L'après Federer est difficile
Le tennis suisse n'a pas été aussi mauvais depuis 1986

Des éliminations précoces à l'US Open, deux hommes qui chutent brutalement au classement et une attente interminable chez les femmes. Le tennis suisse traverse des temps difficiles après l'ère Federer.
Publié: 29.08.2024 à 10:02 heures
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Dernière mise à jour: 29.08.2024 à 10:15 heures
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Stan Wawrinka n'arrive pas à trouver son rythme de croisière en 2024.
Photo: Sven Thomann
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Marco Pescio

Stan Wawrinka n’hésite jamais à dire ce qu’il pense, mais il n’est pas vraiment connu pour ses coups de sang face à la presse. Cette fois, cependant, on peut lire la frustration sur son visage, et ses mots ne passent pas inaperçus. «Ce n’était nul, ce n’était nul, ce n’était nul!», s’exclame-t-il lors d’une interview à la SRF après son élimination à l’US Open face à Mattia Bellucci, 23 ans, classé 101e mondial.

Avec cette défaite à New York, les derniers espoirs suisses d'un succès à Flushing Meadows se sont envolés. Cela marque aussi la fin d’une année décevante en Grand Chelem pour le tennis suisse. Le Vaudois incarne bien ce déclin actuel: cette année, il n’a jamais dépassé le deuxième tour des quatre principaux tournois. Le meilleur résultat suisse en 2024 a été celui de Viktorija Golubic, 31 ans, qui a atteint le troisième tour de l’Open d’Australie en janvier.

Un coup d'œil aux archives révèle que c’est la première fois depuis 1986 qu’aucun joueur suisse n’a atteint les huitièmes de finale d’un Grand Chelem. Après 38 années de succès, durant lesquelles les fans suisses ont pu admirer le sommet du tennis mondial à différentes époques, le sport est à un creux, du moins en termes de résultats. Mais il y a des raisons à cela.

Comme si elle l'avait anticipé des mois plus tôt, Golubic nous avait déclaré en mai: «Il ne faut pas oublier que nous avons été gâtés pendant des années avec Roger Federer et Stan Wawrinka. Parfois, il faut savoir se dire: 'Hé, c’est déjà très bien comme ça'. Nous sommes un petit pays. Pourquoi ne pas simplement apprécier ce que nous avons vécu? C’était un privilège.»

Un trio d’espoirs freiné par les blessures

Elle pourrait aussi mentionner d’autres grands noms. L’ancienne No 1, Martina Hingis ou le champion olympique Marc Rosset pour n’en citer que deux. Pendant longtemps, le tennis suisse a pu compter sur de nombreux talents exceptionnels, avec Federer, vainqueur de 20 titres du Grand Chelem, comme figure emblématique. Belinda Bencic, 27 ans, fait aussi partie de cette génération de talents incroyables. Mais la championne olympique est actuellement en congé maternité, et son absence est l’une des raisons des mauvais résultats de 2024.

Sa grossesse est survenue alors que le tennis suisse traversait déjà une période de transition après la retraite de Federer en 2022. Avec l’âge, Wawrinka lutte tant bien que mal pour rester compétitif. Quant aux jeunes espoirs, ils peinent à émerger. Dominic Stricker, 22 ans, qui avait fait sensation en atteignant les huitièmes de finale de l’US Open l’année dernière, a été blessé jusqu’en juin cette année. Lors de sa défaite au premier tour de l’US Open, il a montré qu’il est encore loin de son meilleur niveau. Leandro Riedi, 22 ans, qui a remporté deux tournois Challenger cette année, se bat lui aussi régulièrement contre des problèmes physiques, bien qu’il semble proche d’un véritable saut de qualité. Jérôme Kym, 21 ans, est le troisième grand espoir suisse à qui Alessandro Greco, responsable du sport d’élite chez Swiss Tennis, et Heinz Günthardt, expert pour Blick, voient «un potentiel pour le top 50».

Le problème de ce trio? Tous ont été ralentis dans leur progression par des blessures. «Et une nation de tennis comme la Suisse ne peut pas s’en sortir aussi facilement que la France, par exemple, qui a une douzaine de joueurs de ce calibre, contrairement à nos trois», explique Heinz Günthardt, qui conseille Swiss Tennis depuis des années et est aussi capitaine de l’équipe de la Billie Jean King Cup.

Chez les femmes, Golubic est actuellement la seule dans le top 100. Céline Naef, 19 ans, est vue comme la plus grande promesse, mais elle n’a pas encore confirmé ses débuts en Grand Chelem de l’année dernière par des performances similaires. Toutefois, la Suisse est relativement bien représentée dans le top 300 mondial. «Mieux que jamais», affirme Greco, tout en reconnaissant le paradoxe de la situation: le public perçoit l’inverse à cause du manque de résultats.

«Cela fait vraiment mal»

Il ne fait aucun doute que seuls ceux qui atteignent le top 100, ou s’en approchent, reçoivent l’attention nécessaire des sponsors, des médias et des fans. Heinz Günthardt ajoute: «Le fait que Stricker (hors du top 300) et Wawrinka (hors du top 200) chutent aussi brusquement est d’autant plus douloureux. Cela fait vraiment mal, car le top 100, c’est comme la Ligue des champions pour les footballeurs. C’est là qu’on trouve les revenus qui offrent la stabilité financière et la sécurité pour planifier l’année. Ce n’est pas comparable aux tournois Challenger, où une victoire rapporte une fraction de ce que l’on reçoit dès le premier tour d’un Grand Chelem.» À l’US Open, une élimination au premier tour rapporte déjà 100'000 dollars.

Heinz Günthardt ne nie pas que le tennis suisse est actuellement en difficulté. Mais il partage l’optimisme de Greco, qui voit en Stricker, Riedi, et Kym des joueurs «vraiment prometteurs». «Il faut être patient, tant chez les hommes que chez les femmes. Je suis aussi convaincu que Bencic retrouvera sa forme d’antan après son retour prévu. Et il faut se rendre compte que l’image que nous avons du tennis suisse est déformée. Federer et compagnie nous ont fait croire qu’atteindre le top 100 était facile. C’est loin d’être le cas!»

À propos, la pire année en Grand Chelem depuis 1986 aurait pu être évitée du point de vue suisse si, après en 2018 Rebeka Masarova (25 ans, WTA 103, partie jouer pour l’Espagne), une deuxième joueuse n’avait pas fait défection. Lulu Sun, 23 ans, classée 41e mondiale, a décidé après l’Open d’Australie de représenter la Nouvelle-Zélande. Son quart de finale à Wimbledon en juillet aurait redressé le bilan annuel suisse.

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