Bravo Londres! Bien joué Rishi Sunak! Avec la conclusion, jeudi 7 septembre, d’un accord politique sur la participation du Royaume-Uni au programme de recherche de l’Union européenne Horizon Europe et au programme d’observation de la Terre Copernicus, voilà le Royaume-Uni revenu dans la course internationale.
Bien joué pour les universités d’Outre-Manche. Bien joué pour les chercheurs britanniques. Voilà le Royaume-Uni redevenu, selon les propres termes d’Ursula von der Leyen, un «allié stratégique» des 27 États membres de l’UE.
Pour les Suisses, ce n’est rien
Pour l’immense majorité des Suisses, cette annonce ne signifie rien. Pourquoi féliciter les Anglais, puisque de toute façon la Confédération, elle, n’a jamais quitté l’Union européenne et n’a donc rien à se faire pardonner? Soit. C'est vrai. Mais essayons un instant d’être pragmatiques.
Les universités helvétiques, et les chercheurs qui peuplent leurs laboratoires, savent ce que peut rapporter, pour un petit pays dont la compétitivité dépend tant de l’innovation, une participation à Horizon Europe.
Début 2021, le Parlement suisse avait même approuvé une contribution de cinq milliards de francs à ce programme communautaire dont le budget atteint 100 milliards de francs jusqu’en 2027. Le rejet unilatéral du projet d’accord-cadre avec l’UE par le Conseil fédéral, le 26 mai 2021, est ensuite passé par là. Une croix blanche s’est affichée sur la porte de sortie.
Le revirement du Royaume-Uni, depuis l’accord de Windsor conclu le 27 février 2023 entre le Premier ministre britannique et la présidente de la Commission européenne, illustre pourtant deux réalités sur lesquelles le Conseil fédéral ferait bien d’ouvrir les yeux.
La première est que la confiance retrouvée est toujours le fruit d’actes clairs et de concessions mutuelles. C’est ce qui s’est passé entre Londres et Bruxelles, depuis la signature de ce texte par lequel les deux parties s’engagent sur une série de principes pour refonder leur relation détruite par la crise du Brexit, après le référendum du 23 juin 2016.
La seconde réalité est qu’il faut une vision pour reprendre une relation. Rishi Sunak, le Premier ministre conservateur, brexiteur revendiqué, a compris que son intérêt est d’arrimer son pays au marché unique européen dont il a tant besoin. Il voit aussi que le Parti travailliste reste, sur la question des relations avec l’UE, incapable de définir une ligne claire. Le locataire du 10 Downing Street entend donc bien profiter de cette brèche d’ici aux élections générales, au plus tard fin janvier 2025.
Pas de grise mine, mais un miroir
Il ne s’agit pas, pour la Suisse, de faire grise mine face à cet accord sur la recherche conclu par les Anglais. Il s’agit d’en tirer les conséquences. Londres est en train de redevenir une priorité pour Bruxelles, sur fond de partenariat à propos de la guerre en Ukraine. Le Royaume-Uni est récompensé après avoir été vilipendé.
Qui, en revanche, risque d’être puni en raison de son attentisme, et de l’indifférence croissante de négociateurs de la Commission? Qui se retrouve obligé de financer seul des programmes de recherche décisifs pour l’avenir, en ces temps de transition climatique accélérée, alors que les laboratoires helvétiques ont tout pour être des pôles d’excellence pour une Europe enfin résolue à être plus autonome sur le plan technologique et scientifique?
A force de différer…
A force de différer la reprise de réelles négociations avec l’Union européenne, la Suisse devient un partenaire qu’on met dans le placard. Il est là. Il peut en ressortir. Mais peu à peu, la naphtaline fait son effet et on l’oublie.
Certains experts respectés des relations bilatérales Suisse-UE, comme l’avocat Jean Russotto basé à Bruxelles, affirment désormais que les (possibles) futurs accords entre Berne et Bruxelles, s’ils sont enfin remis sur les rails et conclus, n’entreront sans doute en vigueur qu’en 2030.
On connaît la lenteur helvétique. Pas besoin d’en rajouter. Beaucoup en sont fiers et, à la veille des prochaines élections fédérales, estiment qu'il est urgent de garder éloignée cette UE affaiblie et bien trop bureaucratique. Les Anglais, eux, viennent de montrer que leur pragmatisme sait prendre le TGV lorsque le besoin se fait sentir.
Le tortillard bilatéral alpin ne peut de toute façon pas scruter un quelconque «horizon», ou observer la terre avec les héritiers de Copernic. Il est coincé en gare de Berne.