Comme depuis quelques années, Marc Rosset est présent au micro de la RTS pour commenter un Grand Chelem. À Paris, Blick a rencontré le champion olympique de 1992 en marge de Roland-Garros. Le Genevois évoque la décision de l’ATP et de la WTA de ne pas distribuer de points à Wimbledon, à la suite de l’exclusion des joueurs russes et biélorusses.
Marc Rosset, l’ATP et la WTA ont décidé de ne pas attribuer de points à Wimbledon. Que pensez-vous de cette décision?
C’est une très bonne décision.
Pourquoi?
Parce que je déteste mélanger le sport et la politique. J’ai beaucoup d’amis russes. Marat Safin, par exemple, est contre la guerre. Je ressens un sentiment anti-russe qui est exagéré. Si l’on regarde les 30 ou 50 dernières années, ce n’est pas le seul pays à être entré en guerre.
À quels pays pensez-vous?
Les États-Unis au Vietnam et en Irak, la France en Libye, la guerre en Croatie et en Serbie. Et il y a aussi les choses qui se passent toujours en Afrique. Pendant l’apartheid, les joueurs sud-africains étaient autorisés à jouer à Wimbledon. On ne les en a pas empêchés, même si les Africains noirs étaient battus et tenus en esclavage en Afrique du Sud. C’est pour cela que je ne comprends pas pourquoi on devrait empêcher Daniil Medvedev de jouer parce que les Russes ont lancé une guerre. Dans un monde idéal, je séparerais toujours le sport et la politique. Le sport a parfois justement les moyens d’unir les gens.
Cela signifie que pour vous, les mesures prises jusqu’à présent sont suffisantes? Que leurs drapeaux ne soient plus montrés et que l’on ne joue plus leur hymne.
Je suis tout à fait d’accord avec le fait que l’on ne montre plus leur drapeau. Je suis également content que l’ATP et la WTA aient pris cette décision, car il faut aussi penser à long terme. Si l’on permet à Wimbledon de prendre cette décision, on ne sait pas si l’US Open le fera aussi.
Ce risque existerait-il?
Oui, on créerait un précédent qui permettrait à un Grand Chelem de faire la même chose dans les années à venir. L’ATP a au moins répondu: «Faites ce que vous voulez, mais vous n’aurez pas de points.»
Wimbledon aurait-il pu en décider autrement?
Je ne pense pas vraiment que Wimbledon ait décidé seul. Je pense plutôt que le gouvernement britannique a fait pression. Le Grand Chelem a dit lors de la conférence de presse que les joueurs russes pourraient utiliser le tournoi comme propagande. Très honnêtement – quand j’ai joué la demi-finale ici – je pensais à moi, pas à la Suisse. Quand je joue la Coupe Davis, je représente la Suisse. Quand Daniil Medvedev gagne l’US Open, il pense à sa victoire en Grand Chelem, au fait qu’il a gagné 2000 points, qu’il sera peut-être numéro 1 et qu’il a gagné trois millions de dollars. Je ne pense pas qu’il se dise «Allez la Russie» ou «Allez Poutine». Pour la Coupe Davis, c’est différent. Là, je comprends qu’ils ne puissent pas y participer.
Y a-t-il d’autres victimes de ces décisions?
Pour les joueurs du top 100, cela va être difficile. Les grands joueurs comme Novak Djokovic vont maintenant simplement disputer le tournoi parce que c’est Wimbledon. Henri Laaksonen, par exemple, serait définitivement présent à l’US Open s’il passait deux tours à Wimbledon. Ce n’est pas une question d’argent, mais de classement.
Jil Teichmann a déclaré que Wimbledon ne serait pour elle qu’un tournoi d’exhibition. Qu’en pensez-vous?
Je peux comprendre de telles déclarations. Quand il y a 128 joueuses à Paris, il y en a cinq ou dix qui arrivent avec l’ambition de gagner le tournoi. Il est normal qu’en tant que 30e au classement, tu te dises: «Je passe quelques tours, je n’accumule pas de points, mais je gagne un peu d’argent. C’est donc un tournoi d’exhibition.» Mais cela signifie que tu manques d’ambition. Si tu gagnes Wimbledon cette année, tu n’as certes pas de points, mais tu as gagné Wimbledon! Ce n’est pas que le tournoi ne compte pas. Je ne suis pas d’accord pour dire que c’est un tournoi d’exhibition.
Est-ce que cela ressemble à votre victoire olympique?
Oui, j’ai gagné les Jeux olympiques et cela ne m’a rapporté aucun point ATP. Cela ne m’a rien rapporté non plus. Est-ce que c’était un tournoi d’exhibition? Non. C’est un titre – le plus grand titre – que je garderai jusqu’à la fin de mes jours.