Plus de 12'000 décès du Covid en Suisse et des séquelles pour de nombreuses personnes à cause du Covid long. Telles sont les conséquences de deux ans de crise du coronavirus pour la population. Pour les politiques aussi, tout a changé. Le conseiller fédéral Alain Berset, plus haut responsable lors de la période de crise, a répondu aux questions de Blick.
Il y a presque deux ans, le Conseil fédéral déclarait l'état de «situation extraordinaire». Vous souvenez-vous de ce moment?
Alain Berset: Oui, c'est encore très présent dans mon souvenir. Cela a été un choc. Je me souviens encore très bien de la séance du Conseil fédéral du 28 février 2020, lorsque nous décidé d'interdire les grandes manifestations. Ce n'a pas été une décision facile.
Vous êtes devenu en Suisse le visage de la pandémie. Et pour certains, un objet de haine. Est-ce difficile?
Les débats, même houleux, ne sont pas un problème pour moi. Tout ce que nous avons décidé était fondé sur la loi. Nous avons pris toutes les décisions au sein du Conseil fédéral dans un esprit collégial, le Parlement a adopté une loi Covid et le peuple a voté deux fois. Mais lorsque les choses évoluent vers la haine, la violence et les menaces, cela ne va plus. C'était parfois très difficile à supporter.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, personne n'a sans doute été aussi puissant que vous dans ce pays. Vous êtes-vous parfois senti trop puissant?
Pas du tout, non. Bien sûr, il y a eu des moments où mon rôle de leader dans le domaine de la santé m'a amené à suggérer dans quelle direction il fallait aller. Mais c'est mon rôle. La situation extraordinaire dans laquelle le Conseil fédéral, en tant qu'organe, a dû prendre tant de décisions, parfois à très court terme, entre la mi-mars et la mi-juin 2020, a été tout à fait particulière. Mais les procédures sont rapidement revenues à la normale, avec des lois, des référendums et des discussions.
Y a-t-il eu des moments d'impuissance et de frustration, où vous êtes revenu à votre bureau après une conférence de presse en vous disant: «En fait, je n'ai plus envie»?
Oui, je l'admets, il y a eu des moments très difficiles. C'était le cas quand il y avait de mauvaises surprises dans l'évolution du virus. La conférence de presse de mercredi était la 71e conférence de presse du Conseil fédéral dédiée au Covid. C'était extrêmement violent. Il y a eu des moments où je pensais qu'un tel marathon ne pourrait pas durer aussi longtemps, et pourtant... Mais il y a aussi eu de beaux moments, comme les étés 2020 et 2021, qui ont été plus ou moins détendus. C'est sûr, les hivers ont été plus difficiles.
Si vous regardez en arrière, quelle a été la plus grosse erreur que vous ayez commise?
(Il réfléchit) C'est difficile. Il y a eu plusieurs moments où quelque chose n'a pas bien fonctionné. Mais beaucoup d'erreurs n'ont été identifiées qu'après coup. Il est difficile de savoir si une décision va se révéler mauvaise au moment même où elle a été prise. Mais avec le recul, je pense que nous avons hésité trop longtemps au sujet des masques. Ou lors de la collaboration avec les cantons. Nous espérions vraiment que celle-ci fonctionnerait lors de la deuxième vague comme en temps normal. Mais nous avons dû constater que ça n'allait pas. C'est là que nous avons manqué le bon moment. Mais nous n'avons jamais eu une stratégie zéro covid. Cela aurait été illusoire pour la Suisse.
Pouvez-vous promettre que cet automne, si le virus doit à nouveau se révéler dangereux, nous n'agirons pas à nouveau trop tard?
J'espère que ce ne sera pas le cas. Nous avons maintenant de l'entraînement et je pense que nous sommes beaucoup mieux équipés pour les prochaines étapes. Il y a tout d'abord les vaccinations. Les cantons ont prouvé qu'ils pouvaient organiser un nombre quotidien de vaccinations très élevé. De plus, nous disposons désormais de bien meilleures données qu'il y a deux ans. La situation n'est plus comparable. Mais cela ne signifie pas que nous sommes prêts à 100% à faire face à toutes les éventualités. Nous ne pouvons qu'espérer et faire de notre mieux.
Continuons à regarder vers l'avenir. Le Covid ne devrait pas être la dernière pandémie et il existe un risque d'autres crises, par exemple de pénurie d'électricité. La Suisse a-t-elle besoin d'un comité de crise?
En théorie, oui. Mais la réalité ne fonctionne pas ainsi.
Pourquoi pas?
Les institutions normales doivent être équipées pour faire face aux crises. Penser que les procédures normales sont une chose, mais qu'en cas de problème sérieux, un grand gestionnaire de crise arrive et dit qu'il va tout régler, ce n'est pas sérieux. Si un choc survient, nous devons le gérer avec nos procédures normales. Mais ce que je peux imaginer pour une possible prochaine crise, c'est de miser sur la collaboration avec les scientifiques, comme nous le faisons actuellement avec la Task force Covid. Cela me paraît être une bonne chose. Nous devons maintenant analyser ce qui a bien fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné. Et en tirer le meilleur pour notre pays.
(Adaptation par Alexandre Cudré)