Marco Odermatt valait bien un livre! À seulement 27 ans, le Nidwaldien donne l’impression qu’il fait vibrer les Suissesses et les Suisses depuis toujours. Certes, il y a eu Vreni Schneider, Pirmin Zurbriggen, Didier Cuche ou encore Lara Gut-Behrami, mais Marco Odermatt semble s’être installé à un niveau supérieur dans le cœur des Helvètes.
Sobrement titré «Marco Odermatt», l’ouvrage du journaliste Laurent Morel, publié ce mois-ci aux éditions Château et Attinger, célèbre le champion en textes et surtout en images. À en juger par le succès des ventes jusqu’à présent, surtout en Suisse alémanique, le fondateur du site SkiActu a visé juste. Osons alors la comparaison, Marco Odermatt est-il notre nouveau Roger Federer national?
Un humain tellement fort
«Je ne sais pas», sourit prudemment l’auteur du livre. «Je pense que le phénomène Roger Federer a tellement dépassé l’entendement, partout, et à l’international, que les gens en Suisse s’identifient beaucoup à Marco Odermatt. Ils se rendent compte qu’on peut être humain et malgré tout extrêmement fort. Il enchaîne les performances tout en vivant une vie plus ou moins normale, en s’autorisant aussi à faire la fête par exemple, bref, il est comme nous. Après, je pense que Roger restera toujours une référence ultime», nuance-t-il, diplomate.
Mais le spécialiste précise aussi à quel point le Nidwaldien travaille très dur. Il a eu maintes fois l’occasion de s’en rendre compte, lui qui a côtoyé le skieur un peu partout sur le cirque blanc. «C’est assez désarçonnant, car il ne fait rien d’extraordinaire avant les courses. Il est extrêmement focus, il sait ce qu’il a à faire et où il va. Avec le temps, il a appris à s’entourer des personnes dont il avait vraiment besoin pour travailler. C’est le cas avec Justin Murisier par exemple, lorsqu’il fait ses reconnaissances. À l’inverse, il s’autorise à fêter et à relâcher la pression, mais toujours dans des moments qu’il choisit avec précision.»
Un champion travailleur, aussi remuant sur les pistes que posé en dehors. Même lorsqu’il s’est décidé à se passer de son père comme coach pour progresser, la transition s’est faite sans vague, en bonne intelligence, à l’image de chaque instant passé avec le champion, remarque Laurent Morel: «Il y a eu un moment où son père lui-même a reconnu ses limites pour l’entraîner. Marco les a senties aussi. Il est allé s’entraîner avec quelqu’un d’autre et c’est en partie pour cela qu’il continue de rester au top en équipe de Suisse. Il a vraiment besoin de cette camaraderie pour s’entraider, mais aussi pour pouvoir se comparer avec les autres.»
À titre personnel, Laurent Morel ne compte plus les fois où le Nidwaldien l’a fait vibrer: «Pour être honnête, je n’ai pas un souvenir précis. Mais en suivant les courses avec SkiActu, on a petit à petit senti l’ampleur du phénomène. J’ai toutefois de beaux souvenirs de ses premières courses, que ce soit à Sölden ou à Val d’Isère, quand il n’était qu’un gamin, dans le bon sens du terme.»
«Il n'a jamais été surdoué»
Par-dessus tout, c’est l’attitude du champion qui impressionne Laurent Morel et qui lui a donné envie de réaliser ce livre avec son éditeur: «Il est décontracté d’abord. De plus, bien qu’il soit quasiment né sur les skis, il n’a jamais été surdoué. Il a su gravir les marches petit à petit, rebondir et performer à nouveau. C’est assez incroyable quand on y pense. Quand il a eu des difficultés aux Jeux olympiques, aux Championnats du monde, avec encore ce Globe qu’il n’a pas pu décrocher juste après, il a été très fort dans la tête pour revenir au sommet!» Si simple et si extraordinaire à la fois, la destinée de Marco Odermatt fascinera certainement le lecteur.
Plus largement, le journaliste souhaite aussi montrer la beauté du ski alpin à travers son ouvrage: «J’aime raconter des histoires et si les gens peuvent juste ressentir ce plaisir de suivre ce sport à travers mon bouquin, c’est génial», assure Laurent Morel. Mais ce dernier sait aussi que, derrière les apparences et les exploits de Marco Odermatt, la discipline peine parfois à séduire. «Avec mon média SkiActu, on est de toute façon à fond dans le ski. On ne cesse de prendre de l’ampleur parce qu’on comble un vide dans l’univers médiatique suisse. On le sent. On est presque toujours les seuls en tant que journaliste sur place. On l’a encore vu la semaine dernière à Levi.»
Une pub bienvenue pour le ski
Une absence qui tranche avec l’engouement populaire observé les jours de course. Ne serait-ce pas l’apparente simplicité de ce sport qui joue parfois en sa défaveur? Un athlète qui descend une piste, seul, avec pour seul but d’être le plus rapide et de battre pour un centième son poursuivant? La question prête à sourire, mais à l’heure des documentaires Netflix au plus près des battements du cœur des champions, comme en Formule 1 par exemple, la question peut se poser.
«Je ne pense pas que le ski fera sa révolution, mais il y aura une évolution, c’est clair», répond Laurent Morel. «Il y a des efforts qui ont été faits, mais tout cela est amené à se moderniser et à être beaucoup mieux vendu, c’est une évidence. Après, ça reste des types qui s’élancent sur des pistes complètement folles. Je défie quiconque de descendre des pistes gelées, même en slalom, comme le week-end dernier à Gurgl. Je pense que cette simplicité, aller vite d’un point A à un point B, est aussi ce qui attire les gens.»
La passion pour le ski reprend toujours le dessus avec Laurent Morel et il invite ses confrères à se prendre au jeu: «Je pense que la presse ne se mouille pas assez, suivre le ski demande de la motivation et des moyens plus développés que pour un match de football. Mais il y a aussi de très belles histoires à raconter.» Son livre sur Marco Odermatt est là pour le prouver. Sûr qu’il y aura encore quelques belles pages à écrire dès cet hiver!