Le rapport d'économie du groupe d'experts de la ministre des Finances Karin Keller-Sutter continue de faire des vagues. Les Vert-e-s, portés par la conseillère nationale Franziska Ryser, font une nouvelle proposition pour combler le futur trou financier de la Confédération.
Rien de mieux que de cibler le transport aérien! «Le kérosène utilisé pour les vols internationaux est exonéré de l'impôt sur les huiles minérales. La Confédération perd ainsi jusqu'à 1,5 milliard de francs par an», estime Franziska Ryser. Elle espère obtenir, par le biais d'une intervention, que l'impôt sur les huiles minérales soit également payé sur les carburants des avions.
En 1944, la Suisse a signé la Convention de Chicago afin de promouvoir l'aviation. Depuis, elle a approfondi cette convention dans le cadre d'accords bilatéraux avec différents pays. «Ces allègements fiscaux ont été introduits comme mesure d'après-guerre. Aujourd'hui, ils sont complètement dépassés. Le trafic aérien fonctionne aussi sans encouragement», affirme la conseillère nationale.
Des coûts de vol plus élevés?
Le groupe d'experts dirigé par Serge Gaillard avait pour mission de proposer des mesures permettant d'économiser quatre milliards de francs à partir de 2030. Si la proposition de Franziska Ryser passe, plus d'un quart du trou serait comblé. Mais ce sont les passagers qui devraient payer.
A lire sur l'aviation
Il faut s'attendre à ce que les compagnies aériennes répercutent au moins une partie de la hausse des coûts du carburant sur leurs clients. Franziska Ryser en est consciente. «Les billets d'avion sont aujourd'hui artificiellement bas en raison de cette subvention. De plus, il existe des alternatives: de nombreuses destinations, notamment en Europe, peuvent être atteintes par les transports publics.» Il serait ainsi possible d'en atténuer les conséquences.
Le libéral-radical (PLR) Christian Wasserfallen, spécialiste de la politique énergétique, n'accueille pas l'idée les bras ouverts. «C'est un rideau de fumée qui nuit à la Suisse et qui va à l'encontre des traités internationaux». Il craint le «tourisme de l'essence.» «Swiss devrait acheter du kérosène cher en Suisse, et donc faire le plein à l'étranger dans la mesure du possible.» Christian Wasserfallen se demande si la taxe pourrait effectivement être appliquée. «Nous serions le seul pays à ne pas respecter la Convention de Chicago. Comment pourrait-on obliger les compagnies aériennes étrangères à payer cette taxe suisse?»
D'autres pays ont déjà essayé
Mais il y a d'autres obstacles. La Suisse devrait renégocier plus de 150 accords bilatéraux. D'autres Etats ont déjà essayé, sans succès. La Norvège avait ainsi déjà introduit une taxe en 1999, pour la supprimer quatre mois plus tard. Les compagnies aériennes avaient refusé de payer, écrivait le «Beobachter».
En 2005, la France et l'Allemagne ont voulu imposer une taxe internationale sur le kérosène, mais ont elles aussi échoué face à la résistance du Japon et des Etats-Unis. La Grande-Bretagne a tenté d'adapter des accords bilatéraux en 2003 – un échec.
Franziska Ryser ne se montre pas impressionnée. «C'était il y a plus de 20 ans. De plus, cela montre que d'autres pays ont conscience de la nécessité d'agir dans ce domaine.» Mais elle sait que cela pourrait prendre du temps. «La Suisse doit prendre les devants au niveau international et essayer d'obtenir une solution commune des Etats.»
Eviter la concurrence aérienne
Dans une réponse antérieure, le Conseil fédéral se montre sceptique. En cas de nouvelles négociations, il y aurait un risque de taux d'imposition différents dans les Etats desservis, «ce qui pourrait entraîner un trafic de contournement et un comportement de ravitaillement optimisé sur le plan fiscal». Le Conseil fédéral souhaite éviter des désavantages concurrentiels pour les compagnies aériennes suisses.
Le groupe d'experts autour de Serge Gaillard s'est également penché sur l'exonération fiscale du kérosène. Il n'est pas parvenu à un consensus. «L'exonération fiscale du kérosène ne se justifie pas du point de vue de l'efficacité économique et dans le contexte des objectifs de la politique climatique», peut-on lire dans le rapport. Pour la majorité du groupe, une taxe nationale n'est pas utile. «Il en irait autrement si un consensus international se dégageait pour abolir cette pratique.»
Franziska Ryser déposera toutefois une intervention. On devrait savoir dès la semaine prochaine si celle-ci a des chances d'aboutir. Le canton de Zurich a également déposé une initiative similaire. Mais elle n'a pas eu de chance au Conseil des Etats.