Surprise pour les téléspectateurs, ce jeudi aux Mondiaux de Méribel/Courchevel, en Savoie. Lors du géant dames, ce ne sont pas (que) les habituels temps intermédiaires qui sont apparus sur les écrans de Suisse romande et d’ailleurs, mais un tracé de la course avec un temps en direct.
Chaque athlète, qu’il s’agisse de ski féminin ou masculin, est équipé d’un capteur, qui enregistre tous ses changements inertiels. Un algorithme reproduit ensuite le déclenchement des virages, ce qui permet de positionner exactement le skieur sur le parcours. Le dispositif est complété par un module radio installé avant la course.
Vous avez de la peine à suivre? Pensez aux commentateurs: ils n’ont été informés que mercredi soir! Alors que son collègue Romain Roseng était encore en train de faire vivre à la Suisse romande l’échec de Lara Gut-Behrami (4e et donc «chocolat»), la voix du ski masculin, John Nicolet, expliquait à Blick ce bouleversement technologique.
Vous ne saviez vraiment rien jusqu’ici?
Non, nous n’avons été briefés que mercredi. Mais c’est tout à fait logique: ils devaient faire des tests jusqu’à la dernière minute pour être sûrs que tout fonctionne. Je comprends cette manière de faire.
C'est un petit pas pour le téléspectateur, mais une révolution pour le commentateur sportif?
On va devoir changer notre manière de travailler, c’est certain. Jusqu’ici, nous regardions — lorsque je suis accompagné d’un consultant — l’athlète descendre, en essayant de voir où il commettait des erreurs. Et puis cette impression était validée ou non par les temps intermédiaires.
Mais cela vous sauve aussi: il vous arrivait parfois de vous tromper.
Ce n’était pas toujours faux! Je peux vous citer une course vraiment marquante de cette saison: à Adelboden, en géant, Marco Odermatt avait une mauvaise ligne en 2e manche. Il a même commis plusieurs fautes. Et pourtant, il a réussi à emmagasiner de la vitesse, n’a jamais ralenti et a gagné.
Et désormais, vous allez faire comment? Tout simplement ignorer le temps?
Je pourrai vous répondre vendredi après le géant messieurs! Il faudra voir, s’adapter à l’expérience. Disons que cela plombe davantage notre consultant. Patrice Morisod est fantastique: il parvient à quantifier l’impact de chaque erreur sur le parcours. Même parmi la concurrence internationale, personne n’est capable de faire ça.
Donc à vous entendre, c’est un développement négatif?
Pas du tout! Pour le journaliste, c’est un atout. Surtout quand je suis seul en cabine. Et c’est surtout bien pour le téléspectateur. Je suis totalement pour — le ski a besoin de ces choses-là: nous devons absolument nous inspirer des sports mécaniques. Même si c’est plus difficile.
Pourquoi?
Pour des raisons pratiques, tout simplement. Mettre des capteurs sur des skieurs, c’est très compliqué. Ce n’est pas possible sur le casque pour des raisons de sécurité, et sur les skis cela vibrerait trop. Il ne reste donc que les chaussures.
Trop de données risquent de tuer les données, non?
C’est une bonne remarque. Il faut trouver le bon équilibre. Par exemple, lorsque le dossard 35 est en piste en première manche, est-ce que cela fait encore sens de mesurer l’écart vis-à-vis du leader? Il faudrait plutôt faire apparaître le temps nécessaire pour se qualifier en seconde manche, ou d’autres données pertinentes. Tout cela peut améliorer le produit ski.
Au risque de tuer le suspense? Le géant féminin s’est joué pour un mouchoir de poche, mais on savait jusqu’au bout qu’il y avait un petit écart, aussi infime soit-il.
Peut-être. Mais si l’on regarde le Lauberhorn où sur une course de plus de deux minutes, l’écart est souvent rédhibitoire après un seul intermédiaire, on ne peut pas dire que le suspense soit la principale composante du ski. C’est à nous, les commentateurs, de nous adapter et de savoir mettre de l’émotion. C’est toujours bien de gagner en précision au niveau du temps.