L’idée d’instaurer un quota de 40% de femmes à la tête des fédérations sportives suisses fait grincer des dents. L’association fédérale suisse de lutte s’y oppose bec et ongles alors que les gymnastes suisses craignent que les postes vacants ne soient plus pourvus. Swiss Badminton avance de son côté qu’il est déjà extrêmement difficile de trouver des personnes motivées et compétentes qui s’engagent bénévolement. Un quota rendrait la tâche encore plus difficile. La fédération de football américain craint même pour la survie de nombreux clubs.
La conseillère fédérale en charge des sports Viola Amherd l’a pourtant fait savoir: la promotion des femmes dans le sport serait son cheval de bataille. À l’instar des groupes proches de la Confédération que sont la Poste, les CFF ou Ruag, la conseillère fédérale du Centre veut, avec la nouvelle ordonnance sur l’encouragement du sport, obliger les fédérations à atteindre une proportion de 40% de femmes à leur tête d’ici fin 2024.
Concrètement, cela signifie que les fédérations qui ne respectent pas le quota de genre seraient privées d’une partie de leurs subventions fédérales. On ne sait pas encore en détail de combien les subventions seraient amputées.
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«Une directive rigide qui ne sert pas l’objectif»
Les Cantons sont également sceptiques. «Cette directive rigide ne permet pas d’atteindre l’objectif», écrivent-ils. Souvent, les disciplines sportives sont fortement marquées par le genre. Dans plus de la moitié des clubs sportifs suisses, la part des membres féminins est inférieure à 20%. L’association fédérale suisse de lutte ne compte même que des hommes. C’est l’inverse pour la natation synchronisée.
Pour de nombreux clubs, la prescription de quotas aurait des conséquences importantes. Il serait difficile de trouver des dirigeants en nombre suffisant ou adaptés. Les autorités cantonales craignent que les petits clubs ne soient confrontés à «une tâche quasiment insurmontable». «Le sport organisé, qui constitue la base de l’encouragement du sport au niveau national, risque d’être substantiellement affaibli.»
De plus, il faut s’attendre à ce que la modification de l’ordonnance ait des répercussions sur les cantons, contrairement à ce que pense le Conseil fédéral. Ainsi, dans le domaine de l’encouragement de la relève, les subventions des cantons sont liées aux subventions fédérales. C’est pourquoi les cantons seraient «contraints de réagir» en cas d’éventuelles sanctions de la Confédération.
Lâchée par son propre parti
Le paquet de mesures est également contesté par les partis. Le PS et les Verts saluent certes la volonté d’instaurer des quotas, mais soulignent tout de même qu’il serait difficile de le faire au sein des petites fédérations. Ils proposent de limiter l’initiative aux organisations nationales.
Le propre parti de Viola Amherd, le Centre, trouve que les projets de la conseillère fédérale vont trop loin. Une réglementation efficace est certes bienvenue, mais elle doit aussi être proportionnée et aussi facile à mettre en œuvre que possible. Le PLR, quant à lui, rejette totalement la proposition.
Les fédérations concernées ne sont pas non plus très enthousiastes. Certes, la fédération de natation Swiss Aquatics soutient l’idée d’amener plus de femmes à des fonctions dirigeantes, mais un quota fixe ne serait guère efficace d’après elle. «Nos efforts jusqu’à présent n’ont malheureusement pas eu beaucoup de succès», regrette le secrétaire général Michael Schallhart. Pour les postes devenus vacants au cours des deux dernières années, des femmes ont été spécialement contactées. Or «sur dix femmes sollicitées, aucune n’a accepté de travailler bénévolement au sein du comité central».
L’association fédérale suisse de lutte s’oppose fermement à un quota fixe de 40% de femmes. Les fédérations et les clubs doivent pouvoir continuer à s’organiser eux-mêmes, estime Markus Lauener, son président. De plus, les athlètes féminines seraient également concernées par des réductions, fait remarquer Christoph Petermann de la Fédération sportive suisse de tir. «Nous laissons ouverte la question de savoir si cela va dans le sens de l’égalité et de la promotion du sport.»
«Ne pas mettre tout le monde dans le même panier»
Ce n’est pas le cas de l’Association suisse de football (ASF). Cette dernière soutient en principe les objectifs de Viola Amherd. Mais les sports individuels et collectifs, les petits clubs bénévoles ou les grands clubs professionnels et les fédérations avec des bureaux professionnels et des dizaines d’employés «ne doivent pas tous être mis dans le même panier», souligne Dominique Blanc, président de l’ASF. Il faut donc continuer à miser sur l’autorégulation. «Il faut absolument éviter les quotas.»
De son côté, Swiss Olympic veut trouver un compromis. L’association faîtière du sport propose des solutions individuelles qui diffèrent selon les organisations en ce qui concerne le délai de mise en œuvre des directives ainsi que les conditions détaillées.
Viola Amherd maintient son cap
Jürg Stahl, président de la faîtière, est convaincu que «cela permettra de garantir qu'une solution sectorielle soit applicable et soutenue par toutes les organisations sportives». Cela permettrait par exemple de faire la distinction entre les organisations gérées de manière professionnelle et celles gérées de manière bénévole. Cette proposition est soutenue par plusieurs grandes fédérations.
Interviewée fin juin par Blick, Viola Amherd a concédé qu’il faudrait «certainement accorder certains délais de transition. Sinon, des collaborateurs émérites de l’association seraient par exemple éjectés d’un comité, uniquement pour atteindre l’objectif. Ce n’est pas ce que nous voulons.» La conseillère fédérale n’est en tout cas pas prête à céder sur sa proposition. «Viola Amherd s’en tient à son objectif d’augmenter la proportion de femmes dans le sport et en particulier dans la direction des fédérations sportives», précise son porte-parole. Reste à savoir si l’ensemble du Conseil fédéral suivra cette directive à l’automne.