Plus que quelques jours avant que le nouveau Conseil fédéral n'entre en fonction. Et tout le monde s'accorde à dire qu'à partir de ce moment-là, une femme entrera dans une nouvelle dimension: la nouvelle ministre des Finances Karin Keller-Sutter.
Après avoir empêché l'élection de la Bâloise Eva Herzog au Conseil fédéral alors que celle-ci était favorite, la ministre a évincé son concurrent Alain Berset lors de la répartition des départements. «KKS», comme on la surnomme, va assurément prendre davantage de pouvoir au sein du gouvernement national.
Un mauvais calcul?
La voie est-elle donc libre pour la Saint-Galloise? Pas tout à fait. Il reste un facteur à ajouter à l'équation: Elisabeth Baume-Schneider. Le calcul qui prévoyait qu'il serait plus facile d'influencer la Jurassienne que la sévère Eva Herzog pourrait s'avérer faux.
La nouvelle conseillère fédérale socialiste était à priori une solution favorable pour le camp bourgeois. Mais drôle, charmante et affable ne signifie pas inoffensive. Ce sont là les mots de ceux qui connaissent bien Elisabeth Baume-Schneider, que ce soit du temps où elle siégeait au gouvernement jurassien ou lors de son passage au Conseil des Etats.
Bien moins sage qu'on ne le dit
Le fait d'avoir été pendant 13 ans la seule femme et la seule socialiste dans le gouvernement cantonal jurassien le montre bien: elle a de l'endurance. Lors de la célébration de son élection jeudi, les conseillers d'Etat jurassiens ont estimé que Madame Baume-Schneider risquaient bien de surprendre jusque dans les rangs de sa famille politique.
Même son de cloche au Conseil des Etats: en tant que présidente de la Commission de l'environnement et de l'énergie, EBS (comme le nom de Keller-Sutter, celui de Baume-Schneider est déjà abrégé) a fait preuve de beaucoup de prudence et d'habileté. «Elisabeth a certainement contribué à la percée du décret sur l'enveloppe budgétaire sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique, déclare son collègue de parti et de commission Roberto Zanetti. Elle est extrêmement patiente – même dans les situations difficiles.»
«Elle va nous surprendre»
Et le conseiller aux États appenzellois Daniel Fässler d'affirmer qu'Elisabeth Baume-Schneider a mené les séances de commission avec beaucoup de charisme, mais aussi d'efficacité, de fermeté et d'esprit de décision. «Ne voir en Elisabeth Baume-Schneider que la joyeuse Jurassienne ne lui rend pas justice.»
Roberto Zanetti pense également qu'EBS est sous-estimée : «Quels sont donc les conseillers fédéraux qui ont marqué la mémoire collective de la Suisse?», demande-t-il. Et il donne lui-même la réponse : «Willi Ritschard, Adolf Ogi, Ueli Maurer». Eux aussi avaient fait l'objet de questions dans le passé. «Elisabeth Baume-Schneider va nous surprendre», prédit Roberto Zanetti.
D'autres voix sont plus explicites, mais moins flatteuses. EBS serait certes aimable, mais très têtue. Certains la décrivent comme un Ueli Maurer de gauche mais sont convaincus qu'elle aussi aura recours au principe de collégialité. D'autres la voient comme une battante et prédisent que «Karin Keller-Sutter risque de souffrir.»
«La Dame de fer» ne fait pas l'unanimité
Cette perspective peut en rassurer plus d'un au Palais fédéral, où l'on craint une trop grande concentration de pouvoir entre les mains de Karin Keller-Sutter. Selon «24 Heures», cela ne serait pas avantageuc pour le fonctionnement du pays. Même l'UDC soupçonne KKS de tout faire pour prendre le rôle de leader incontesté. La «Weltwoche» a d'ailleurs colporté qu'elle avait tenté d'empêcher Albert Rösti de devenir ministre de l'Environnement.
Même dans son canton, «la Dame de fer», comme on l'appelait lorsqu'elle était conseillère d'Etat saint-galloise, est confrontée à un forte opposition en raison de sa prétention au pouvoir. «Le membre le plus fort du Conseil fédéral a une responsabilité particulière», écrivait récemment le «St. Galler Tagblatt». Elle doit veiller à la bonne santé de la concordance et de la collégialité.»
Le conseiller aux Etats socialiste Roberto Zanetti, quant à lui, ne pense pas que «KKS» est une menace pour la rupture de la collégialité. Il n'entend pas la description de cette «dame de fer calculatrice» que l'on colle trop souvent à Karin Keller-Sutter. «Je la perçois tout à fait différemment, dans le contact personnel, elle est tout à fait capable d'humour et d'empathie.»
Entre l'image que l'on prête aux deux conseillères fédérales et leurs agissements réels, il y aura certainement une marge qui promet un certain suspens.