«Bien sûr, la Suisse me manque un peu», glisse Caroline Pinheiro, un brin nostalgique. Cette presque trentenaire a emménagé il y a un an sur la Côte d’Argent, au Portugal. Blick avait rencontré cette Portugaise qui a grandi en Suisse en hiver 2021, alors qu’elle empilait ses cartons à Zurich. La jeune femme avait choisi de prendre un nouveau départ dans le pays d’origine de ses parents.
Mais même si elle a eu beaucoup de plaisir à vivre dans la plus grande ville de Suisse, un an plus tard, Caroline Pinheiro est formelle: elle ne regrette pas du tout sa décision, tranche-t-elle. «Je dirige une équipe de sept personnes dans le domaine de l’audit, je suis à la plage en quinze minutes et mon boulanger sait exactement quel pain je veux», sourit-elle.
Et, surtout, elle voit toute sa famille régulièrement. C’est ce qui a avant tout séduit cette ancienne secrétaire médicale, révèle-t-elle. «Avec la pandémie et les restrictions de voyage, j’ai pris conscience que je voulais vivre près de mes grands-parents, de mes cousins et de mes tantes.»
Caroline Pinheiro n'est de loin pas la seule à avoir quitté notre pays pour recommencer à zéro plus au sud. Son équipe compte même deux autres jeunes Portugais qui ont émigré de Suisse. «Ma collègue du canton d’Uri a plié bagage après avoir achevé son apprentissage l'année dernière», ajoute-t-elle.
Montrer un «Portugal authentique et rural»
Gisela Santos a elle aussi décidé de faire ses valises il y a un an, cette fois-ci depuis la Suisse romande. Cette Portugaise de 23 ans a décidé de retourner à ses racines. Ses parents sont arrivés en Suisse dans les années 1980 et ont construit une existence à Estavayer-le-Lac, dans le canton de Fribourg, nous explique-t-elle. Sa maman nettoyait des appartements, tandis que son père travaillait dans le secteur du bâtiment. Elle et ses frères et sœurs avaient bien sûr des amis à l’école, auxquels ils étaient attachés. Mais la Suisse n’était qu’une étape pour leurs parents, c'était bien clair dans leur tête. «Leur but a toujours été de finir leur vie au Portugal», assure-t-elle.
Depuis deux ans, Gisela vit à leurs côtés dans le district de Viseu, un petit paradis entouré de montagnes et de rivières à 120 kilomètres de Porto. Dans une maison dans laquelle ses parents ont investi toutes leurs économies et qu’ils ont construite de leurs propres mains. Mais la jeune femme n'a pas effacé son pays de naissance pour autant. «Mes amis se moquent un peu de mon accent suisse», rigole-t-elle.
Aujourd'hui, elle étudie le tourisme. Son objectif? Monter son propre business et faire découvrir aux Suisses le Portugal «authentique et rural». «Aujourd'hui, de nombreuses portes sont ouvertes pour nous, les jeunes!», s’enthousiasme-t-elle.
Une main-d’œuvre bon marché, plus proche que l’Asie
Le Portugal a longtemps été une nation pauvre à la périphérie de l’Europe. Mais la réalité de ses ressortissants est aujourd’hui bien différente. La Suisse a été dès les années 80 un eldorado pour les Portugais en mal de travail. Ils ont principalement œuvré dans les secteurs du bâtiment, de la restauration ou du nettoyage.
Or, certains ont choisi depuis de retrouver le soleil de leur pays d’origine. En cause: son boom économique. La réalité de la jeune génération n’est en effet plus la même. De nombreuses perspectives s’offrent à elle: le chômage est en baisse et le pays est en pleine croissance, malgré les prix élevés des matières premières et de l’énergie. Des entreprises de toute l’Europe jouent des coudes pour installer des sites à Porto et à Lisbonne ou y transférer leurs productions.
Et la pandémie a donné un coup de pouce supplémentaire au développement portugais. Ces dernières années, des chaînes d’approvisionnement ont régulièrement été rompues vers l’Asie. Mais le Portugal est bien plus proche, et donc considéré comme plus sûr.
Même des entreprises suisses s’y intéressent. La Poste a récemment annoncé qu’elle ouvrirait l’an prochain un nouveau centre de développement informatique à Lisbonne. Raison officielle: le manque de personnel qualifié en Suisse. Notons quand même au passage que les employés lusitaniens travaillent pour un salaire inférieur à celui du reste de l’Europe, ce qui a probablement aussi dû peser dans la balance.
Le gouvernement attire les expat'
Tous ces développements ne se sont pas faits tous seuls. Le pays a sué sang et eau ces dernières années pour se rendre attractif. Il y a dix ans, le gouvernement a lancé le «visa doré», qui offrait des permis de séjour en échange d’investissements. Et depuis 2019, le programme «Regressar» (ndlr: «revenir», en français) fait miroiter une participation aux frais de relocalisation et des cadeaux fiscaux pour le retour. La condition? Obtenir un emploi à durée indéterminée.
Et tout ce programme fonctionne bien. Cette année, le nombre de Portugais en Suisse, en baisse constante, a diminué pour la cinquième année consécutive. Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, environ 6000 Portugais ont quitté la Suisse en 2014. En 2021, ils étaient presque deux fois plus nombreux.