Camps de sans-abris à Genève
Murat Alder, député PLR: «C'est la conséquence directe du laxisme des autorités»

Des camps de sans-abris, dont certains occupés par des Roms, font polémique à Genève. À la suite d'un arrêt de la CEDH, le député PLR Murat Alder a déposé un texte pour rétablir la répression visant les mendiants. Il met les autorités face à leurs responsabilités.
Publié: 15.07.2021 à 16:40 heures
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Dernière mise à jour: 16.07.2021 à 08:46 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

«On est en présence d’une situation que l’Etat ne doit pas tolérer», tonne au téléphone ce jeudi matin Murat Alder, député PLR au Grand Conseil genevois. «Ces campements sauvages au bord du Rhône ou ailleurs sont la conséquence directe du laxisme des autorités.» L’avocat réagit aux photos qui circulent sur les réseaux sociaux depuis quelques jours et au reportage de Blick à proximité du Pont Sous-Terre. Le problème: des personnes sans-abris dorment au cœur de la ville. Parmi elles, des familles de Roms, parfois accompagnées d’enfants.

Jusqu’ici, Genève menait une politique répressive en matière de mendicité, mais une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) l’a forcée à rétropédaler. Désormais, ceux qui tendent la main ne sont plus inquiétés, d’où une augmentation de la mendicité unanimement constatée.

Une jeune Rom a fait plier la Suisse

Rembobinons. En 2012, Genève avait embastillé à Champ-Dollon une Rom de 28 ans au prétexte qu’elle n’avait pas pu payer ses amendes infligées pour avoir mendié dans la rue à de réitérées reprises. Neuf ans plus tard, Strasbourg entérinait la victoire du pot de terre contre le port de pot de fer, rapportait en janvier dernier «La Tribune de Genève». Les juges avaient en effet estimé que la sanction subie par la jeune femme était contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, protégeant sa vie privée.

La répression visant les mendiants a donc été suspendue par le Canton. Une décision qui n’est pas restée sans conséquences. Après avoir sondé la police et le milieu associatif qui partagent le même constat, «Le Matin Dimanche» écrivait début mai qu’il y aurait bien eu «un effet CEDH». Une forte augmentation de la mendicité très visible, mais provisoire? C’est du moins ce qu’exigent Murat Alder et la droite du parlement. Le député a déposé le 1er mars un projet de loi dans le but de rétablir la répression. De son côté, Pierre Bayenet, d’Ensemble à Gauche, oppose un texte pour supprimer définitivement la loi pointée du doigt par la CEDH et pour indemniser ceux qui ont été amendés. Le Grand Conseil aura le dernier mot.

«Il faut, en préambule, s’opposer à plusieurs contre-vérités, assure à Blick l’élu PLR. D’abord, la CEDH n’a pas décrété qu’il y avait un droit absolu de mendier. Les Etats peuvent interdire la mendicité, mais ils doivent le faire de façon stricte et claire, et non pas de façon générale.» C’est pourquoi le député, dans son projet de loi, a défini le contour de cette interdiction.

Murat Alder, député PLR genevois, assure que que la loi genevoise contre la mendicité «n'est pas une loi anti-Roms mais anti-mendicité».
Photo: TONYTEIXEIRA

Ainsi, selon les vœux de Murat Alder, celui qui aura mendié dans une rue, un quartier ou une zone ayant une vocation commerciale ou touristique prioritaire sera amendé. Tout comme celui qui aura tendu la main dans un rayon géographique de 50 mètres autour d’un bâtiment bancaire ou postal, ou d’un distributeur d’argent en espèces. «Même s’il y a une prépondérance de Roms dans la population mendiante, ce n’est pas une loi anti-Roms mais anti-mendicité, précise-t-il. Je me dois de démonter cet amalgame.»

Mais au juste, combien y a-t-il de Roms Genève? Personne n’est en mesure d’articuler des chiffres précis. Cité par «Heidi. news», Tiberiu Moldovan, intervenant social chez Caritas, évalue toutefois leur nombre dans une fourchette comprise entre 400 et 500 personnes en 2020. «Une forme de tourisme de la mendicité» inacceptable, rebondit l’élu PLR.

«Conditions insalubres» et «pollution»

Toujours d’après Murat Alder, même si les campements sauvages de familles Roms en ville de Genève sont une des conséquences de la mendicité, son projet de loi n’y est pas directement lié. «Les autorités ont déjà les moyens d’intervenir auprès de ces personnes qui vivent dans des conditions insalubres et qui génèrent de la pollution dans les lieux où elles s’établissent sans aucune autorisation, appuie-t-il. Pour cela, elles devraient appliquer la loi sur les étrangers et prononcer des interdictions de territoire.»

Alors, pourquoi ne le font-elles pas? «Par laxisme. Et les principaux concernés sont très bien informés et savent qu’ils ne seront pas ennuyés, regrette le député. J’en veux pour preuve que vous ne trouvez pas une telle concentration de Roms dans un autre canton.» Murat Alder martèle qu’il faut agir vite. Selon lui, des solutions d’hébergements d’urgence devraient être rapidement proposées à ces sans-abris, qu’ils soient adultes ou mineurs. Ensuite, ils devraient être renvoyés dans leur pays.

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Sous le pont de Sous-Terre, une dizaine de tentes sont visibles alors que les autorités ont interdit l'accès aux berges à cause du risque de crue.
Photo: DARRIN VANSELOW

«L’Etat doit impérativement sortir les enfants de ces conditions épouvantables, c’est sa responsabilité, insiste-t-il. Lorsque des parents violent leur devoir d’entretien en faisant vivre leurs enfants en forêt ou sur les berges de rivières dont le niveau est en train de monter, ils mettent concrètement leur vie en danger.» Il marque une pause: «Il faut aussi penser aux conséquences psychologiques dramatiques sur le long terme. Il est inadmissible que les autorités tolèrent ces campements et les drames humains qui s’y jouent. Elles doivent agir.»

La répression de la mendicité à Genève: un vieux serpent de mer
  • Le 30 novembre 2007, une majorité du Grand Conseil genevois approuvait l’introduction dans la loi pénale genevoise d’un article destiné à combattre la mendicité, écrivait «La Tribune de Genève». Une victoire pour le rapporteur de la majorité, un certain Olivier Jornot. Le futur procureur général avait gagné face au conseiller d’Etat socialiste Laurent Moutinot.

  • Plus de treize ans plus tard, ce même Olivier Jornot suspend l’application de cette loi anti-mendicité. Entre-temps, «les autorités ont vainement déployé d’importants moyens afin de recouvrer les amendes notifiées, jusqu’à ce que la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Suisse, en janvier 2021», analyse «Heidi. news».

  • 1er mars 2021. Le PLR genevois revient à la charge. Le député Murat Alder a déposé un projet de loi dans le but de rétablir la répression. De son côté, Pierre Bayenet, d’Ensemble à Gauche, oppose un texte pour supprimer définitivement la loi pointée du doigt par la CEDH et pour indemniser ceux qui ont été amendés. Le Grand Conseil aura le dernier mot.

  • Juillet 2021. Le niveau du Rhône et de l’Arve monte à cause des fortes intempéries. Le phénomène jette une lumière crue sur les campements sauvages situés en plein cœur de la cité de Calvin. Des sans-abris, dont plusieurs familles de Rom, dorment sur les berges, malgré le danger.
  • Le 30 novembre 2007, une majorité du Grand Conseil genevois approuvait l’introduction dans la loi pénale genevoise d’un article destiné à combattre la mendicité, écrivait «La Tribune de Genève». Une victoire pour le rapporteur de la majorité, un certain Olivier Jornot. Le futur procureur général avait gagné face au conseiller d’Etat socialiste Laurent Moutinot.

  • Plus de treize ans plus tard, ce même Olivier Jornot suspend l’application de cette loi anti-mendicité. Entre-temps, «les autorités ont vainement déployé d’importants moyens afin de recouvrer les amendes notifiées, jusqu’à ce que la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Suisse, en janvier 2021», analyse «Heidi. news».

  • 1er mars 2021. Le PLR genevois revient à la charge. Le député Murat Alder a déposé un projet de loi dans le but de rétablir la répression. De son côté, Pierre Bayenet, d’Ensemble à Gauche, oppose un texte pour supprimer définitivement la loi pointée du doigt par la CEDH et pour indemniser ceux qui ont été amendés. Le Grand Conseil aura le dernier mot.

  • Juillet 2021. Le niveau du Rhône et de l’Arve monte à cause des fortes intempéries. Le phénomène jette une lumière crue sur les campements sauvages situés en plein cœur de la cité de Calvin. Des sans-abris, dont plusieurs familles de Rom, dorment sur les berges, malgré le danger.
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