«Si nous proposons 150’000 francs bruts à des joueurs slovaques ou danois, ils viendront à pied.» C’est une déclaration devenue presque légendaire du président du CP Berne Marc Lüthi, en 2018. À l’époque, il était encore CEO du club et réclamait avec véhémence plus d’étrangers, afin de faire pression sur les salaires des joueurs de troisième et quatrième ligne. Et, en fin de compte, de réduire les coûts et d’alléger le budget du club.
À compter de la saison 2022-2023, les équipes auront droit d’aligner six étrangers sur la glace. Cette décision prise en juin 2021 a été prise dans le cadre de l’augmentation de la National League à 14 équipes. Mais pour occuper les 32 nouveaux postes d’étrangers créés cette saison, on n’a pas encore vu de Danois ou de Slovaques se diriger à pied vers la Suisse. Les clubs qui ont déjà engagé leur cinquième et sixième étranger se sont presque exclusivement servis dans des ligues et auprès de joueurs qui sont venus en avion et qui n’auraient pas embarqué pour 150’000 francs bruts.
La situation en Russie a tout changé
Les joueurs arrivants de KHL sont particulièrement nombreux cette année. Pour l’heure, 16 joueurs (!) qui étaient encore sous contrat dans la ligue continentale russe la saison dernière ont été engagés en Suisse. En raison de la situation politique actuelle, évoluer entre Saint-Pétersbourg et Novossibirsk ne représente plus une option pour de nombreux joueurs. Par rapport à leur salaire en Russie, on peut allègrement supposer que ceux-ci ont dû subir une baisse d’au moins 150'000 francs. D’une part, leur disponibilité sur le marché a fait baisser les prix. D’autre part, la Suisse est le pays hors-NHL où ces professionnels en exil peuvent gagner le plus d’argent.
Parmi les nouvelles recrues de KHL, on trouve surtout des stars scandinaves comme Mikko Lehtonen (ZSC), Markus Granlund (Lugano) ou Joakim Nordström (Davos). Il y a effectivement un Danois (Nicklas Jensen, Rapperswil) et un Slovaque (Peter Cehlarik, Zoug). Mais eux non plus ne sont pas venus pas à pied. Et surtout pas pour 150’000 francs bruts. Selon des initiés – Blick s’est entretenu avec des agents de joueurs et d’autres experts – les salaires de joueurs de cet ordre de grandeur se situent au moins dans une fourchette de 200’000 francs, jusqu’à 300’000, voire 400’000. Et cela non pas en brut, mais en net!
Des joueurs suédois pour 250’000 francs
Outre la KHL, les clubs suisses ont également fait du shopping dans la ligue suédoise puisque dix nouveaux venus y étaient encore sous contrat la saison dernière. Selon les experts sondés, on peut obtenir un joueur de haut niveau en Suède à partir d’environ 180’000 francs nets, mais dans la plupart des cas, ils se situeront également dans une fourchette de 200’000 à 300’000. Ou même plus.
En l’état actuel des choses, on ne recourt que rarement à du personnel étranger bon marché pour les étrangers supplémentaires en National League. Ajoie avec l’engagement du Canadien T.J. Brennan (Salzbourg) ou Langnau avec l’Allemand Marc Michaelis (Toronto Marlies/AHL) semblent être de véritables bonnes affaires en comparaison avec les stars de la KHL. Mais ils gagnent certainement plus que les fameux 150’000 bruts de Marc Lüthi.
L’exemple des Lakers
Mais la tentation de recruter du personnel étranger de renom pour pouvoir s’affirmer sportivement dans la ligue est grande pour les clubs en raison de l’augmentation du nombre d’étrangers et de la situation actuelle sur le marché. Terriblement grande, même. Car il n’est pas nécessaire d’avoir un diplôme d’expert financier pour arriver à la conclusion que les équipes ne seront certainement pas moins chères, mais bien plus chères. D’autant plus que même un étranger bon marché avec un salaire net de 150'000 francs coûte en réalité au moins le double en raison de l’impôt à la source et d’autres prestations supplémentaires comme le matériel, le logement, la voiture et les vols en avion. Il faut donc toujours multiplier par deux au moins le salaire brut.
Plus sur le sujet
Prenons un exemple simple. Alors que pour de nombreux clubs, il est encore un peu difficile de savoir qui le 5e et 6e étranger doit réellement remplacer, pour Rapperswil, c’est clair. Ils ont perdu deux joueurs clés, l’attaquant Marco Lehmann (Berne) et le défenseur Igor Jelovac (Lausanne). Ensemble, ils devaient coûter au club saint-gallois environ 300’000 francs bruts. En tant que joueurs suisses, ils paient eux-mêmes leurs impôts et leur logement. Ce duo a été remplacé par les nouveaux étrangers Nicklas Jensen (attaquant, Jokerit Helsinki) et Maxim Noreau (défenseur, ZSC Lions). Ceux-ci devraient estimer au minimum une somme brute de 900’000 (salaire net commun d’environ 450’000 x 2 pour les prestations supplémentaires mentionnées). Cela signifie que leurs étrangers numéro 5 et 6 devraient entraîner des coûts supplémentaires d’environ 600’000 francs.
Et cela pour «Rappi», un club qui, ces dernières années, sous la direction très solide du CEO Markus Bütler, s’est forgé la réputation d’être une entreprise de hockey économiquement raisonnable, qui ne prend pas de risques financiers. Bütler ne veut d’ailleurs pas confirmer ce montant élevé de 600’000 francs, il fait valoir qu’il n’est pas possible de faire un calcul de cette nature. Il se défend même.
«La responsabilité commerciale incombe à chacun»
Bien sûr, nous avons voulu savoir de Marc Lüthi, le parrain présumé de la hausse des étrangers, où ils étaient passés, ces Danois et ces Slovaques qui viennent à pied pour 150'000 francs bruts. «Je n’ai pas dit cela pour six étrangers, mais à partir d’un nombre de dix étrangers et plus. A partir de là, cela devient économiquement intéressant», se défend-il. Il constate également que le marché suisse n’offre pas assez de joueurs – avec seulement quatre étrangers pour 14 équipes. Lüthi commente comme suit le fait que certains clubs ne semblent plus connaître de limites dans l’engagement de stars (il ne s’agit pas des Lakers): «Chacun a, en plus de la responsabilité sportive, une responsabilité commerciale pour lui-même». Au SC Berne, cette responsabilité est assumée.