Dopage, arrêt respiratoire et JO
L'incroyable vie d'Alexandre Dällenbach, pentathlète suisse

Âgé de 33 ans, le Suisse Alexandre Dällenbach va prendre part à ses tout premiers JO, en pentathlon moderne. Celui qui est également de La Réunion a un parcours fou. Le Valaisan s'est confié à Blick avant son départ pour Paris.
Publié: 07.08.2024 à 12:00 heures
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Dernière mise à jour: 07.08.2024 à 12:06 heures
Alexandre Dällenbach va participer à ses premiers Jeux olympiques.
Photo: imago/Newspix
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Matthias DavetJournaliste Blick

Avis aux producteurs de Netflix: la vie d'Alexandre Dällenbach mérite bien un documentaire. Déjà, les paysages vaudraient le détour, entre le Valais, le Tessin, l'île de La Réunion et l'Italie. Mais pas seulement… Cerise sur le gâteau: il y a une fin heureuse.

Mais n'allons pas trop vite en besogne. C'est dans la Berne fédérale que Blick retrouve Alexandre Dällenbach, dans un petit café accompagné de sa femme. Le couple s'excuse à de nombreuses reprises de venir à deux mais il faut bien les comprendre, ils passent déjà si peu de temps ensemble. D'ailleurs, Mélanie repart tout bientôt pour La Réunion, histoire de déposer leurs quatre enfants et de récupérer Chantal, la mère d'Alexandre, direction Paris et les JO.

Le pentathlon moderne, qu’est-ce?

Comme son nom l’indique, le pentathlon moderne est un sport composé de cinq disciplines: l’escrime, la natation, l’équitation, le tir au pistolet (laser) et la course à pied. Les deux dernières disciplines sont combinées, un peu sur le modèle du biathlon.

Pour atteindre ces Jeux olympiques, Alexandre Dällenbach a décroché un sésame lors des Jeux Européens de Cracovie en 2023. À Paris, la compétition sera très relevée. Ils seront 36 pour trois places sur le podium. 44e du classement mondial, le Valaisan ne partira pas avec les faveurs de la cote. Mais au pentathlon moderne, tout est possible.

Comme son nom l’indique, le pentathlon moderne est un sport composé de cinq disciplines: l’escrime, la natation, l’équitation, le tir au pistolet (laser) et la course à pied. Les deux dernières disciplines sont combinées, un peu sur le modèle du biathlon.

Pour atteindre ces Jeux olympiques, Alexandre Dällenbach a décroché un sésame lors des Jeux Européens de Cracovie en 2023. À Paris, la compétition sera très relevée. Ils seront 36 pour trois places sur le podium. 44e du classement mondial, le Valaisan ne partira pas avec les faveurs de la cote. Mais au pentathlon moderne, tout est possible.

Chantal Dällenbach-Fontaine, c'est d'elle que part l'histoire du pentathlète. Fin 1992, alors qu'Alexandre n'a que 1 an, elle se fait renverser par une moto et une barre en fer lui traverse le crâne. Elle reste trois mois dans le coma et, quand elle en sort, elle est dans un état végétatif et considérée comme handicapée à 100%. «Je me souviens qu'il y avait des moments où elle ne me reconnaissait pas. Pour un enfant, c'est vraiment dur», confie son fils.

Mais dans la course à pied, Chantal Dällenbach-Fontaine trouve une thérapie. Rapidement, elle a enchaîné les bons résultats, qui lui ont permis de participer aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996. De 2002 à 2008, elle détient aussi le record de France du marathon. «J'aime bien dire que toute mon existence, j'ai essayé d'arriver à la cheville de ma mère, précise Alexandre. Quand la vie devient dure, je me dis qu'il n'y a pas d'excuse pour mettre un pied devant l'autre.» Grâce à cet héritage, le Franco-Suisse – mais qui va porter la croix blanche à Paris – dit «vouloir être une meilleure version de moi-même chaque jour». Et de l'expérience olympique de sa mère, il se souvient «surtout des mascottes qu'elle m'a ramenées et avec lesquelles j'ai joué pendant des années (rires)».

«La période la plus difficile de ma vie»

Tomber dans le sport sonne presque comme une évidence pour le jeune Alexandre. «Pourtant, j'adorais l'école et étudier – surtout les mathématiques, précise-t-il. Mais depuis que j'ai 7 ans, je dis aussi que je veux participer aux Jeux olympiques.» Première tentative, Pékin 2008. «Mais j'en étais à des années-lumière, c'était plutôt un fantasme dans ma tête», poursuit-il.

Quatre ans plus tard, il se retrouve un peu plus proche d'une qualification olympique. Mais un scandale vient entacher la carrière d'Alexandre Dällenbach: il est pincé pour dopage à la testostérone et est suspendu deux ans. «C'est un chapitre noir de ma vie que j'ai tourné, lâche-t-il plein de sincérité. Ça a été la période la plus difficile de ma vie et je suis content d'avoir traversé cet enfer.» Celui qui dit s'être retrouvé dans un environnement familial «particulier» s'est repenti: «C'était terrible pour moi car je militais pour la condamnation à vie des personnes qui se faisaient suspendre. Aujourd'hui, j'ai purgé ma peine et ma motivation est saine. Je le fais car j'aime le sport.» Affaire close.

De trois à cinq sports

Juste après sa suspension, il reprend sa carrière de triathlète. «Puis, en décembre 2014, je retourne à La Réunion parce que mon fils Alix est sur le point de naître, détaille Alexandre Dällenbach. À cette époque, je m'entraîne trois fois par jour. Et quand je prends mon fils dans mes bras, je me dis que j'arrête ma carrière ou que je me réinvente dans un autre sport.» C'est cette deuxième option qu'il prend. Mais au lieu des trois sports, il choisit la discipline où il y en a cinq. «J'avais accompagné ma sœur lors d'une semaine découverte et j'avais trouvé ça fou.»

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Alexandre Dällenbach le concède, il est arrivé dans ce nouveau sport avec «l'arrogance du triathlète». «Mais je n'étais pas aussi fort que je le croyais, avoue-t-il. Mais c'est la meilleure chose qui me soit arrivée. Ça m'a permis d'être un meilleur homme, un meilleur mari et un meilleur papa.» À l'entendre, on sent qu'il y a un avant et un après pour lui. «Mon passage à la maturité a été forcé par les événements de 2012, expose-t-il. Enfant, j'avais une vie sociale quasi inexistante car on bougeait beaucoup. J'ai dû me construire pour devenir une personne plus tolérable pour les autres.» Et en discutant longuement avec Alexandre Dällenbach, on se rend bien compte que son pari est réussi.

Caisse, barman et karaoké

En ayant commencé aussi tard son nouveau sport, le Suisse ne parvient logiquement pas à se qualifier pour les Jeux de Rio. Désormais, objectif Tokyo pour lui. Sauf qu'un nouveau coup de tonnerre met un frein à son rêve: il fait un arrêt respiratoire alors qu'il est dans en compétition en Bulgarie. «Je me suis retrouvé dans l'ambulance, sans ma femme et mes enfants, et je pensais que j'allais mourir là, se souvient-il. Je me suis dit que c'était con, que je n'étais pas prêt à mourir pour aller aux Jeux olympiques.»

Là, il prend une décision forte. «Tout mon projet jusqu'à présent était grâce à ma femme Mélanie, complimente Alexandre Dällenbach. J'ai toujours espéré pouvoir un jour l'accompagner dans son rêve.» Ni une ni deux, le couple ouvre un restaurant à La Réunion. «J'ai arrêté ma carrière et je faisais la caisse, le barman et j'organisais les soirées karaoké», explique celui qui, selon les dires, aurait un bon talent dans cette sixième discipline pour lui.

Le coup de foudre avec l'Italie

Il met sa carrière entre parenthèses quelque temps. En janvier 2023, le Valaisan est contacté par l'équipe italienne de pentathlon moderne pour venir s'entraîner au Portugal. «C'est le coup de foudre, se souvient-il. Je me retrouve comme un gamin qui redécouvre son sport.» Sauf qu'il a toujours son lourd secret lié au dopage sur ses épaules: «Je fermais mon cœur car dès que je mentionnais cela à des gens, on ne m'adressait plus la parole.» Il se confie finalement à un ami de l'équipe un soir et fond en larmes en pensant que ça va mal se passer. «Là, il me dit: 'Alexandre, viens t'entraîner avec nous à Rome'. C'est la première fois qu'on m'a accepté avec mon bagage.»

Photo: DR

La famille Dällenbach – Mélanie acceptant cette nouvelle aventure – fait donc ses valises, direction la dolce vita. Elle s'y installe en mars 2023. Trois mois plus tard, Alexandre décroche un ticket pour les Jeux de Paris. «J'ai eu l'impression à ce moment de lâcher ce rocher de 200 kg que j'avais sur mes épaules, image-t-il. J'ai accepté d'être moi-même, avec mon passé, mais également avec mon présent et mon futur. Cette histoire de 2012 est une bénédiction, car elle m'a permis de faire le tri avec beaucoup de personnes.»

Dès ce jeudi, Alexandre Dällenbach sera donc aligné pour ses premiers Jeux olympiques. Qui plus est dans la nation de sa mère. «Pour moi, c'est à la maison, lâche-t-il. Même si je suis autant fier d'être suisse… et réunionnais (sourire).» S'il monte sur la plus haute marche du podium, c'est toutefois le cantique suisse qui retentirait dans le ciel de Paris. Et on espère qu'avec ses talents au karaoké, Alexandre Dällenbach pourra le chanter haut et fort.

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