Les scènes de liesse entre les Norvégiens Lucas Braathen et Atle Li McGrath ont fait sourire après le slalom d'Adelboden. Les amis d'enfance ont partagé les joies des deux premières places dans l'Oberland bernois.
Mais il y a 40 ans, deux jeunes amis suisses se sont également battus lors d'un duel épique sur la Streif de Kitzbühel. Au début des années 1980, Bruno Kernen et Gustav Oehrli étaient pareils aux Norvégiens: des skieurs fougueux. Bruno Kernen avait grandi à Schönried (BE), à environ quinze minutes en voiture de la ferme des Oehrli à Lauenen, près de Gstaad. «Gusti et moi étions encore adolescents lorsque nous nous sommes promis une amitié pour la vie. Et nous nous y sommes tenus jusqu'à aujourd'hui», souligne Bruno Kernen, aujourd'hui âgé de 61 ans.
Une histoire racontée par Gustav Oehrli laisse deviner à quel point les deux Bernois se sont amusés à l'époque de leur apogée sportive: «C'était un lundi de Pâques, Bruno et moi étions sortis avec nos partenaires de l'époque. Le soir, je suis rentré avec sa copine et Bruno avec la mienne.»
Chute à la sortie du Steilhang
Mais l'histoire que ce duo a livrée le 21 janvier 1983 lors de la descente de Kitzbühel est difficilement égalable en termes de drame, de comique et d'émotion. Gustav Oehrli a pris le départ avec le dossard 21. À la sortie du Steilhang, il a percuté de plein fouet le poteau d'une barrière de sécurité. «Je me suis enroulé autour de ce poteau, se souvient le principal intéressé. Après quoi je suis resté sur le dos et j'ai vu des étoiles!»
Après que Gustav Oehrli s'est relevé, lourdement éméché, la course a pu reprendre, alors même que l'accidenté n'avait même pas quitté la piste. Une telle chose serait impensable aujourd'hui.
Lorsque son pote Bruno Kernen – avec le dossard numéro 29 – s'est élancé sur la fameuse Streif, Gustav Oehrli était encore au bord de la piste, à l'endroit de sa chute. Il n'avait pas encore toute sa tête et voulait avertir son ami du danger. «J'avais peur que Bruno fasse une chute aussi grave que la mienne. J'ai donc essayé de lui faire signe de faire attention. J'étais confus parce que j'avais perdu brièvement connaissance lors de l'accident.»
Cauchemars en pleine nuit
Bruno Kernen, en pleine course, a vu son coéquipier lui faire des signes frénétiques au bord de la piste. «J'aurais bien aimé lui faire signe en retour. Mais j'ai quand même décidé de faire ma course à fond!» Bien lui en a pris puisque Bruno Kernen a foncé vers la victoire lors de cette course. C'est encore aujourd'hui l'une des plus grandes sensations de l'histoire du Hahnenkamm. Bruno Kernen, 21 ans, a triomphé devant le célèbre Steve «Crazy Canuck» Podborski et reste à ce jour le seul skieur à avoir décroché la victoire sur la Streif lors de ses débuts.
L'ambiance n'était pourtant pas à la fête ce soir-là dans l'appartement des deux amis. «J'avais de graves contusions au dos, rappelle Gustav Oehrli. Rester allongé dans mon lit me faisait vraiment mal.» Aujourd'hui encore, Bruno Kernen se souvient très bien à quel point les nuits avec son pote étaient inconfortables durant cette période. «Nous sommes partis de Kitzbühel pour nous rendre à Sarajevo, afin de tester la piste avant les Jeux olympiques. En chemin, nous avons passé la nuit dans un hôtel de Ljublijana. Au milieu de la nuit, Gusti a hurlé tellement fort que je suis resté debout dans mon lit, terrifié. Il avait manifestement fait un cauchemar.» Une anecdote que Gustav Oehrli confirme: «J'ai rêvé que je frappais encore une fois de plein fouet cette barrière de sécurité à la sortie du Steihlang…»
La vie d'après
Dans les années qui ont suivi, les rôles du duo Kernen-Oehrli se sont inversés. D'un coup, Bruno ne réussissait plus à skier rapidement en raison de problèmes de santé et de matériel, tandis que «Gusti» a pu fêter son premier podium en Coupe du monde lors de la descente de Morzine (F) en 1986.
Et lorsque Bruno Kernen s'est retrouvé hors des points lors de sa dernière course au Lauberhorn en 1989, Gustav Oehrli a manqué de peu une nouvelle place sur le podium en terminant quatrième. Aujourd'hui, tous deux sont des pères de famille heureux et des entrepreneurs à succès. Dans son village natal, Bruno Kernen a transformé l'ancien hôtel familial en un restaurant. Gustav Oehrli, qui fêtera son 61e anniversaire le 2 mai prochain, tient, lui, un magasin de sport dans la zone piétonne de Gstaad et travaille également comme guide de montagne.