Après les polémiques autour des vidéos d'arrestation
A quoi servent les bodycams de la police?

Après des enregistrements censés prouver les violences policières, les policiers et les politiques réclament des bodycams – malgré leur manque d'efficacité. Certains cantons les ont déjà introduites.
Publié: 03.08.2023 à 06:15 heures
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Dernière mise à jour: 03.08.2023 à 06:47 heures
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En théorie, les bodycams sont censées protéger les policiers contre les citoyens violents.
Photo: Keystone
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Lisa Aeschlimann

Un policier arrache la pancarte des mains d'une femme, la tire hors de la manifestation et la met à terre. La vidéo de la journée de grève des femmes du 14 juin atterrit sur Youtube et déclenche une polémique. Même chose pour cette autre vidéo: début juillet, trois policiers immobilisent un enfant de onze ans au sol et lui passent les menottes – deuxième controverse.

Réaction de la police? Elle se sent incomprise. Les vidéos ne montraient qu'une partie de ces scènes et les déformaient.

La semaine dernière, l'association des fonctionnaires de police bâlois a demandé dans la «NZZ» une interdiction de filmer les interventions policières. Le conseiller national UDC Jean-Luc Addor veut mettre cette question sur la table lors de la session d'automne. Un autre sujet est ainsi relancé: les bodycams pour les forces d'intervention. L'idée: si des caméras doivent être installées, elles doivent l'être des deux côtés – afin de lutter à armes égales, en quelque sorte.

A Bâle-Ville, le député UDC Felix Wehrli veut déposer une motion pour leur introduction dans la police cantonale. L'élu espère que les bodycams permettront de protéger aussi bien la police que les citoyens contre les fausses accusations. Giovanni Garra, vice-président de la fédération des fonctionnaires de police, a même demandé l'introduction «immédiate» des bodycams.

Déjà en service en Suisse

Plusieurs cantons, villes et la police des transports des CFF ont déjà fait l'expérience des caméras corporelles. Les Grisons ont été le premier canton à adopter un article de loi en ce sens en 2018. La police cantonale bernoise a introduit définitivement les bodycams l'année dernière. La ville de Zurich s'est également prononcée en juillet 2021 pour l'acquisition de 34 bodycams. Dans tous les cas, les caméras ne sont pas utilisées en permanence, mais de manière ponctuelle – par exemple lorsqu'un délit est imminent.

Mais à quoi servent les bodycams, en plus de la conservation des preuves? Dirk Baier, criminologue à la Haute école des sciences appliquées de Zurich, a cherché à savoir si elles étaient un moyen efficace de protéger les policiers, mais aussi si les mini-caméras contribuaient à réduire les agressions de la police.

Contrairement aux Etats-Unis ou à l'Angleterre, où les caméras corporelles sont utilisées en premier lieu contre la violence policière – et sont allumées en permanence, il s'agit ici de protéger la police contre la violence.

Les chercheurs ont équipé les équipes d'intervention zurichoises de bodycams pendant neuf mois, ont évalué les incidents de menaces et de violence contre les fonctionnaires ainsi que les plaintes déposées contre eux, et ont interrogé environ 300 policiers.

Résultat: une bodycam n'a certes pas empiré les situations délicates – mais elle n'a pas non plus eu d'effet inverse. Dirk Baier déclare: «Pour protéger les policiers, les bodycams ne sont pas vraiment adaptées.»

Des résultats qui coïncident avec les recherches à l'international: en analysant 30 études, des chercheurs américains et australiens ont constaté que les caméras corporelles n'influençaient ni le comportement des policiers ni celui des citoyens de manière significative. La violence policière n'a pas été réduite par les caméras. Dans certaines études, elle a même augmenté. Seules les plaintes ont diminué. La raison liée n'est pas claire.

Les policiers éteignent les caméras

Le fait que les bodycams ne soient activées que ponctuellement dans les pays germanophones – c'est la police qui décide de leur utilisation – permet aussi des abus, comme le prouvent plusieurs cas. En août dernier, par exemple, un réfugié de 16 ans est mort à Dortmund, en Allemagne, après avoir couru vers des policiers avec un couteau et avoir été touché par plusieurs balles d'une mitraillette de police. La bodycam des policiers était éteinte. En janvier 2020, un coursier français de 42 ans est mort asphyxié lors de son arrestation à Paris. Une policière avait filmé une altercation préalable, mais a éteint sa caméra au moment décisif

Les enregistrements réalisés avec une bodycam soulèvent également des questions sur la protection des données. Quand peut-elle fonctionner? Qui peut voir les images? Combien de temps restent-elles stockées? A Zurich, le conseil municipal a obtenu une autorisation pour que les bodycams ne soient pas utilisées lors de manifestations non autorisées. En outre, les enregistrements ne peuvent pas être reliés à des logiciels de reconnaissance faciale ou à des systèmes de données de la police et doivent être effacés après 100 jours.

Dirk Baier voit un obstacle plus important dans le fait que les policiers refusent les bodycams. Dans son enquête, près de la moitié des personnes interrogées ont indiqué voir leur utilisation d'un œil critique: «Certains ont peur que les enregistrements soient utilisés contre eux.» Fait intéressant: les policières étaient plus critiques après l'essai pilote qu'avant. C'est pourquoi, dit Dirk Baier, la question se pose de savoir «comment les caméras sont finalement utilisées et si les règles sont respectées».

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