Bras de fer diplomatique
Comment Biden compte mater Poutine à Genève

Le président américain Joe Biden a peaufiné avec ses alliés sa tactique pour contrer Vladimir Poutine ce mercredi. Premier objectif: éviter de lui donner une tribune. De son côté, le président russe voudra déstabiliser son adversaire, comme à son habitude.
Publié: 16.06.2021 à 06:00 heures
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Dernière mise à jour: 16.06.2021 à 11:08 heures
Objectif suprême de Joe Biden: réussir où ses prédécesseurs ont échoué lors de leurs bras de fer avec l'homme fort de la Russie et éviter de s'empêtrer dans les mêmes écueils.
Photo: AFP
Daniel Kestenholz, avec Amit Juillard

Un match de boxe se prépare. En tournée européenne depuis le 9 juin, le président américain Joe Biden peaufine la tactique qu’il adoptera mercredi à Genève face à un spécialiste expérimenté des face-à-face internationaux: Vladimir Poutine, son homologue russe. «Il est si prêt!», s’est exclamée la Première Dame américaine Jill Biden.

Objectif suprême de Joe Biden, selon des sources proches du Bureau Ovale: réussir où ses prédécesseurs ont échoué lors de leurs bras de fer avec l’homme fort de la Russie. En clair, éviter de s’empêtrer dans les mêmes écueils. Dès qu’il a une minute, Joe Biden consulte ses plus proches collaborateurs, comme le secrétaire d’Etat Antony Blinken ou Jake Sullivan, son conseiller à la sécurité nationale.

Un premier élément de la tactique de Joe Biden a été dévoilé par le Premier ministre britannique Boris Johnson lundi, après leurs différents entretiens. Le président américain délivrera des «messages fermes» à son adversaire. Deux séries d’entrevues entre les deux puissants politiciens sont au programme: l’une en cercle restreint, l’autre entourée par des équipes élargies.

Pas de conférence de presse commune

Joe Biden veut également éviter toute passe d’armes devant les caméras du monde entier. Alors que la Russie pressait pour une conférence de presse commune après le sommet, les Américains ont refusé, selon CNN. Pour Joe Biden, cette rencontre ne doit pas être une compétition pour déterminer qui est le meilleur devant les médias ou pour embarrasser l’autre, a-t-il déclaré dimanche.

Mais le but est aussi autre: les Américains ne veulent pas donner une tribune à Vladimir Poutine, comme en juillet 2018 à Helsinki après la rencontre avec Donald Trump. Ce dernier l’avait d’ailleurs soutenu lorsqu’ils avaient abordé l’ingérence présumée de la Russie lors de l’élection présidentielle de 2016.

Ces derniers jours, le président américain a demandé des conseils à plusieurs dirigeants du G7, dont la chancelière allemande Angela Merkel, pour contrer les tactiques habituelles de Vladimir Poutine, qui en est à son cinquième président américain: retourner les discussions sur les mauvaises pratiques russes en blâmant les Etats-Unis.

Merkel et sa phobie des chiens

Mais les tactiques du président russe, ex-agent du KGB, vont bien au-delà, analyse «Le Temps» mardi. Et se déroulent en trois temps: déstabiliser en exploitant les faiblesses des adversaires, séduire puis convaincre. Exemple en 2007 avec Angela Merkel, connue pour sa phobie des chiens: dans un palais de Sotchi, le président russe avait laissé son labrador s’approcher de la chancelière. «Je comprends pourquoi il doit faire ça pour prouver qu’il est un homme. Il a peur de sa propre faiblesse, avait-elle après coup confié à des journalistes, La Russie n’a rien, ni réussite politique, ni économique. Tout ce qu’ils ont, c’est ça».

Comme le rapporte «Le Temps», François Hollande, ancien président français, a quant à lui lâché dans un entretien à TF1 que Vladimir Poutine aime «faire sentir l’armée derrière lui», mais sait aussi faire usage de «séduction, douceur et courtoisie. Poutine avance jusqu’à la limite de ses capacités et puis il se met à négocier, c’est là son habileté».

La «paranoïa» de Poutine

Mais le leader russe a aussi ses faiblesses. Interviewé par le quotidien romand, Mark Galeotti, expert britannique de la Russie, explique qu'il est dans l’intérêt de Joe Biden de rassurer Vladimir Poutine et de lui signifier que son objectif n’est pas de le faire tomber pour calmer «la paranoïa» qui l’habite.

Pour mémoire, les relations entre Joe Biden et Vladimir Poutine sont tendues. Le président démocrate a récemment qualifié son homologue de «tueur». Par le passé, il lui avait même dit en face qu’il n’avait «pas d’âme», alors qu’il était le vice-président de Barack Obama. Personne ne s’attend à une réconciliation spectaculaire à Genève. Mais cette rencontre devrait jeter les bases de leur relation diplomatique.

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