Baisse de popularité dans les sondages
Pourquoi un refus des initiatives sur la santé serait un avertissement pour Berne

Les deux initiatives sur l'assurance maladie risquent d'être refusées. Une tendance surprenante, sachant que les coûts de la santé sont le sujet de préoccupation numéro 1 pour les Suisses. Cette contradiction devrait faire réfléchir les politiques. Analyse.
Publié: 31.05.2024 à 12:58 heures
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Le président du Centre, Gerhard Pfister, se bat de manière pointue pour l'initiative sur le frein aux coûts.
Photo: Keystone
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Sermîn Faki

Le président du Centre Gerhard Pfister ne se laisse pas aller. Il tweete à la pelle. Avec l'acharnement qu'on lui connaît, il s'en prend tant aux hôpitaux qu'aux médecins et à la pharma. Au médecin de famille en chef, qui a osé poser une question sur le lien entre les salaires et les coûts de la santé, il a répondu avec fiel: «Bien sûr, cette question se pose. Pour lui, l'augmentation des salaires dépend de ceux qui paient les cotisations.»

Gerhard Pfister se battra jusqu'au dernier moment pour son initiative pour le frein aux coûts. Celle-ci exige de la Confédération et des cantons qu'ils prennent des mesures lorsque les coûts de la santé augmentent plus que les salaires et le produit intérieur brut. Gerhard Pfister se bat – sûrement en vain. Les derniers sondages prédisent une défaite de l'initiative. Mercredi, seuls 41% voulaient encore voter oui. Que le ton du président du Centre devienne plus agressif n'est donc pas si surprenant.

Deux fois «non»

Mais ce qui étonne, c'est le fait que l'initiative ait si peu de chances d'aboutir. Les coûts de la santé sont depuis des années le sujet de préoccupation numéro 1 de la population. Rien ne pèse plus lourd sur les familles que les primes d'assurance maladie, la franchise et la quote-part. Chaque mois de septembre, on parle d'explosion des coûts et de choc des primes. Avant que ce tollé nous tombe dessus, l'acceptation de l'initiative pour le frein aux coûts devrait être bien plus importante. Il en va de même pour l'initiative d'allègement des primes du Parti socialiste (PS), qui demande un plafonnement des primes à 10% du revenu. Les coûts ne seraient-ils donc finalement pas si impossibles à payer?

Bien sûr que si. Mais les deux initiatives ont des défauts non négligeables. L'initiative sur l'allègement des primes a l'air simple, mais elle est compliquée: qu'est-ce que cela m'apporte exactement, en francs et en centimes, en tant que payeur de primes? Contrairement à la 13e rente AVS, la classe moyenne ne sait pas si elle en profitera. Ou si c'est elle qui paiera tout cela par le biais des impôts, faisant ainsi marche arrière.

Quant à l'initiative sur l'allègement des coûts, beaucoup craignent de ne plus recevoir les traitements nécessaires. Une peur que les opposants nourrissent avec un budget de campagne important – les médecins ont à eux seuls injecté 1,5 million de francs dans la campagne, soit cinq fois plus que le Centre. Plus d'un million de francs supplémentaires proviennent du monde des affaires, qui s'oppose à l'initiative.

La Constitution souffre de tout et ne rougit de rien

Mais au final, beaucoup pensent que l'initiative du Centre ne changera rien à rien. A quoi cela servirait, selon eux, d'inscrire un frein aux coûts dans la Constitution? Beaucoup d'éléments sont mentionnés dans ce texte, de la protection des Alpes contre le trafic de transit à la gestion autonome de l'immigration. Mais la Constitution, comme tout papier, souffre de tout et ne rougit de rien comme le dit le proverbe. Trop de camions continuent de passer le Gothard, et l'immigration n'est toujours pas contingentée.

On ne peut pas non plus reprocher aux gens leur scepticisme en matière de politique de santé. La Suisse tente depuis 20 ans de freiner les coûts – sans succès. Il faut bien se l'avouer: compte tenu de l'immigration, du vieillissement de la population et des nouvelles possibilités de diagnostic et de thérapie révolutionnaires et par conséquent coûteuses, il n'est pas facile de trouver la solution miracle. 

La Berne fédérale manque de courage

Mais ce n'est que la moitié de l'histoire. L'autre moitié est qu'il n'y a pas assez de courage politique dans la Berne fédérale. Les conseillers fédéraux ne font plus de propositions courageuses par peur de se heurter au lobbying des cantons et des associations. Le Parlement regorge de lobbyistes, où les intérêts particuliers font que l'on ne pratique tout au plus qu'une politique de replâtrage. 

Pour ne prendre que deux exemples: le Conseil fédéral a renoncé à introduire un nombre minimum de cas pour certaines opérations qu'un hôpital doit atteindre. Cela aurait pourtant permis de promouvoir un paysage hospitalier judicieux et, accessoirement, d'améliorer la qualité. Le système de prix de référence proposé par le Conseil fédéral, qui aurait encouragé les génériques et aurait ainsi permis de réduire les coûts des médicaments de 300 à 500 millions de francs, a échoué de justesse au Parlement.

Le constat est amer, car il ne signifie rien d'autre que ceci: la population ne fait plus confiance à la politique pour résoudre les grands problèmes. Mais il y a toujours de l'espoir: même en cas de non au frein aux coûts, il appartient à la politique de regagner la confiance du peuple. Les idées de réforme du système de santé sont légion, de nouvelles interventions sont déposées à chaque session. Il suffit que le Parlement fédéral les prenne sérieusement en main.

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