, ce n'est pas seulement la structure de la journée qui disparaît, mais aussi le tissu social, à quoi s'ajoutent l'ennui et, pour les personnes seules, la solitude. Certaines personnes concernées augmentent lentement leur consommation: un verre de vin le soir devient trois. «C'est trop», dit Thomas Maier. «C'est ainsi que l'on glisse vers la dépendance.»
Un problème marginalisé
La société joue également son rôle: «Nous donnons à de nombreuses personnes âgées le sentiment qu'elles ne sont plus importantes.» La lassitude de certains à l'égard de la vie les empêche de voir le problème et de demander de l'aide à temps.
Or, l'alcool est particulièrement problématique pour les seniors. «Ils ont besoin de plus de temps pour éliminer l'alcool», explique Thomas Maier.
La même quantité qu'auparavant peut entraîner des vertiges, des chutes et des problèmes d'estomac. A cela s'ajoute le fait que les personnes âgées prennent souvent beaucoup de médicaments – une combinaison dangereuse, notamment avec les somnifères.
Même les bons amis ne remarquent rien
Andi Zai augmente constamment la dose. La bouteille de vin qu'il partageait auparavant avec sa partenaire pour le dîner, il la vide désormais tout seul.
Puis viennent les problèmes d'estomac. Aux trois schnaps du soir s'ajoutent ceux du matin. Il répartit les quantités sur la journée. «Je faisais des allers-retours entre la télévision et la cuisine comme une balle de ping-pong.» Pas une journée ne se passe sans nervosité, sans agitation.
L'ancien photographe a certes une consommation récurrente, mais il n'est jamais en état d'ivresse. Même ses bons amis ne le voient pas glisser dans la dépendance. «De l'extérieur, je paraissais fonctionnel.»
Même une faible consommation quotidienne est problématique
C'est un cas typique, explique Thomas Maier: «Beaucoup pensent que s'ils ne sont jamais ivres, ils n'ont pas de problème d'alcool.» Ce n'est pas vrai. Les ivrognes sont clairement une minorité.
En Suisse, on estime que 250'000 personnes sont dépendantes à alcool et que près de 1600 en meurent chaque année. On sait aujourd'hui que même de faibles quantités quotidiennes peuvent être nocives. «Les 37% d'hommes de plus de 75 ans qui boivent quotidiennement sont très vulnérables», déclare Thomas Maier.
Selon lui, la population n'a pas conscience qu'autant de seniors ont un rapport problématique à l'alcool. Il parle d'une «épidémie non reconnue». La prévention a certes fait beaucoup de progrès ces dernières années, mais il y a encore trop peu d'offres de conseils spécifiques pour les personnes âgées. Et les seniors eux-mêmes ont parfois une attitude irréfléchie vis-à-vis de l'alcool.
De nombreuses personnes concernées nient ou minimisent le problème et n'agissent que lorsque le contrôle leur échappe: lorsque leur partenaire les a quittés, lorsque leur permis de conduire leur a été retiré ou après une douloureuse maladie.
«Je ne peux plus supporter cela»
Avec le temps, Andi Zai n'a plus d'appétit, ne mange plus qu'un tiers de son assiette. Mais il continue de penser que l'alcool aide à lutter contre ses problèmes d'estomac.
Sur l'insistance de sa partenaire, il suit une consultation diététique – mais rien ne change. Il a besoin d'alcool tous les jours. «Je me suis rendu compte que je franchissais un seuil, mais j'ai continué en partie consciemment.»
Au printemps 2022, sa partenaire l'inscrit à un centre de conseil en matière de dépendance. Mais Andi Zai ne veut rien changer.
Peu après, le congrès spécialisé, les mots oubliés, puis son anniversaire. Zai se rend compte: «Je ne peux plus supporter cela, ni pour elle ni pour moi». En guise de cadeau, il lui promet de changer. Et s'inscrit quelques jours plus tard à la clinique.
Des débuts compliqués
Le 21 juin 2022, Andi Zai entame son sevrage à la clinique Forel d'Ellikon an der Thur (ZH). L'année dernière, plus de 700 alcooliques y ont été traités. Près d'une personne sur dix avait plus de 65 ans.
C'est la première fois qu'Andi Zai se rend dans un tel établissement. Ce qu'il qualifie aujourd'hui de «cadeau» lui apparaît au début comme une prison.
Il doit d'abord subir une cure de désintoxication physique. Cela dure une à deux semaines. Les symptômes possibles: forte transpiration, pouls qui s'accélère, insomnie, douleurs, convulsions et, dans le pire des cas, collapsus cardio-vasculaire.
Trois mois de sevrage
Le sevrage de Zai se déroule sans problème. Au bout d'une semaine, on lui annonce qu'il doit rester trois mois pour ce qu'on appelle le sevrage: Les patients doivent s'habituer à la vie sans alcool, apprendre à gérer le stress, à réguler leur sommeil.
C'est le point le plus critique. La moitié d'entre eux mettent fin au traitement après le sevrage physique. «Beaucoup pensent qu'il suffit maintenant de se ressaisir et que ça ira tout seul», explique Thomas Maier. Mais souvent, la dépendance est plus profonde, des dépressions ou des traumatismes apparaissent. C'est alors seulement que commence le travail difficile.
Andi Zai hésite lui aussi: «Je me suis dit: 'Qu'est-ce que je vais faire dans cette clinique?' Ma vie est à Zurich.» Mais il se rend compte que c'est nécessaire: il a besoin d'une réorientation loin de son quotidien actuel.
Aider les autres
Il passe trois mois à faire de la thérapie de groupe, de la thérapie individuelle, de l'ergothérapie et du sport. Il apprend à supporter la frustration, mais aussi ce qui est important pour lui dans la vie. Aujourd'hui, il dit qu'il ne s'est pas assez occupé de ses hobbies, qu'il a oublié ce qu'il aimait faire en dehors de son travail.
Andi Zai se fixe de nouveaux objectifs – encore à la clinique, il rédige des CV pour ses amis de la clinique, améliore leurs lettres de candidature et suit, après une désaccoutumance réussie, une formation de «pair». Il soutient ainsi les personnes dépendantes avec son propre vécu.
Abstinent depuis deux ans et demi
Aujourd'hui, Andi Zai mène à nouveau une vie bien remplie – il raconte fièrement qu'il a désormais trois à quatre rendez-vous par jour. Il est abstinent depuis deux ans et demi, continue à bénéficier d'un suivi ambulatoire et s'engage dans un groupe d'entraide. Pendant deux ans, il n'a même pas bu de bière sans alcool – par autoprotection. En 2023, sa compagne s'est séparée de lui.
En août dernier, Andi Zai est allé prendre des photos à la Street Parade – et a remarqué qu'aucun des stands de vente officiels ne proposait de bière sans alcool. Cela l'a frustré, raconte-t-il. Et il veut changer cela.