Que contient l'accord de libre-échange avec l'Inde?
L'accord doit faciliter le commerce entre les États de l'AELE (qui, outre la Suisse, comprennent l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège). Il contient ainsi des projets concrets visant à réduire les droits de douane et à simplifier le commerce par le biais d'autres mesures telles qu'une amélioration des conditions juridiques. Il contient aussi des règles sur la protection des brevets et un chapitre sur la promotion des investissements.
Qu'a obtenu la Suisse?
L'industrie alimentaire peut également se réjouir: après dix ans, les droits de douane ne s'appliqueront plus aux capsules de café, au chocolat, aux boissons énergétiques et à certains produits agricoles. Les banques et les assurances suisses pourront, elles, plus facilement obtenir des licences et acquérir des participations dans les pays le plus peuplé du monde.
L'accord tombe à pic pour l'industrie, car le secteur suisse de la technologie traverse actuellement une phase difficile: la demande stagne sur d'importants marchés de vente et le franc fort pèse à nouveau dans la décision d'achat des clients étrangers. «De tels accords ramènent en Suisse des emplois des pays voisins», estime Yannick Berner, qui est membre du comité directeur de Swissmem et siège à la direction de l'entreprise familiale Urma. Celle-ci produit à des outils de précision pour l'industrie sur son site de Rupperswil, en Argovie. «Si les droits de douane de 22% disparaissent soudainement, le franc fort pèsera moins lourd dans le choix du site», se réjouit-il.
Qu'est-ce que la Suisse a concédé?
La Suisse ne prélève déjà plus de droits de douane sur les produits industriels. Elle a en revanche concédé des allègements pour certains produits agricoles. La protection des agriculteurs suisses dans les domaines de la viande, de l'économie laitière et des légumes de saison reste cependant en vigueur. Le président des paysans Markus Ritter déclare qu'il faut encore examiner l'accord en détail. Mais selon le Conseil fédéral, l'agriculture n'est guère concernée.
Pourquoi les négociations ont-elles duré 16 ans?
La longueur des négociations a notamment été due à la question sensible de la protection des brevets. En Inde, l'industrie des génériques est très importante et l'Etat fait beaucoup pour la soutenir. En 2013, par exemple, un tribunal indien avait refusé à Novartis le brevet d'un médicament contre la leucémie. Les groupes pharmaceutiques et les partis bourgeois avaient alors fait pression sur le Conseil fédéral en le menaçant de combattre l'accord de libre-échange si celui-ci ne garantissait pas une protection substantielle des brevets.
Selon le Conseil fédéral, des améliorations ont été obtenues sur ce point. Les groupes pharmaceutiques pourront à l'avenir compter sur le fait que l'Inde reconnaîtra leurs brevets. Et ces derniers ne pourront plus être contestés aussi facilement à l'avenir. En Suisse, le secteur concerné réagit toutefois avec retenue: selon l'association faîtière de l'industrie pharmaceutique et chimique, une évaluation définitive de l'accord de libre-échange ne sera possible que lorsque le texte définitif pourra être consulté.
Quelles sont les opportunités pour la Suisse?
L'Inde n'est pas seulement le pays le plus peuplé du monde: 50% de sa population a moins de 30 ans. C'est donc un marché intéressant, pour les produits, les services et les investissements. «Le pays veut devenir un site industriel important. Et il a montré, avec l'atterrissage de la sonde lunaire 'Chandrayaan 3' en août dernier, qu'il pourrait jouer un rôle de premier plan dans le domaine de la haute technologie», explique Jan Atteslander, chef du commerce extérieur chez Economiesuisse. «Mais pour cela, l'Inde a besoin d'investissements directs.»
Dans l'accord, les États de l'AELE s'y engagent. L'objectif est d'atteindre 100 milliards de dollars d'investissements supplémentaires en provenance de l'AELE et de créer ainsi un million d'emplois en Inde au cours des 15 prochaines années. Pour Jan Atteslander, cela présente également des avantages pour les entreprises suisses. L'Inde a un énorme besoin de rattrapage, notamment dans l'industrie et les infrastructures. «En même temps, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international prévoient des taux de croissance de 6 à 9% par an à moyen terme. Le fait que la Suisse et les autres pays de l'AELE bénéficient désormais d'un accès privilégié à ce marché, avant l'UE et même la Grande-Bretagne, est vraiment une bonne nouvelle.»
Quelle est la suite de la procédure?
Le Parlement doit encore approuver l'accord de libre-échange. Le Conseil fédéral veut que cela aille vite et que l'accord soit traité au moins par une chambre du Parlement. L'accord avec l'Inde pourrait alors entrer en vigueur à l'automne 2025 – si aucun référendum n'est lancé contre lui.
Et une votation est tout à fait possible: les œuvres d'entraide et les ONG craignent que le renforcement de la protection des brevets ait pour conséquence que les couches pauvres de la population indienne ne puissent plus s'offrir des médicaments importants. L'accord de libre-échange avec l'Indonésie montre que de telles organisations ne doivent pas être sous-estimées. Celui-ci avait été accepté de justesse en mars 2021, avec 51,6% des voix.