Bâle, ville dangereuse
«A partir de 18 heures, les dealers sont partout»

Trafiquants de drogue, prostituées prédatrices et délinquants venus de France voisine: les habitants et les commerçants du Petit-Bâle craignent pour leur sécurité. Non sans raison, comme le montrent les statistiques et leurs témoignages recueillis.
Publié: 02.09.2021 à 05:47 heures
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Dernière mise à jour: 02.09.2021 à 11:49 heures
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Ivica Novakoski, du kiosque Ambassador, explique de «de nombreux clients réguliers ne viennent plus le soir parce qu'ils ont peur».
Photo: Céline Trachsel
Céline Trachsel, Jocelyn Daloz (adaptation)

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le ministère public de Bâle-Ville a enregistré 40% d'homicides et de viols de plus qu'au premier semestre 2020 au cours des six premiers mois de cette année. Cela fait de Bâle la ville la plus criminelle de Suisse, devant Bienne, Lausanne, Zurich, Neuchâtel et Genève.

Les vols et les agressions à l'arme blanche sont monnaie courante. Il y a seulement quinze jours, une confrontation fatale a eu lieu dans une rue proche de la frontière française. Un homme de 28 ans a été poignardé et est décédé sur place.

Les habitants ne se sentent pas en sécurité

Bâle compte 13,1 crimes violents pour 1000 habitants, ce qui la place en tête de liste de toutes les villes suisses de plus de 30'000 habitants. Le danger est particulièrement grand à Kleinbasel, le «Petit-Bâle», pourtant partie historique en plein centre-ville. C'est là que se trouve ce que l'on a appelé «le triangle des Bermudes», un lieu où la prostitution côtoie une scène de drogue ouverte.

Blick s'est entretenu avec des initiés du milieu de la drogue, des résidents du quartier et des commerçants.

Fin connaisseur du milieu, Michael B.* témoigne: «Si vous vous promenez seul ou à deux la nuit, vous avez de la chance si vous ne vous faites pas voler. Les personnes ivres sont les victimes les plus faciles. Les voleurs s'emparent de tout ce qu'ils peuvent: l'argent, les smartphones, les bijoux, les cigarettes... tout ce que vous êtes susceptibles de porter sur vous.»

Un initié du milieu de la drogue et de la prostitution nous parle sous couvert d'anonymat.

Ce sont surtout des Français d'origine maghrébine, le plus souvent originaires des environs de Saint-Louis, qui sont en cause. Ils viennent à Bâle en petits groupes. L'initié dit: «Dès 23 heures, la plupart des bars du Petit-Bâle sont fermés. Il n'y a alors plus de contrôle social, plus de témoins, et des groupes de jeunes hommes traînent. Personne ne se sent en sécurité.»

Expulsés, ils reviennent dans l'heure

Notre contact prétend savoir, grâce à un parent dans la police, que les agents recueillent souvent des personnes sans permis de séjour et les emmènent à la frontière. «Une heure plus tard, ils sont de retour. Ils montent dans le tram et reviennent immédiatement.»

Un résident du centre pour personnes âgées de l'Ochsengasse raconte: «Récemment, je suis sorti d'un bar et j'étais sur le point de monter dans mon fauteuil roulant électrique lorsque six types m'ont «aidé». L'un d'eux a essayé de me prendre ma montre.» L'homme de 76 ans sourit. «Mais je l'ai senti et je lui ai donné un coup de poing dans la main et ils se sont éloignés. Mais peu après, j'ai découvert que mon téléphone portable avait disparu.»

Il y a toujours du bruit la nuit, dit le retraité. «Je filme souvent les bagarres depuis la fenêtre de mon appartement. Il y a du bruit dans les allées jusqu'à trois heures.»

Les commerçants se plaignent: les clients ne viennent plus le soir

L'entrepreneur Jean-Claude Gerber fait des affaires dans le «triangle des Bermudes» depuis des années. En ce qui concerne le bruit, il déclare: «Ce n'était pas plus calme avant, mais c'était plus paisible.» Pour lui, la raison pour laquelle de nombreux délinquants viennent à Bâle est l'accord de Schengen et les frontières qui ne sont plus gardées. «Ils peuvent aller et venir à leur guise sans contrôle», dit-il.

Le chef d'entreprise Jean-Claude Gerber pense qu'il n'y avait pas moins de bruit par le passé, mais certainement plus de calme.

Les dealers sont une source particulière de nuisance. Depuis environ deux ans, ils se répandent dans les rues entre la Claraplatz et la «Kaserne». Il y a quelques semaines, des personnes du milieu de la nuit ont lancé une pétition pour que la police et les politiciens agissent. Même les grands noms du milieu ne se sentent plus en sécurité. Un propriétaire, par crainte des vols, passe la nuit dans son bar. Les proxénètes demandent à leurs femmes de rester dans leurs chambres le soir.

Même les Hell's Angels ne veulent plus se rendre au Petit-Bâle

Jack T.*, membre des Hell's Angels de Bâle, nous affirme que leur présence avait un autrefois effet sécurisant: «Quand nous avions notre club ici à Kleinbasel, la racaille n'osait pas aller dans le «triangle des Bermudes». Mais comme le respect mutuel s'est perdu entre-temps et que nous ne nous sentons plus bien au Petit-Bâle, nous traînons presque exclusivement de l'autre côté du Rhin, à présent.»

Ivica Novakoski, du kiosque Ambassador.

Ivica Novakoski, propriétaire du kiosque Ambassador, se sent lui aussi mal à l'aise parfois. «Déjà à partir de 18 heures, les dealers sont partout. Les passants ont peur.» Beaucoup de ses clients habituels ne viennent plus le soir. Une vendeuse de spécialités de la Klybeckstrasse, une rue commerçante, déclare: «Je ferme le magasin plus tôt le soir parce que j'ai très peur. Personne n'a de respect pour les femmes ici. On m'a déjà craché dessus, insulté, et il y a eu deux tentatives d'effraction. Je porte un spray au poivre dans mon propre magasin.»

Jack Buathun et sa mère Duangkamon Gaisombat tiennent le restaurant thaïlandais Siam Delicious

Les tenanciers du restaurant thaïlandais Siam Delicious, Jack Buathun et sa mère Duagkamon Gaisombat, ont également peur. «Le sentiment de sécurité me manque», dit le fils. «Le soir, il y a cinq ou six dealers devant notre vitrine de vente à emporter. Ils se faufilent autour des clients et regardent leur porte-monnaie quand ils paient.»

A 6 heures, les dealers et les ivrognes sont toujours là

Muttalip Karahan du restaurant Vegitat, quelques boutiques plus bas, n'a pourtant pas peur des dealers. «Si vous ne les regardez pas, ils ne font rien.» Mais il a été attaqué par deux voleurs qui ressemblaient à des Européens de l'Est. «Ils ont volé ma boîte à pourboires avec environ 200 francs dedans.»

Le propriétaire Muttalip Karahan du restaurant végétarien Vegitat.

Roger van Klaveren connaît particulièrement bien la situation le matin, car il ouvre toujours son café-sandwich à emporter à 6 heures du matin. «Le week-end, il se passe encore beaucoup de choses à cette heure-là. Les gens crient et font du vacarme. J'ai souvent un mauvais pressentiment.»

Roger van Klaveren du Coffee Sandwich Bar.

Il vit à quelques coins de rue. «Heureusement, j'ai un chien. Quand je sors avec lui à 5 heures du matin, je vérifie d'abord la situation avant de courir à mon magasin.» Mais il est conscient du quartier dans lequel il vit. C'est pourquoi il est calme face à la situation. «Je comprends que les gens aient peur ici.»

*Prénoms d'emprunt

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