Le Genevois se souvient
ll y a 30 ans, Marc Rosset devenait champion olympique

Le 8 août 1992, Marc Rosset a surpris le monde du tennis en remportant les Jeux olympiques à Barcelone. Dans un entretien avec Blick, le Genevois se souvient. Il raconte comment il a gagné malgré une insolation, mais aussi quelques mauvais souvenirs.
Publié: 08.08.2022 à 11:21 heures
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Dernière mise à jour: 08.08.2022 à 11:56 heures
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Marc Rosset pose avec une copie de la couverture de Blick du 9 août 1992.
Photo: BENJAMIN SOLAND
Sven Micossé (Text) et Benjamin Soland (photos)

Marc Rosset s’écroule sur la terre battue, les bras levés vers le ciel. Le Genevois vient de remporter la finale des Jeux olympiques de Barcelone 1992. C’était le 8 août, il y a 30 ans jour pour jour. «Marc, maintenant tu es un champion», titrait Blick au lendemain de cette sensationnelle victoire.

«J’en ai la chair de poule», lâche l’ancien joueur, en montrant les poils hérissés sur son bras lorsqu’il découvre la une de l’époque, encadrée pour l’occasion. Même après toutes ces années, l’émotion est encore à fleur de peau.

Marc Rosset, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand vous voyez cette photo?
Cela me fait plaisir. Ce moment est à la fois très présent, mais aussi très lointain parce que ça fait déjà 30 ans. On m’en parle encore régulièrement, mais j’ai l’impression que tout ça, c’était dans une autre vie.

Avec quelles attentes étiez-vous allé à Barcelone à l’époque?
Aucune, en fait. C’était mes premiers Jeux olympiques, donc je découvrais tout. Je n’ai pas assisté à la cérémonie d’ouverture et lorsque j’ai vu le tableau, je me suis dit que je serais de retour chez moi cinq jours plus tard. Je voulais simplement voir les JO et vivre tout cela de l’intérieur.

Le tirage au sort ne vous a pas été favorable. Au troisième tour, vous avez dû affronter Jim Courier, alors numéro 1 mondial.
Oui, j’ai gagné en trois sets et j’ai ensuite joué le meilleur tennis de ma vie sans même savoir pourquoi. C’était dur parce qu’il y avait aussi le double. Tous les matches se déroulaient en cinq sets gagnants. Il faisait chaud et c’était donc épuisant physiquement.

Lors de votre quart de finale contre l’Espagnol Emilio Sanchez, le public avait choisi son camp.
C’était le soir et le public était chaud. L’ambiance m’a rappelé un match de Coupe Davis. Je me souviens que sur un point, je n’avais plus qu’à smasher au filet. J’avais visé mon adversaire.

Pourquoi?
Pour faire monter l’ambiance. J’aime ce genre de matches. Je crois qu’à ce moment-là, j’avais besoin de plus d’adrénaline pour me pousser. À l’époque, il n’y avait pas encore de matches pour la troisième place. Dès que tu étais en demi-finale, tu étais assuré d’une médaille, au pire de bronze. J’ai joué contre un Espagnol à Barcelone. C’était électrisant. J’ai dû quitter le terrain après la victoire sous escorte policière et sous les insultes du public.

Passons directement à la finale contre Jordi Arrese. De quoi vous souvenez-vous?
La balle de match était moche. J’ai joué lob sur lob. Aujourd’hui encore, je suis nerveux quand je regarde cet échange. Je sais que j’ai gagné, mais je suis quand même nerveux. Vers la fin du match, je ne me souciais même plus de devenir champion olympique. Je n’en pouvais plus et sur la balle de match, je voulais simplement que le match se termine.

À cause de la chaleur?
Oui. Après le premier set, j’ai eu une insolation. Il faisait extrêmement chaud, mais j’avais très froid – surtout lors des changements de côté. Ma plus grande inquiétude, c’était que je rate la balle de match et que le match se poursuive. Lorsque j’ai gagné et que je me suis laissé tomber sur le court, ma première pensée a été: «C’est fini. Je n’ai plus besoin de jouer.»

Quand avez-vous compris que vous aviez accompli quelque chose de grand?
Après le match, j’ai pris une douche et je me suis dit «Waouh». Après, j’ai remarqué qu’on m’avait volé tous mes vêtements.

On vous a volé pendant la finale?
Exactement. Quelqu’un était dans le vestiaire et m’avait volé les habits de la délégation. C’est pour ça que, lors de la cérémonie de remise des prix, je portais un t-shirt coloré qu’un spectateur m’avait donné. Mes affaires n’ont jamais été retrouvées.

Quel regard global portez-vous sur les semaines passées à Barcelone?
J’ai adoré les Jeux olympiques, mais certaines choses m’ont agacé. Je n’ai pas du tout apprécié le chef de la délégation (ndlr: René Meyer). Avec les nageurs, dont Dano Halsall, nous n’avons jamais eu la chance d’obtenir des billets pour d’autres compétitions. Je suis resté dix jours sur place sans rien pouvoir suivre dans les stades. Pourtant, chaque comité recevait des billets pour les athlètes. Je me souviens aussi très bien d’une autre chose.

Laquelle?
Mes amis voulaient regarder la finale sur place, ils sont venus spécialement de Genève en voiture. J’ai demandé au chef quatre billets, il m’a répondu: «Je ne sais pas si j’ai quatre places…». Ce à quoi j’ai répondu: «J’ai mal au dos… Je ne sais pas si je pourrai jouer la finale». Finalement, il a trouvé quatre places et mes douleurs au dos ont disparu.

Vous avez pu fêter votre victoire? Vous aviez rapidement dû poursuivre votre saison sur le circuit.
Si, j’ai fait la fête à Barcelone avec mes amis. Le lendemain, j’ai organisé quelque chose à Genève mais le jour d’après déjà, j’ai dû partir aux États-Unis. C’était un peu dommage. Avec le recul, j’aurais dû faire l’impasse sur le tournoi de Cincinnati.

Est-ce que vous comptez marquer le coup pour le 30e anniversaire?
Probablement pas. Je ne suis pas fan de ce genre de célébrations. Je ne fête jamais mon anniversaire non plus. C’est cool, mais je n’aime pas être le centre de l’attention. Donner des interviews, ça ne me dérange pas. Mais organiser quelque chose de grand pour moi-même, ce n’est pas mon truc.

Où gardez-vous votre médaille?
Elle est en sécurité dans un coffre-fort.

Chez vous?
…Elle est en sécurité dans un coffre-fort. (sourit)

Vous avez mis un terme à votre carrière il y a 17 ans. Est-ce que vous jouez encore aujourd’hui pour le plaisir?
J’ai recommencé, mais avec la main gauche. Avec la main droite, je ne pourrais jamais jouer aussi bien qu’avant. C’est pourquoi je me suis dit: pourquoi ne pas jouer avec la main gauche? Là, je ne peux que progresser.

Et ça se passe comment?
J’ai battu un ami qui a le niveau R4. Ce n’est pas mal du tout. Mais, mon service est mauvais. J’ai pu entraîner mon coup droit. Mais lancer la balle en l’air avec l’autre main, c’est un mouvement qui n’est pas naturel pour moi. Marat Safin m’a chambré. Je lui ai dit que je n’avais jamais eu un revers à deux mains aussi bon (rires). Du jamais vu durant ma carrière. Il m’a fallu 48 ans pour y parvenir.


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