Le «secret» fonctionne-t-il vraiment? De tout temps, la question a alimenté les discussions, notamment dans le canton de Fribourg où la parution d'un livre sur le sujet avait fait un carton en 2008 («Guérisseurs, rebouteux et faiseurs de secret en Suisse romande», par Magali Jenny).
Les détenteurs de cette formule, qui se transmet de personne en personne, ont des facultés aussi diverses que d'aider à retrouver les objets perdus. Mais, la plupart du temps, ils participent à guérir des maux physiques, principalement les blessures et les saignements.
Cette médecine populaire est-elle efficace? La question interpelle aussi les scientifiques. Une étude menée par un groupe de chercheurs, dont les résultats sont parus il y a quelques jours dans l'«Open Heart Journal», a tenté pour la première fois de le déterminer, comme l'a expliqué l'un des auteurs à «La Liberté».
Pas de différence entre les groupes
L'expérience a été conduite à Fribourg. «Malgré le fait que le 'secret' soit très répandu et même utilisé parfois à l'hôpital, aucune étude n'a testé jusqu'ici son efficacité clinique», expliquent les chercheurs dans leur publication. Il est même fréquent, écrivent-ils, que des patients fassent appel à des rebouteux pour éviter les saignements lors d'interventions.
L'étude s'est intéressée à 200 patients devant se soumettre à une coronographie. Cette intervention, qui permet de visualiser les artères coronaires, peut provoquer d'intenses saignements. L'occasion parfaite pour l'essai randomisé «en double aveugle», à savoir avec certains patients ayant bénéficié du secret et d'autres non.
Verdict? «Nous n'avons pas observé de différence significative entre les deux groupes», explique Charlie Ferry, infirmier clinicien spécialisé à l’Hôpital fribourgeois (HFR). Qu'ils aient reçu le «secret» ou pas, les patients ont réagi de la même manière aux saignements.
«L'essence même d'un placebo»
Est-ce à dire que cette pratique utilisée «depuis des siècles» en Suisse romande et inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO ne fonctionne pas? Le scientifique ne s'y risque pas. Charlie Ferry voit des bénéfices dans le «secret», malgré les résultats de l'étude. «Il est probable que cela ait des effets anxiolytiques et que le geste (médical ou chirurgical) soit mieux vécu», assure-t-il à «La Liberté».
Pour l'étude, réalisée à l'initiative du professeur Stéphane Cook, médecin-chef du département de cardiologie, vingt détenteurs du «secret» ont joué le jeu, ce qui fait la force de cette expérience, selon son auteur principal. «Si je devais résumer, je dirais qu’il y a les recommandations scientifiques pures, qui sont vraiment importantes, mais qui n’empêchent pas d’utiliser en parallèle des choses dont on croit qu’elles vont nous aider. L’essence même d’un effet placebo», conclut Charlie Ferry dans le quotidien fribourgeois.