Aussi dans le couple...
Une Romande sur deux a déjà subi de la contrainte sexuelle

C’est un chiffre qui fait peur: 54% des Romandes ont déjà subi de la contrainte sexuelle, selon un sondage de Blick et M.I.S Trend. Pire, les chiffres sont élevés au sein même des couples. Une jeune femme a accepté d'en témoigner: glaçant.
Publié: 17.02.2023 à 06:06 heures
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Dernière mise à jour: 18.02.2023 à 11:58 heures
Si l’on observe l’âge des victimes, les 30-39 ans occupent une sinistre première place pour les rapports subis à la suite de l’insistance des partenaires (43,6%), selon notre sondage.
Photo: Getty Images
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Camille BertholetResponsable des Nouvelles Audiences

Le constat fait froid dans le dos. Plus d’une Romande sur deux (54%) a déjà subi une situation de contrainte sexuelle. Comprenez: un acte sexuel ou un rapport non protégé à la suite de l’insistance de leur partenaire, le retrait du préservatif sans leur consentement, un rapport non consenti sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, ou un viol.

Dans le lit des Romandes et des Romands

C’est un paradoxe: à l’heure où le sexe inonde le web, jamais nous n’avions aussi peu fait l’amour. Pourquoi? Que se passe-t-il sous les couettes romandes en 2023? À l’occasion de la Saint-Valentin, Blick a voulu le savoir. Plus de 1000 personnes — un échantillon représentatif constitué par l'institut M.I.S Trend — ont accepté de répondre sans tabou sur leurs habitudes intimes. Fréquence des rapports, nombre de partenaires, pratiques, consommation de pornographie, différences entre hétéros et non-hétéros: nous vous proposons cinq volets pour tout savoir, dont un consacré aux violences sexuelles.

C’est un paradoxe: à l’heure où le sexe inonde le web, jamais nous n’avions aussi peu fait l’amour. Pourquoi? Que se passe-t-il sous les couettes romandes en 2023? À l’occasion de la Saint-Valentin, Blick a voulu le savoir. Plus de 1000 personnes — un échantillon représentatif constitué par l'institut M.I.S Trend — ont accepté de répondre sans tabou sur leurs habitudes intimes. Fréquence des rapports, nombre de partenaires, pratiques, consommation de pornographie, différences entre hétéros et non-hétéros: nous vous proposons cinq volets pour tout savoir, dont un consacré aux violences sexuelles.

C’est un refrain déjà trop entendu: les femmes et la communauté queer sont les plus touchées par les actes sexuels imposés, selon ce sondage exclusif de Blick, réalisé en partenariat avec M.I.S Trend. Un peu moins de la moitié (44%) des répondantes déclarent avoir déjà eu un rapport sexuel face à l’insistance de leur partenaire. Et ce, alors que la plupart sont en couple, comme près de trois quarts de la population romande (73%).

Comment comprendre ce phénomène? «Je trouve le concept de 'dette de sexe' assez parlant, amorce Pascal Roman, professeur à l’Université de Lausanne et psychologue-psychothérapeute, spécialiste des violences sexuelles. Identifié par une étude de la HES Fribourg en 2020, c’est le sentiment, pour les jeunes femmes, d’avoir une certaine obligation sexuelle si, par exemple, elles acceptent un verre. Chez les hommes, cette dette se traduit par la nécessité de satisfaire leur partenaire et d’être performant.»

«Il m'a dit que je devais être reconnaissante»

Des mots qui résonnent dans le témoignage, rare, que Sophie* a accepté de livrer à Blick. «On avait passé la journée ensemble, mon ex-copain et moi. Il m’avait payé une glace et m’avait fait à manger chez lui. Et puis, je me suis endormie devant le film qu'on regardait, parce que j’étais fatiguée. À ce moment-là, il m’a réveillée en me secouant, en me disant qu’il m’avait payé une glace, m’avait donné tout ce que je voulais, que je devais être reconnaissante, et que lui avait tout sauf envie de dormir. Je lui ai dit que je n’avais pas envie de faire l'amour, mais au final, je n’ai pas voulu m’embrouiller avec lui. Je me suis dit que c’était mon copain et que c’était normal de coucher avec lui, donc j'ai cédé.»

Et ce n'est pas arrivé qu'une fois, les pressions étaient régulières. «J’étais sa première copine, mais lui n’était pas mon premier copain. Il me disait que cette situation cassait sa confiance en lui. Il était possessif et jaloux, je crois qu’il avait besoin d’avoir du pouvoir sur moi. J’étais jeune, à 25 ans, je n’arrivais pas encore à mettre les limites.»

«
Ça m’a laissé un dégoût du sexe, je me sentais sale et j’avais honte.»
Sophie, victime de violence sexuelle au sein de son couple
»

Si l'ex de Sophie ne s'est pas rendu compte de l'impact de ses actions, chez elle, la blessure a été profonde. «Cette histoire m’a traumatisée, confie-t-elle. Après notre rupture, pendant deux ans, quand je voyais des mecs, je ne couchais jamais avec eux. Ça a aussi affecté mon rapport à mon propre corps: je ne me touchais même plus moi-même. Je n’en ai parlé à personne, j’ai enterré ce truc en moi. Ça m’a laissé un dégoût du sexe, je me sentais sale et j’avais honte.»

Et puis, il y a l'angoisse. «J’ai eu peur des autres mecs, peur d’être seule avec eux, de ce qu’ils pouvaient me faire, peur qu’ils me forcent. Si je rencontrais un mec en boîte par exemple, j’avais peur que, si je le ramenais chez moi, je ne puisse plus dire 'non' ensuite.»

Une Romande sur dix dit avoir subi un viol

Revenons à notre sondage. Un autre chiffre frappe. Entre Genève et Delémont, en passant par Sion, plus d’une femme sur dix (11%) a déjà subi une agression sexuelle ou un viol. Chez les hommes, c’est 6%.

Autre constatation inquiétante, 6% du total des participantes et participants ont déjà enduré du stealthing, ou furtivage, en français. Deux mots utilisés pour décrire le fait qu’un partenaire enlève son préservatif pendant l’acte sexuel à l’insu de l’autre. Ici, parmi les victimes, les hommes (7%) sont plus nombreux que les femmes (5,3%).

Un élément de réponse est peut-être à aller chercher du côté de la communauté LGBTQIA+. Parmi les non-hétéros, 11% disent en avoir vécu du stealthing. De plus, un tiers des non-hétéros ont déjà eu un rapport non protégé à la suite de l’insistance de leur partenaire. Le pourcentage de personnes ayant subi un viol ou une agression sexuelle est également plus élevé au sein de cette catégorie de la population et atteint 12,5%. Pas étonnant, selon Pascal Roman: «Les sentiments de contrainte apparaissent régulièrement chez les couples homosexuels de jeunes hommes.»

Le fait d’être en couple ne protège donc en rien des abus sexuels ou de la pression subie pour coucher. Selon les résultats de notre sondage, le pourcentage de rapports sexuels non protégés à cause de l’insistance du partenaire explose chez les personnes en couple depuis moins de dix ans (25%). C’est beaucoup moins chez les couples vieux de plus de 20 ans (7%), mais ça existe quand même. «Dans le couple, il peut y avoir une forme de contrat implicite autour de la sexualité, avec des hommes, inscrits dans un modèle patriarcal, qui considèrent que leur conjointe doit se soumettre à leur désir», résume Pascal Roman.

La génération Y dénonce plus facilement

En analysant les données récoltées, une autre vérité saute aux yeux: si l’on observe l’âge des victimes, les 30-39 ans occupent une sinistre première place pour les rapports subis à la suite de l’insistance du ou de la partenaire (43,6%). Un quart a par ailleurs eu des rapports non protégés à cause de l’insistance de l’autre (24,8%) et le taux de furtivage monte à 11,8%. Toujours dans cette même génération, les rapports sexuels non consentis sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue concernent 11,9% des individus. «On peut imaginer que chez les plus jeunes, même s’ils y sont sensibilisés, ce soit plus difficile de le dénoncer, explique notre expert. Les 30-39 ans sont peut-être plus sûrs d’eux, identifient mieux les problèmes et les dénoncent plus facilement.»

Ce graphique prend en compte les chiffres moyens, en incluant les réponses des femmes et des hommes. Les pourcentage sont plus élevés lorsqu'on isole les réponses des femmes et celles des non-hétéros.
Photo: Blick Graphik

Ce sont les plus de 55 ans qui se disent les moins victimes d’abus sexuels: presque deux tiers (61,9%) n’ont vécu aucune des situations évoquées, contre moins de la moitié des 30-39 ans (45%). Les générations plus anciennes auraient-elles été épargnées ou n’auraient-elles simplement pas été sensibilisées? «Avant, on avait tendance à se dire que la sexualité dans le couple était de l’ordre du privé et on n’en parlait pas. Le fait que ça sorte aujourd’hui, c’est le signe d’une évolution sociétale. On voit donc apparaître ces situations en même temps que la société les met en valeur dans le fil de la libération de la parole ouverte par le mouvement #metoo.»

Des situations pas toujours couvertes par la loi

Que dit la loi? Pour la plupart des situations analysées dans le cadre de ce sondage, le cadre légal suisse ne peut s’appliquer. Outre les rapports — protégés ou non — engagés à la suite de l’insistance du ou de la partenaire (où le consentement finit donc par être donné), le retrait «surprise» du préservatif n’est pas non plus systématiquement puni en Suisse, faute de base légale spécifique. En 2022, le Tribunal fédéral a confirmé deux décisions prises dans les cantons de Bâle et Zurich: dans les deux cas jugés, le stealthing ne constituait pas un acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, car si la personne s’en rendait compte, elle pourrait s’opposer physiquement à cet acte.

«
«Dès l’enfance, il faudrait une éducation à la sexualité et à la relation, plutôt que seulement sexuelle.»
Pascal Roman, psychologue spécialiste des violences sexuelles
»

«Il est très compliqué d’avoir une définition univoque du consentement: c’est une notion difficile à saisir tant elle implique différents paramètres, comme la rationalité, l’affectif ou les désirs sexuels», énumère Pascal Roman. La Suisse pourrait toutefois bientôt se doter d’une définition plus précise: la révision du droit pénal en matière d’infractions sexuelles est en cours au Parlement, où le Conseil des États a privilégié une définition du consentement résumée par la phrase «non, c’est non». Le Conseil national s’est quant à lui prononcé en décembre 2022 en faveur du «seul un oui est un oui», une définition plus stricte. La suite devra donc attendre les prochaines sessions parlementaires.

Quelles solutions?

Mais modifier une norme pénale ne suffira sans doute pas à faire changer les comportements. Selon le psychologue de l’Université de Lausanne, des pistes pourraient être explorées très tôt afin de lutter contre ces violences: «Dès l’enfance, il faudrait une éducation à la sexualité et à la relation, plutôt que seulement sexuelle. Ce n’est pas qu’une question technique de connaissance des organes génitaux et des modes de protection ou de contraception.»

En Suisse, les cours d’éducation sexuelle à l’école diffèrent selon les cantons et l’accès aux informations est inégal. Pascal Roman a peut-être la solution pour pallier cette situation: «Il faut donc aussi éduquer les parents et leur apprendre comment parler de sexualité à un enfant, mais aussi comment ils peuvent eux-mêmes être dans des bonnes pratiques de parentalité à l’égard de leur propre sexualité.»

*Nom connu de la rédaction

Méthodologie et marge d'erreur

Ce sondage de M.I.S Trend a été mené en collaboration avec Blick. L'étude a été menée en ligne entre le 24 et le 30 janvier 2023. Au total, 1045 personnes ont répondu à 21 questions. Les résultats ont été pondérés de manière à obtenir des chiffres représentatifs pour la population romande. La marge d'erreur maximale est de plus ou moins 3% sur l’échantillon total.

L'évolution de certaines habitudes sexuelles a pu être observée grâce à un autre sondage, déjà réalisé par M.I.S Trend, publié à l'époque par «L'Hebdo» en 2003. Les données avaient alors été recueillies par téléphone et la différence de méthodologie peut expliquer certains écarts dans les résultats, répondantes et répondants faisant généralement preuve d'une plus grande honnêteté lors d'un sondage en ligne.

Ce sondage de M.I.S Trend a été mené en collaboration avec Blick. L'étude a été menée en ligne entre le 24 et le 30 janvier 2023. Au total, 1045 personnes ont répondu à 21 questions. Les résultats ont été pondérés de manière à obtenir des chiffres représentatifs pour la population romande. La marge d'erreur maximale est de plus ou moins 3% sur l’échantillon total.

L'évolution de certaines habitudes sexuelles a pu être observée grâce à un autre sondage, déjà réalisé par M.I.S Trend, publié à l'époque par «L'Hebdo» en 2003. Les données avaient alors été recueillies par téléphone et la différence de méthodologie peut expliquer certains écarts dans les résultats, répondantes et répondants faisant généralement preuve d'une plus grande honnêteté lors d'un sondage en ligne.

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