Les stars du tennis mondial sont mesurées grâce à leur nombre de leurs victoires en Grand Chelem. En tête, un trio avec 20 (Federer), également 20 (Nadal) et 19 titres dans les tournois majeurs. Celui qui en compte 19, Novak Djokovic, a les meilleures chances de surpasser les autres, en termes d'âge, de condition physique et aussi d'ambition. Mais jusqu'à ce que cela se produise, l'éternelle discussion sur le «Greatest of all time (GOAT)» - littéralement, le «plus grand de tous les temps» - se poursuivra.
Vu de Suisse
Federer, une «expérience religieuse»
Pour la Suisse, le plus grand est et restera toujours Roger Federer. Pendant longtemps, il a été incontesté par tous. En 2009, il a inscrit son nom au palmarès de Roland Garros (il possède donc un titre dans tous les tournois du Grand Chelem) et a battu le record de Pete Sampras lors de sa victoire à Wimbledon. Avec 14 titres majeurs à son actif, l'Américain était le meilleur joueur en simple. Avant lui, il fallait ouvrir dans les livres d'histoire et remonter jusqu'aux années 60 pour retrouver Roy Emerson (12 titres majeurs).
Le roi du gazon était considéré comme presque imbattable, et pas uniquement sur sa surface préférée. Il a remporté six autres Grands Chelems jusqu'en 2018. En raison de son style créatif et artistique, Federer a été surnommé le «Maestro». L'un des nombreux auteurs qui a écrit sur ce phénomène du tennis a même qualifié un match de Federer d'«expérience religieuse».
Et c'est en partie pour la raison pour laquelle quelqu'un est arrivé pour rivaliser avec lui: Rafael Nadal. Le «Torero» a souvent mentionné que Federer l'incitait à travailler encore plus dur et à repousser ses propres limites. Dès lors, Roger et Rafa ont dominé le circuit du tennis mondial. Et, dans leur sillage, le «Djoker» les a rejoints avec toute sa passion.
La concurrence ne peut néanmoins pas suivre le rythme de l'attrait mondial de Federer, comme le prouvent ses contrats de sponsoring. Et son beau tennis non plus - (tout est subjectif, bien sûr). Le fait est que Roger a été le premier à élever le niveau du tennis à des hauteurs vertigineuses. C'est pourquoi il est le plus grand.
Cécile Klotzbach, journaliste suisse à «SonntagsBlick»
Vu de Serbie
Djokovic est «déjà heureux maintenant»
Enfant, Novak Djokovic ne rêvait pas de gagner contre tel ou tel rival. Il a simplement dit qu'il voulait être «le meilleur du monde». Et pour y parvenir, vous devez battre votre plus grand adversaire: vous-même.
Et c'est exactement ce que Djokovic a fait. Il a eu des problèmes de santé et les a combattus. Il a eu des problèmes sur son service et les a également combattus. Il a dû faire une longue pause, s'est fait opérer, et après cela, il ne pouvait plus servir comme avant. C'est alors qu'il a commencé à servir avec un mouvement de bras différent. Il a également gagné ce match.
Djokovic n'a jamais été autant aimé que ses plus grands adversaires. Mais ce n'est pas surprenant. Ceux-ci ont impressionné la planète avant lui et les gens n'abandonnent pas facilement leurs idoles.
Djokovic a commencé sa mission parmi les bombes en frappant la balle contre un vieux mur. Sans gène de tennis dans sa famille ou dans sa nation, il n'avait aucune prédisposition pour réussir dans un pays déchiré. La logique voulait qu'il soit, au mieux, médiocre.
Mais il croit en l'impossible et c'est la pierre angulaire de son existence. Il est toujours soucieux de développer ses propres talents et de vaincre ses faiblesses.
Car, pour lui, cela n'a pas d'importance qui est de l'autre côté du filet. Si vous vainquez vos problèmes de santé, si vous vainquez vos faiblesses au tennis par le travail, si vous vainquez le public qui vous a hué - alors il importe peu que vous ayez plus de victoires contre Federer et Nadal que de défaites. Non, la seule chose qui compte, c'est la croyance.
Novak Djokovic vient d'une nation où cette vertu, vaincre ses faiblesses, est le plus grand objectif.
Il est très probable qu'un jour, lorsque le monde entier lui dira: «Oui, il était vraiment le meilleur», il sourira de joie. Mais il est déjà heureux maintenant. Parce qu'il a déjà gagné ses plus grandes et plus dures batailles, celles contre lui-même.
Darko Nikolic, journaliste serbe à «Blic»
Vu d'Espagne
Nadal, le meilleur «dans les chiffres»
Tout d'abord, de mon point de vue, le «Big Three» sont les trois meilleurs joueurs de tennis de tous les temps. Je sais qu'il est difficile de comparer les générations. Et je n'ai pas connu l'époque de Rod Laver ou, plus tard, la rivalité entre Björn Borg et John McEnroe, Jimmy Connors ou Ivan Lendl. Mais ce mélange de caractères, de styles différents sur et en dehors du terrain, et la domination de Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic font toute la différence.
Nadal pourrait être considéré comme le meilleur pour plusieurs raisons qui se reflètent dans les chiffres. Il est en tête du classement des titres de Grand Chelem remportés en simple, se rapprochant ainsi de Federer. Et si l'on considère que le tennis ne se résume pas qu'aux événements majeurs, Rafa est aussi le leader des titres en Masters 1000, avec Djokovic (36 victoires chacun). Il a remporté la Coupe Davis cinq fois, alors que Novak et Roger n'en ont qu'une. Et il a une médaille d'or aux Jeux olympiques en simple et en double. Nadal est le seul, avec Andre Agassi, à avoir remporté le «Golden Slam» (ndlr: victoire dans chaque Grand Chelem et au J.O.).
Comme tous les trois sont encore en activité, il faut attendre la fin de leur carrière professionnelle pour tout analyser. Federer aura 40 ans en août, il a donc moins de chances de continuer à gagner, surtout après les opérations du genou qui l'ont tenu à l'écart du circuit pendant plus d'un an.
Je pense que Nadal ne jouera que dans les grands tournois et sera concentré, ce qui l'aidera à prolonger sa carrière. Même s'il vient de perdre contre Djokovic en demi-finale de Roland-Garros, je le verrai toujours comme le favori sur la terre battue parisienne tant qu'il continuera à y concourir.
Le seul doute est que son corps paiera tous les grands efforts au fil du temps. Nadal est sur le circuit depuis qu'il a 16 ans. Il a toujours eu des problèmes au pied gauche et aux genoux. C'est un point à considérer dans un avenir proche. Après tout, s'il ne participe à Wimbledon et aux Jeux olympiques de Tokyo, c'est parce qu'il écoute son corps.
Joan Solsona Magri, journaliste espagnol à «Marca»