Kitzbühel, le 22 janvier 2009. Ce jeudi, un entraînement de descente est au programme sur la fameuse Streif. Les conditions sont optimales, la piste est dure comme du bois, aucun nuage n'est visible dans le ciel. Mais au-dessus du Hahnenkamm, il y a aussi une odeur de peur dans l'air.
Cette année, la piste est particulièrement rapide, on s'attend donc à des vols particulièrement longs au moment du saut final. Helmuth Obermoser, médecin en chef à Kitzbühel depuis de nombreuses années, attribue les positions à ses cinq médecins de piste. Le jeune chirurgien d'Innsbruck Hermann Nehoda est positionné dans la zone du saut d'arrivée. «Cette année-là, c'était la première fois que je participais à une descente au Hahnenkamm et je n'avais donc aucune idée de ce qui m'attendait vraiment. Mais j'ai senti assez clairement que certaines personnes étaient préoccupées par le saut final», se souvient Hermann Nehoda.
«J'ai vite compris que c'était critique !»
En effet, il ne faut pas longtemps pour que cette course d'entraînement se transforme en tragédie. Avec le dossard numéro No 5, le champion du monde de combiné Daniel Albrecht négocie parfaitement la sortie de la traverse près de la Hausberg. À tel point qu'il fonce à environ 140 km/h vers le saut d'arrivée. Mais le Valaisan se retrouve vite propulsé en position arrière après le saut. Après un long vol plané, le skieur termine sa course par un choc sur la tête d'une rare violence.
Hermann Nehoda se précipite immédiatement vers Daniel Albrecht et lui prodigue les premiers soins. «J'ai sécurisé les voies respiratoires et j'ai essayé de communiquer avec le patient. Mais il ne donnait absolument aucun signal. J'ai vite compris que Daniel Albrecht se trouvait dans un état critique. C'est la chose la plus grave que j'ai vécue en tant qu'urgentiste sur les pistes». Le skieur, alors âgé de 25 ans, est héliporté vers l'hôpital universitaire d'Innsbruck, où il est plongé dans un coma artificiel en raison d'un grave traumatisme crânien.
Des retrouvailles spéciales
Il faudra attendre 21 jours pour que le Valaisan sorte de son coma. Un an et demi après ce terrible événement, les retrouvailles entre Daniel Albrecht et Hermann Nehoda ont lieu au Hahnenkamm. «Ce jour de septembre, Albrecht est retourné pour la première fois à Kitzbühel et il s'est promené sur la Streif. J'ai ensuite pu le rencontrer dans la zone d'arrivée. C'était un moment particulièrement agréable pour moi, car c'était tout sauf évident que Daniel se porterait aussi bien après ce terrible accident», raconte le médecin autrichien.
Des années plus tard, l'ancien skieur n'a rien perdu de son humour noir. «Peut-être que cette chute m'aidera à bien éduquer ma fille. Si je constate un jour qu'elle fonce trop sauvagement et trop vite sur les pistes de ski, je lui montrerai la vidéo de mon envol ...»
Six ans après la fin de carrière de Daniel Albrecht, Hermann Nehoda a fini par quitter de son poste de médecin au Hahnenkamm. «Après l'accident de Daniel, j'ai été confronté à d'autres violentes blessures à la tête sur la Streif. J'étais également positionné sur la Hausberg lorsque Marc Gisin a subi un sérieux traumatisme crânien. Il y a des médecins qui sont totalement endurcis dans ce genre de situation. Mais moi, j'ai toujours extrêmement souffert avec ces athlètes. C'est pourquoi je n'interviens plus à Kitzbühel».
La dernière fois que Daniel Albrecht a participé à la descente la plus dangereuse du monde, c'était en 2019. En regardant le saut d'arrivée, il déclarait avec un clin d'œil : «Sans cette arête, je serais probablement multimillionnaire à l'heure actuelle». Mais aujourd'hui, le Valaisan ne peine aucunement à manger à sa faim – ses affaires dans la vente des vêtements de ski sur mesure marchent bien. Il compte également ouvrir une école dans un avenir proche.