Les dés sont jetés. Dans la nuit de lundi à mardi, les États membres de l’UE se sont mis d’accord sur un compromis concernant l’embargo sur le pétrole russe.
Les importations de pétrole russe seront donc drastiquement réduites. Qu’est-ce que cela signifie pour la Suisse? Et pour les caisses de l’État russe? Blick répond aux principales questions.
Qu’a décidé l’UE exactement?
L’importation d’une grande partie du pétrole russe est désormais interdite. Plus des deux tiers des livraisons de pétrole russe vers l’Union européenne (UE) sont concernés.
Selon la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, cela devrait entraîner une baisse des importations de pétrole russe allant jusqu’à 90% d’ici la fin de l’année.
Y a-t-il des exceptions?
Oui, à la demande de la Hongrie, seules les livraisons de pétrole russe par voie maritime sont pour l’instant interdites. Les transports par oléoduc resteront possibles, en tout cas dans un premier temps.
La Hongrie, qui ne dispose pas d’accès à la mer, pourra continuer à s’approvisionner en pétrole russe par voie terrestre via l'oléoduc Droujba (qui veut dire «amitié», en russe). Des raffineries dans l’est de l’Allemagne, en Pologne ainsi qu’en Slovaquie et en République tchèque y sont également reliées. L’Allemagne et la Pologne ont toutefois déjà clairement fait savoir qu’elles ne souhaitaient pas profiter de l’exception pour l'oléoduc.
Dans quelle mesure cet embargo va-t-il faire pression sur Poutine?
Cela devrait passablement affaiblir l’économie russe. Selon les estimations du groupe de réflexion européen Bruegel, les États membres de l’UE dépensaient encore récemment environ 450 millions d’euros par jour pour le pétrole en provenance de Russie. A la fin de l’année, ce chiffre ne devrait plus être que de 50 millions d’euros par jour, si le plan d’Ursula von der Leyen se concrétise. Cela creusera donc un trou mensuel de 12 milliards d’euros dans les caisses de l’État russe à partir de 2023.
La Suisse reprend-elle les sanctions de l’UE?
Le Conseil fédéral reprend en principe les sanctions de l’UE, mais pas automatiquement. Celles-ci sont à chaque fois réexaminées, à l’image de l’autorisation de diffusion des chaînes RT et Sputnik.
D’un point de vue pratique, cependant, la Suisse ne recevra plus de pétrole russe si les pays de l’UE finissent par bloquer complètement les réceptions par navires et peut-être, à terme, par pipeline. Le pipeline Droujba dessert habituellement une grande partie de l’Europe centrale jusqu’en Allemagne, et s’arrête vers Karlsruhe, à moins de 200km de Bâle.
Comment réagira le Conseil fédéral à l’annonce de l’embargo sur le pétrole? La question reste ouverte. Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), compétent en matière de sanction, n’a pour l’heure pas répondu aux questions de Blick.
La Suisse sera-t-elle touchée par cet embargo?
La Suisse ne devrait normalement pas être directement touchée par l’embargo européen. L’approvisionnement en pétrole brut et en produits pétroliers est pour l’heure assuré.
«La Suisse n’importe pas de pétrole brut ni de produits pétroliers en provenance de Russie», explique Roland Bilang, directeur de l’association Avenergy Suisse. En revanche, la Suisse importe indirectement du pétrole brut russe via la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas. L’année dernière, la Suisse a importé environ 60% des produits pétroliers vendus sur le territoire (essence, diesel, mazout, kérosène) depuis l’Allemagne.
«La Suisse s’approvisionne en produits pétroliers principalement auprès de raffineries situées dans l’ouest de l’Allemagne, qui sont moins dépendantes du pétrole brut russe», souligne Roland Bilang. Toutefois, les Allemands privilégieront leur demande en pétrole avant tout et s’ils renoncent au pétrole russe, par effet domino, la Suisse pourrait se voir coupée de pétrole en provenance de son voisin du nord.
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Quels secteurs risquent d’être touchés en Suisse?
Une forte hausse des prix touchera la majorité des secteurs de l’économie suisse, bien que celle-ci ait réduit sa dépendance au pétrole ces dernières années. L’industrie et les transports devraient être touchés de plein fouet.
C’est toutefois le commerce des matières premières qui devrait être le plus fortement secoué. Environ 80% du commerce de transit de matières premières russes passent par des entreprises en Suisse. Cela représente presque 20% de l’ensemble du commerce de transit suisse.
«Comme ce secteur est important pour le produit intérieur brut (PIB) suisse, des pertes élevées dans ce domaine peuvent entraîner des reculs sensibles de celui-ci», explique l’économiste Aymo Brunetti. Toutefois, il n’y a que relativement peu d’emplois dans ce secteur en Suisse.
Les prix vont-ils augmenter?
«L’embargo entraînera une pénurie de l’offre au niveau mondial, explique Roland Bilang. Nous ne pouvons pas anticiper comment le prix du pétrole brut réagira à l’embargo à moyen et long terme.» Cela dépendra notamment de l’évolution de la demande ainsi que de la capacité de production et de livraison des autres grands producteurs de pétrole.
Comment réagissent les marchés?
La perspective d’une réduction de l’offre du pétrole russe pousse les prix à la hausse. Ceux-ci ont nettement progressé mardi, atteignant leur plus haut niveau depuis un peu plus de deux mois.
Le matin, le baril (159 litres) de Brent de la mer du Nord coûtait 123,32 dollars. C’était 1,65 dollar de plus que la veille. Le prix du baril de West Texas Intermediate (WTI) a augmenté de 3,47 dollars à 118,54 dollars.
(Adaptation par Alexandre Cudré)