Blick au Rosenberg à Saint-Gall
Comment fonctionne réellement la meilleure école du monde

Le Rosenberg est considéré comme la meilleure et la plus chère école privée du monde. Blick a pu exclusivement jeter un coup d'œil derrière les portes de l'internat. Le président de l'école, Bernhard Gademann, critique l'enseignement public – et veut offrir son aide.
Publié: 17:57 heures
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Dernière mise à jour: il y a 30 minutes
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Darya Vasylyeva et Nicola Imfeld

Quatorze villas Art nouveau, plusieurs terrains de sport et une clôture rose. Le curieux campus de l'Institut auf dem Rosenberg se cache dans les hauteurs du quartier du même nom à Saint-Gall. De la plus ancienne salle de sport scolaire au parc d'innovation ultramoderne, en passant par un café aux allures de pub où quatre élèves sont en train de profiter de leur pause autour d'un baby-foot, l'institution a de quoi surprendre. L'un des étudiants vient du Mexique, les autres de Genève, d'Allemagne et du Kosovo. «Nous nous plaisons beaucoup ici, surtout parce que les classes sont petites. Le seul problème c'est que les règles sont malheureusement beaucoup trop strictes.»

Le café de l'internat d'élite fait penser à un pub britannique.

L'institut a été désigné en novembre comme la «meilleure école privée du monde». 230 enfants et adolescents âgés de 6 à 19 ans et de plus de 50 nationalités différentes y étudient. Une année scolaire coûte 176'000 dollars – plus que nulle part ailleurs. Mais jusqu'à présent, les Suisses n'ont pas une idée très précise de ce qui se passe derrière les murs de l'internat. La presse est activement évitée par la direction en raison des gros titres négatifs qui ont apparu par le passé sur les «enfants d'oligarques roulant en Rolls-Royce».

Mais le Rosenberg se refait une réputation. Blick a pu passer les portes de l'internat qui, selon ses propres dires, «forme l'élite de demain avec des méthodes d'éducation innovantes».

«La Suisse se repose sur ses lauriers depuis des années»

«Nous avons beaucoup à dire sur le thème de la formation en Suisse», déclare d'emblée Bernhard Gademann, président de l'institut. Cet homme de 45 ans fait partie de la quatrième génération à la tête de cette école privée fondée en 1889. «Oui, le système éducatif suisse dans son ensemble est très respecté dans le monde entier, nous en bénéficions aussi. Mais la Suisse se repose sur ses lauriers depuis des années.»

Dans son entretien avec Blick, il critique les autorités et les écoles publiques. Il reconnait qu'il y a beaucoup d'enseignants et de directeurs d'école motivés qui aspirent à une évolution. «Mais il manque le courage social d'oser ces changements». Les exigences ne sont pas assez élevées et les choses bougent trop lentement.

Le président de l'école, Bernhard Gademann, dirige l'Institut auf dem Rosenberg.

«La génération actuelle a un accès illimité à Internet, connaît des technologies comme l'intelligence artificielle et s'interroge à juste titre sur la légitimité de l'enseignement scolaire.» Selon Bernhard Gademann, c'est le bon moment pour que la population et les politiciens se demandent: «Comment créer une valeur ajoutée pour la jeunesse en utilisant au mieux les possibilités et les ressources dont nous disposons? Nous voulons ainsi inspirer le système éducatif public avec notre approche.»

L'approche innovante de l'internat d'élite

L'Institut auf dem Rosenberg emprunte en effet de nouvelles voies: les classes sont divisées en fonction des capacités et non de l'âge, les élèves ont la liberté de choisir leurs matières selon leurs propres intérêts et objectifs; les horaires ne servent que de cadre d'orientation. Une grande importance est accordée au fait d'encourager au mieux le potentiel des enfants. «Il peut donc tout à fait arriver qu'une élève plus jeune suive des cours de mathématiques en 12e année», explique Bernhard Gademann.

Une technologie spécifique, y compris une application, a été développée pour la mise en œuvre d'une planification aussi complexe et individuelle. «Nous voulons prendre les enfants et les adolescents par la main et les encourager au mieux dans leur développement personnel.» Ils peuvent en outre choisir parmi une série de cours extrascolaires – comme la poterie ou la robotique – pour développer leurs intérêts.

Dans le laboratoire de l'institution, les élèves travaillent sur des projets proches de la pratique – notamment avec l'utilisation de robots.

L'institut accorde une grande importance à la pratique. En mathématiques, par exemple, il ne s'agit pas d'algèbre, mais de calculs issus du «monde réel». En physique, les élèves ne se contentent pas de dessiner un circuit électrique sur papier, ils démontent par exemple un plafonnier pour l'observer de l'intérieur.

Projet spatial avec imprimante 3D

L'institut invite également des représentants d'entreprises leaders qui travaillent à trouver des solutions à des problématiques diverses. «Les enseignants ne sont pas des demi-dieux omniscients», estime Bernhard Gademann. Dans un monde en constante évolution, ils doivent ainsi s'adapter à leur environnement et soutenir les élèves par leurs connaissances.

Un exemple dont Bernhard Gademann est particulièrement fier: le projet spatial avec l'entreprise danoise SAGA Space Architects. «Dans 100 à 150 ans, en raison du changement climatique et de la montée du niveau des mers, nous aurons besoin, selon l'agence spatiale américaine NASA, de construire des habitations ailleurs que sur la Terre», explique Bernhard Gademann. Avec les élèves, le thème a été abordé pendant plusieurs mois et une maison – bien réelle et utilisable – a été créée à l'aide d'une imprimante 3D polymère. «C'est la première du genre dans le monde entier», ajoute Bernhard Gademann.

Les élèves ont conçu cette «maison» et l'ont fait produire par une imprimante 3D. Le but est de simuler une installation sur d'autres planètes.

Cette co-création n'est qu'un exemple parmi d'autres, explique le directeur en montrant le parc d'innovation sur le campus, où se trouvent d'autres projets d'étudiants. «L'institut crée de nombreux espaces d'expérimentation, toujours en lien avec la pratique. C'est notre approche.»

Des règles très strictes et un programme de récompenses

Pour cela, des règles strictes sont appliquées dans l'internat. Comme les parents fortunés des étudiants sont dispersés dans le monde entier, leurs enfants sont souvent à l'internat pendant plusieurs mois sans interruption. La discipline est alors essentielle, selon Bernhard Gademann. En ce qui concerne les cigarettes, l'alcool ou les drogues, la politique est celle de la tolérance zéro. Celui qui ne respecte pas ce principe est renvoyé. Les garçons n'ont pas le droit de se trouver dans les dortoirs des filles et vice-versa. Lors des repas dans la grande salle décorée selon les saisons, la mixité est toutefois très appréciée.

Une des quatorze villas de l'institut – à l'intérieur se trouvent les salles de classe et l'administration de l'école.

Au quotidien, il existe une sorte de «programme de récompense» qui permet aux élèves de gagner ou perdre des points. Arriver une minute en retard en classe ou ne pas avoir attaché correctement ses chaussures donne des points négatifs. Une bonne action ou un succès particulier donnent des points supplémentaires. À la fin du mois, les enfants et les adolescents peuvent ainsi passer une journée sans uniforme ou ne pas présenter au petit-déjeuner s'ils ont gagné assez de points. Ceux qui ont trop de points négatifs ne peuvent par exemple pas participer à une excursion le week-end.

Dans la salle à manger, on sert le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner – les élèves se présentent en uniforme et sont servis.

«Les écoles publiques disposent de budgets très élevés»

De retour dans le bureau du directeur de l'école: comment les écoles publiques – sans les frais d'écolage élevés ou l'accès aux meilleures entreprises mondiales – peuvent-elles adopter l'approche Rosenberg? «En utilisant les ressources existantes de manière plus efficace et en rendant l'enseignement plus pertinent et plus passionnant. Nous ne devons pas oublier que les écoles publiques disposent de budgets très élevés», déclare Bernhard Gademann. Selon lui, les échanges avec des professionnels n'ont pas besoin de se fait avec une entreprise leader dans le monde. «Si un producteur laitier régional décrivait les défis de son secteur aux élèves pendant une double leçon de sciences naturelles et leur donnait un exercice à faire à ce sujet, ils s'en souviendraient à coup sûr.»

Rien ne s'oppose non plus à ce que des élèves plus jeunes suivent certaines matières dans des classes plus élevées – il suffit d'être prêt à sortir des systèmes dépassés et d'être ouvert à la nouveauté. «Nous offrons volontiers notre aide dans ce domaine», poursuit Bernhard Gademann.

L'Institut auf dem Rosenberg est particulièrement fier de la plus ancienne salle de sport scolaire de Suisse.

Le président de l'internat d'élite est-il le mieux placé pour donner de tels conseils? «Oui, nos élèves sont très privilégiés. Mais nous leur rappelons chaque jour que ce sont leurs parents – et non eux – qui ont réussi. Et que c'est uniquement pour cette raison qu'ils font partie des 0,045% de la population qui peuvent se payer une formation chez nous.»

Au cœur des attentes envers ses élèves se trouvent des valeurs profondément ancrées dans la mentalité suisse comme la ponctualité, la précision et l'assiduité, explique le directeur. «Nous devons toujours nous rappeler qu'ici, en Suisse, nous sommes tous extrêmement privilégiés par rapport à la population mondiale.» Sa comparaison pour parler de privilège: «Si nous avons la possibilité de commencer à courir un marathon de 42 kilomètres depuis le 21ème kilomètre au lieu du premier, alors nous avons l'ambition de le gagner.»

Il attend la même chose de ses élèves. Même si ces derniers se retrouvent plutôt à commencer la course de la vie au 30ème ou 35ème kilomètre.

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