Le gaucher bernois de 19 ans est probablement le plus grand espoir du tennis helvétique. Vainqueur du tournoi de Roland-Garros juniors en simple et en double en 2020 (un exploit inédit depuis 1998), le natif de Münsingen, qui s'entraîne à Bienne au sein du cadre national, est ambitieux, mais veut mettre un pied devant l'autre, sans brûler les étapes. Interview.
Dominic Stricker, vous attirez de plus en plus l’attention...
Oui, ces derniers temps, cela n’a pas diminué. Mais c’est aussi cool et ça fait partie du jeu. Je ne pensais toutefois pas que cela deviendrait ainsi. Ce n’est pas encore extrêmement important dans ma vie, mais il arrive que des gens m’abordent lors des matches de Young Boys, par exemple.
À partir de quand cette effervescence a-t-elle augmenté?
Je dirais qu’un moment clé a certainement été ma victoire en double à Gstaad en 2021. Cela a fait le tour du monde. Ensuite, ça a certainement pris de l’ampleur dans le canton de Berne. Ma présence dans «Sportpanorama» (ndlr: une émission phare de la SRF) a également donné un coup de pouce.
Remarquez-vous également une augmentation des notifications sur les réseaux sociaux?
Oui, cela ne diminue pas non plus (rires). Mais cela me fait plaisir quand les gens m’écrivent des messages de félicitations.
L’attention accrue vous permet également de gagner plus d’argent grâce aux sponsors. Remarquez-vous déjà un changement?
Non, pas vraiment. J’ai quelques partenaires qui croient en moi et me soutiennent dans ma démarche, je leur en suis très reconnaissant. Mais je suis toujours en quête. Les voyages et tout le reste ne sont pas bon marché. Actuellement, je n’ai pas encore pu gagner beaucoup d’argent. Mais pour l’instant, c’est bien comme ça et j’en suis content.
À partir de quand les rentrées d’argent liées à vos performances seront-elles meilleures?
À partir du top 100, quand on peut aussi jouer dans le tableau principal des Grands Chelems. On peut alors certainement vivre du tennis. Certes, pas encore extrêmement bien, mais on peut financer la plupart des coûts.
Au début de l’année, vous avez participé aux qualifications de l’Open d’Australie. Comment c’était?
C’était très cool. J’ai toujours trouvé que l’Open d’Australie était l’un des meilleurs tournois – déjà chez les juniors. Mais les qualifications chez les adultes sont encore différentes. Je suis content de ma performance. J’ai perdu de peu au deuxième tour, mais j’ai passé un super moment.
Que retirez-vous de votre première participation aux qualifications d’un Grand Chelem?
C’est quelque chose de différent. Avant le premier match, j’étais extrêmement nerveux et j’ai aussi senti une différence sur le plan physique. Après le deuxième match, je me suis levé avec des courbatures. Mais c’est bien de savoir comment les choses se passent et cela m’aidera pour les prochains Grands Chelems.
Vous avez ensuite disputé deux tournois aux États-Unis, plutôt réussis...
Ce furent deux semaines de rêve, même en dehors des courts. J’y suis allé directement depuis Melbourne et tout a très bien commencé. J’ai atteint la finale dès la première semaine. J’ai été déçu par la défaite. La deuxième semaine, j’ai quand même trouvé l’énergie pour jouer contre le même adversaire. Et heureusement avec une meilleure fin.
Au début de l’année, vous aviez déclaré que votre objectif était le top 150 et vous étiez encore juste en dehors du top 200. Maintenant, vous l’avez presque atteint avec cette 177e place...
C’est un sentiment fantastique. Personne ne s’attendait à ce que cela aille aussi vite. Au tennis, on ne sait jamais ce qui peut arriver.
Les Internationaux de France approchent aussi...
Oui, je vais certainement y aller et voir ce qui est possible. L’objectif est d’aller aussi loin que possible.
Avez-vous des comptes à régler après l’année dernière, lorsque vous n’avez pas été invité?
Non, pas vraiment. Je suis content d’avoir pu gagner là-bas en tant que junior et c’était une expérience extrêmement positive. Je reviendrai certainement avec plaisir. Le fait qu’ils ne m’aient pas donné de wildcard l’année dernière est compréhensible. Bien sûr, je l’espérais, mais ils ont aussi de très bons juniors en France.
Que faut-il pour que vous entriez dans le top 100?
C’est difficile à dire. Il faut que tout s’aligne. Il faut certainement avoir quelques bonnes semaines dans l’année et bien jouer.
Où pouvez-vous encore faire des pas en avant?
Il y a quelques points que je peux améliorer. C’est bien de savoir que je peux encore m’améliorer physiquement – surtout en vue des matches au meilleur des cinq sets, qui vont arriver un jour.
Lors des Finales ATP, les juniors sont invités à s’entraîner avec les pros. Avez-vous déjà été là-bas?
Oui, en 2020, j’ai pu échanger des balles avec tous les joueurs: Medvedev, Berrettini, Rublev, Thiem... C’était une expérience qui m’a certainement aidé. J’ai vu directement à quel point les meilleurs joueurs du monde travaillent dur et tout ce qu’ils font. J’ai ainsi vu tout ce que je pouvais encore améliorer et je l’ai mis en pratique. Cela s’est traduit par des résultats, et c’est pour cela tout s’est soudainement accéléré chez moi.
Dans ce cas, c’était pour vous un grand succès...
Oui, totalement. Ils m’ont contacté assez rapidement après ma victoire à Paris en juniors et j’ai d’abord longtemps réfléchi pour savoir si je voulais le faire ou pas. C’était la fin de l’année et j’aurais pu jouer encore un ou deux tournois. Mais je n’aurais plus jamais pu vivre une telle expérience.
Roland-Garros junior a-t-il été votre grand tremplin jusqu’à présent?
Tout à fait. Je ne l’ai vraiment réalisé qu’après coup. Avant le match en finale, je n’avais pas du tout conscience de l’importance de cette rencontre pour ma carrière. Il m’a ouvert de nombreuses portes, qu’il s’agisse de wildcards ou de confiance en mes moyens.
(Adaptation par Matthias Davet)