Daniel Winnik entame sa 19e année pro
«Je n'imaginais pas jouer plus de 10 saisons à ce niveau»

Champion de Suisse avec Genève, Daniel Winnik revient sur ce titre et parle avec intelligence de la suite (et fin) de sa carrière et de l'évolution de son sport. Interview.
Publié: 14.08.2023 à 16:51 heures
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Dernière mise à jour: 14.08.2023 à 17:02 heures
Daniel Winnik compte bien mettre à profit l'expérience du titre de champion.
Photo: keystone-sda.ch
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Grégory BeaudJournaliste Blick

Lorsque Daniel Winnik a été drafté par les Coyotes de l'Arizona en 2004 (9e tour, 265e position), plusieurs de ses coéquipiers actuels n'avaient pas encore commencé leur scolarité. Giancarlo Chanton, le benjamin des cadres de l'équipe, n'était «vieux» que de 18 mois. C'est dire à quel point le Canadien a une riche expérience du haut de ses 38 ans. Homme intelligent, il est de ceux qui ne feront pas la saison de trop. «Mais j'ai encore l'impression de pouvoir progresser», précise-t-il.

Pourtant, Daniel Winnik n'a jamais compté s'arrêter après ce sacre du GSHC en avril dernier. Surtout pas. De retour aux affaires, le rugueux ailier amène dans ses bagages un vécu que quasi aucun autre joueur de National League ne peut se targuer d'apporter. C'est d'ailleurs pour cette raison précise que passer un moment avec lui pour une interview au (très) long cours est toujours un moment privilégié.

Une question toute bête pour commencer. Comment s'est passé ton été? Tu as eu le temps de te remettre de tes émotions?
Oui, il a été court, mais pas autant que lors de l'année marquée par le coronavirus. Je suis retourné à Toronto et j'ai eu l'occasion de voir ma famille et de prendre du bon temps.

La pause est-elle différente avec un titre de champion de Suisse en poche?
Non, je ne pense pas. C'est forcément quelque chose de spécial. Mais je ne pense pas que cela change ton quotidien. Je veux dire par là que ce que nous avons réalisé est incroyable et m'a marqué durablement. Mais à titre individuel, chacun doit aussi savoir que c'est désormais du passé. L'objectif doit être de vouloir retourner où nous étions en avril dernier.

Et à titre collectif, comment on gère la reprise après un titre?
Nous sommes précisément dans ce processus en ce moment. Dans le sport, on essaie toujours de s'améliorer et de progresser au cours de la saison. Lorsque tu gagnes, tu sais que tu ne peux pas faire mieux. Notre but? Faire aussi bien et ce ne sera pas aisé, car désormais, nous avons une cible dans le dos. Les autres équipes veulent notre place. Pour l'heure, je ne pense pas qu'il y ait de complaisance dans ce groupe.

Avec un peu de recul, tu arrives à analyser ce titre et pourquoi Genève a finalement fait la différence?
C'est la façon dont nous nous sommes structurés au jour le jour. Je pense que le staff a fait un excellent travail de gestion des énergies. C'est ce qui a fait la différence en fin de saison et durant les play-off. Si l'on compare la finale gagnée contre Bienne avec celle perdue face à Zoug, l'écart au niveau de la forme est marquant. Lorsque nous nous étions inclinés, je jouais beaucoup plus. Et finalement, tu les paies. En passant de 4 à 6 étrangers, cela a également permis de mieux répartir les forces. Le fait d'avoir mieux géré durant tout le championnat nous a permis de tirer un peu plus sur la corde lors des moments clés. Je pense notamment à la série face à Zoug où ils n'ont pas été en mesure de suivre notre rythme.

Photo: Pascal Muller/freshfocus

Et face à Bienne?
C'était une lutte acharnée. Notre expérience - et notamment cette finale perdue - nous a aidés à prendre le dessus. L'une des plus grandes personnalités du hockey que j'ai rencontrées, Shane Doan (ndlr 1590 matches de NHL), a toujours dit que les saisons sont faites de hauts et de bas. Le but? Rester dans les hauts le plus longtemps possible et minimiser les creux.

Lorsque l'on est dans le tunnel, que représente une saison? Est-on capable d'isoler ces moments fastes et les autres un peu moins?
La clé est de ne pas se focaliser sur le résultat, mais sur la manière. Cela paraît facile à dire, mais ça ne l'est pas. Durant ma carrière, j'ai gardé en mémoire un tableau amené par un de mes anciens coachs, Bruce Boudreau, dans le vestiaire. Tout le monde rigolait, mais il nous montrait toujours où nous en étions indépendamment de nos résultats. Parfois, nous étions très mauvais, mais nous avions un flow suffisant, ce qui nous permettait de gagner. Et il nous mettait justement en garde en montrant sur son tableau que nous étions mauvais.

L'inverse devait être vrai aussi.
Absolument. Cela fonctionnait dans les deux sens. Et petit à petit, nous pouvions jouer mieux et tout de même nous incliner. Avoir ce graphique en tête était très important pour ne pas perdre de vue le moyen et le long terme. En tant que sportif, tu dois être capable d'accepter une défaite si tu as joué un bon match. Et à l'inverse, tu dois être capable de te remettre en question malgré une victoire.

La saison dernière, avant que le championnat ne commence, j'ai demandé à ton coach, Jan Cadieux, s'il était difficile pour lui de gérer tous les egos présents dans le vestiaire. Et je ne dis pas le terme égo de manière négative. Mais quelle a été ton influence sur ce point?
C'est quelque chose qui doit se faire collectivement. Et tout le monde a fait un bon travail sur ce point en comprenant son rôle. Je vais te donner un exemple très concret. Lors des derniers play-off, j'étais sur la deuxième unité de power-play et il n'était pas rare que nous restions assis durant près de 2 minutes sur le banc. Cela n'a jamais été une thématique ni une source d'agacement. Tout le monde savait pourquoi c'était ainsi. Lors du septième et dernier match de la finale, c'est le 1er power-play qui a marqué un but importantissime lors du 2-0. Quand tu es dans une équipe de ce niveau, c'est important d'avoir conscience de la force des autres et d'accepter ce que le coach te donne.

Désormais, la tentation d'être arrogant, si j'ose le terme, doit exister, non? Comment faire pour être fier d'avoir gagné sans tomber dans ce travers?
C'est une bonne question et j'avoue me l'être également posée. Je pense que nous sommes un peu tombés dans ce piège après notre défaite en finale. L'année suivante, nous avons commencé lentement. Nous devons être conscients que nous sommes dorénavant l'équipe à battre et que tout le monde va donner le maximum face à nous. Nous n'aurons aucune soirée facile. Si nous prenons chaque jour avec cet état d'esprit, nous devrions éviter ce piège. Et si nous connaissons un creux, nous aurons toujours cette saison de référence à laquelle nous raccorcher. Nous avons vu à quel point il était difficile de gagner un titre.

On l'a d'ailleurs vu en fin de saison dernière. Genève a perdu plusieurs matches, à tel point que vous avez presque laissé filer la première place en fin de saison.
Oui et nous l'avions thématisé à l'époque dans le vestiaire. Nous avions une avance confortable et nous avons tout gâché. Nous pensions probablement que tout allait être un peu trop aisé. C'était une bonne piqûre de rappel. J'espère que nous n'aurons pas à la subir cette année.

Tu te considères comme le relais du coach sur la glace?
Je ne le dirais pas en ces termes. Mais j'ai une bonne relation avec Jan et peut-être que je parviens à faire passer certains messages.

Tu te vois devenir entraîneur après ta carrière?
Oui, c'est quelque chose que je peux tout à fait m'imaginer faire. J'aime regarder des vidéos, j'aime décortiquer les matches et essayer de voir ce qui pourrait être amélioré. J'apprécie ce travail minutieux. Donc si je dois réfléchir à la suite, je peux clairement voir un avenir pour moi.

Quand on regarde ta longue carrière, tu en es à combien d'années chez les pros? 20?
Hmm plutôt 18. Mais par là autour, oui (rires).

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Lorsque j'ai signé mon premier contrat pro, c'était impossible de m'imaginer faire 10 ans de carrière tellement c'était un sacerdoce
Daniel Winnik, 38 ans, joueur de Genève-Servette
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Désolé de te rajouter des années. Tu as vu le jeu évoluer considérablement. Quel aspect est le plus marquant?
C'est impossible à répondre à cette question autrement que: tout a changé. Absolument tout. Si je me remets à la place qui était la mienne lorsque je suis sorti de l'université et que j'ai signé mon premier contrat pro en AHL, c'était impossible de m'imaginer faire 10 ans de carrière tellement c'était un sacerdoce. Nous n'avions pratiquement pas de jours de repos. Nous nous entraînions 1h20' chaque jour. Les voyages étaient difficiles. Mon entraîneur était atroce et pour être tout a fait franc, c'était un connard. Les exercices sur la glace étaient différents, l'hygiène de vie aussi. L'utilisation de la vidéo se limitait à une cassette VHS du match qui était diffusée sur une télévision.

Il n'y avait pas de travail individuel comme aujourd'hui?
Si je demandais à voir les clips de mes présences sur la glace, on me riait au nez. Cela n'existait pas. Aujourd'hui, le travail technique est beaucoup plus pointu. La nutrition aussi. Bref, tout s'est amélioré de manière exponentielle.

Je parle souvent avec des anciens joueurs qui tiennent un discours nostalgique. Tu es un adepte du «c'était mieux avant»?
Je déteste cette mentalité. C'est un frein au progrès. Lorsque j'entends «On a toujours fait ainsi», cela m'agace profondément. En pensant ainsi, nous n'aurions probablement jamais utilisé la roue (rires). On ne peut pas s'attarder sur le passé et dire, «Eh bien, c'est comme ça que ça se passait quand j'ai commencé, alors on va faire encore comme ça». Lorsque je suis arrivé en NHL, les vétérans avaient le droit de passer sur la table de massage. Pas les jeunes. Il fallait attendre la deuxième, voire troisième saison de carrière pour en bénéficier. Aujourd'hui, c'est insensé de réfléchir comme ça.

Photo: keystone-sda.ch

Ce vécu avec certains joueurs plus âgés t'aide-t-il avec les plus jeunes?
Je l'espère en tout cas! J'essaie de les faire profiter de mon expérience. Si je vois qu'ils sont fatigués, je leur dis de lever le pied. S'ils veulent aller se faire soigner ou masser, je les y encourage. C'est important pour leur développement.

Cette manière de regarder vers l'avant et non dans le passé est-elle la raison de ta longévité?
Je pense que cela y a contribué, oui. J'ai toujours essayé d'adapter mon entraînement d'été à l'évolution du jeu. À une époque, on patinait exclusivement en ligne droite ou presque. Désormais les pas latéraux sont cruciaux pour se créer davantage d'espace. Aujourd'hui, tu ne vois que rarement des attaquants passer un défenseur en vitesse pure. C'était possible il y a quelque temps parce que les défenseurs étaient beaucoup plus lents. C'est important de toujours avoir un œil sur ce que font les meilleurs joueurs du moment pour s'en inspirer et continuer de progresser.

Même à 38 ans?
Surtout à 38 ans!


National League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
HC Davos
HC Davos
30
28
57
2
ZSC Lions
ZSC Lions
26
31
55
3
Lausanne HC
Lausanne HC
29
7
53
4
EHC Kloten
EHC Kloten
30
-2
50
5
SC Berne
SC Berne
29
16
49
6
EV Zoug
EV Zoug
28
19
46
7
SCL Tigers
SCL Tigers
28
4
41
8
EHC Bienne
EHC Bienne
28
4
40
9
HC Fribourg-Gottéron
HC Fribourg-Gottéron
29
-6
39
10
HC Ambri-Piotta
HC Ambri-Piotta
29
-16
39
11
Genève-Servette HC
Genève-Servette HC
26
1
36
12
Rapperswil-Jona Lakers
Rapperswil-Jona Lakers
30
-18
36
13
HC Lugano
HC Lugano
28
-25
33
14
HC Ajoie
HC Ajoie
28
-43
23
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