«Alain Cocq est décédé ce matin à 11h20. A Berne, selon son désir, dans la dignité. Repose enfin en paix Alain», a précisé sur Facebook Sophie Medjeberg, une proche du Dijonnais.
Il s'agit du terminus d'un «long et tortueux chemin», qui l'avait conduit en août dernier à demander à Emmanuel Macron d'autoriser le corps médical à lui prescrire du pentobarbital, un barbiturique puissant, pour pouvoir «partir en paix».
«Il a pris un cachet; cela a été très rapide. C'est chose faite et c'est une très bonne chose qu'il soit parti comme il le souhaitait», a déclaré à l'AFP François Lambert, un de ses proches qui est aussi avocat et neveu de Vincent Lambert, autre cause célèbre des partisans de l'euthanasie. «C'est préférable à rester en vie dans cet état.»
Lettre ouverte au président Macron
«Je tiens à vous informer, par la présente, de mon décès dans la dignité, dans le cadre d'une procédure de suicide assisté en Suisse», a écrit Alain Cocq dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, au gouvernement et aux parlementaires et diffusée par ses soutiens.
Le malade y dénonce le «manque de courage politique» du gouvernement, accusé d'avoir refusé «de mettre à l'ordre du jour un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité, que ce soit par le suicide assisté lorsque la personne est consciente, ou par euthanasie lorsque la personne n'est plus en capacité de s'exprimer».
«Je n'ai plus de vie digne»
L'AFP avait rencontré Alain Cocq chez lui, à Dijon, alors qu'il attendait une réponse présidentielle à ses demandes. A l'entrée du modeste appartement du quartier défavorisé des Grésilles, un dossier rouge accroché en évidence: «Cocq Alain. Réanimation interdite», ordonnait la couverture.
«J'ai décidé de dire stop», expliquait-il alors depuis le lit médicalisé qu'il ne quittait plus. Son corps amaigri, couvert d'un simple short pour mieux supporter la touffeur, semblait perdu dans le creux du matelas, laissant apparaître sur son ventre gonflé une longue cicatrice.
«J'ai déjà eu neuf opérations en quatre ans. Petit à petit, tous les organes vitaux vont être touchés», racontait-il, précisant que «toutes les deux-trois secondes, des décharges électriques» le lançaient.
«Je suis au maximum de ma morphine. Ils ont essayé de plus fortes doses mais j'ai failli mourir», ajoutait-il encore. «Mes intestins se vident dans une poche. Ma vessie se vide dans une poche. Je ne peux pas m'alimenter alors je suis gavé comme une oie, avec un tuyau dans l'estomac. Je n'ai plus de vie digne», dénonçait le militant.
Une maladie sans nom
A 23 ans, Alain Cocq glisse dans un escalier et se déboîte le genou. Les chirurgiens qui l'opèrent découvrent qu'aucune goutte de sang ne coule. Alain apprend alors la définition du mot «ischémie»: «arrêt ou insuffisance de la circulation du sang dans un tissu ou un organe».
Pourquoi? On ne sait pas. Car le jeune homme souffre d'une maladie tellement orpheline qu'elle n'a même pas de nom. «Les parois de mes artères se collent: trois personnes au monde sont connues pour avoir cette maladie. Les deux autres sont décédées».
«Dans 15 jours, vous êtes mort»
Un professeur de médecine lui avait prédit il y a 34 ans: «dans 15 jours, vous êtes mort». Mais quand il apprend son état, l'homme décide de «se battre», pour lui, pour toutes les personnes handicapées et pour une fin de vie «digne». En 1993, il part en fauteuil roulant de Dijon et rejoint la Cour européenne des droits de l'Homme, à Strasbourg.
En 1994, c'est un tour de France qu'il fait, toujours en fauteuil roulant, puis trois tours d'Europe qui l'emmèneront notamment à Bruxelles en 1998 et à l'ONU, à Genève, en 2008. Mais ce voyage, qui lui a coûté cinq accidents cardiaques et sept cérébraux, sera son dernier. «Le fauteuil, je ne peux plus. Le simple fait de me sortir du lit est à hurler».
Infatigable soldat, il tente encore de poursuivre son combat, allant jusqu'à participer — en lit ambulatoire — à plusieurs manifestations de «gilets jaunes» à Dijon. «Je ne demande pas le suicide assisté ni l'euthanasie», s'était défendu devant le journaliste de l'AFP. «Mais un soin ultime. Car je cherche juste à éviter des souffrances inhumaines», ce que ne permet pas actuellement la loi Leonetti sur la fin de vie.