S’il fallait miser gros sur le vote prévu ce mercredi soir à Sierre, au sujet de l’octroi d’un crédit pour la construction de la Valais Arena, ce serait probablement du tout cuit. Personne ne semble imaginer que le Conseil général puisse refuser d’ouvrir son porte-monnaie pour permettre au nouvel écrin du HC Sierre et de Chris McSorley de voir le jour, en complément des investissements privés. Pourtant, la résistance est sortie de l’ombre ces dernières semaines, promettant au débat une tournure un peu moins lisse.
Si les initiants ont à cœur de démontrer que leur projet est bien ficelé, force est de constater que tout le monde ne l’entend pas de cette oreille et que des actions se mettent en place. Dans la cité du soleil, Blick a rencontré Arnaud Zufferey et Pierre-Louis Zuber, tous deux membres d’une association citoyenne qui entend proposer un contre-projet à la Valais Arena.
Du référendum dans l'air
À l’heure actuelle, les deux hommes ne se font pas d’illusion: «Lors du vote, ça va passer», assurent-ils. Leur entrée définitive dans la danse, ils pensent l’effectuer après le scrutin, par la voix d’un référendum. «Soit on obtient les 24 voix qu’il faut au Conseil général pour passer directement en référendum, soit on ira récolter les signatures dans la rue dès la fin de cette semaine», clament-ils.
Il y a près d’un mois, ils ont ainsi lancé un site Internet qui critique les différents points communiqués par les acteurs que sont Sierre-Valais Sport SA (l’actionnaire majoritaire du HC Sierre et société de Chris McSorley), la ville de Sierre et Condémines COM SA, représentée par le promoteur immobilier Urban Project. Depuis son lancement le 12 novembre, Arnaud Zufferey a enregistré plus de 5000 visites sur le site.
L’ancien conseiller municipal sierrois raconte la genèse de cette réaction: «Après que le quartier de Condémines a été approuvé en 2018, ça a été silence radio pendant cinq ans. Tout à coup, avec les plans proposés, on a été choqué de la hauteur des bâtiments.» Sur Condémines.info, les opposants indiquent que la Valais Arena se dressera à une hauteur de 23 mètres, soit un volume hors sol jamais vu sur le territoire de la Commune. Ils évoquent, à titre de comparaison, l’ancienne patinoire de Graben qui s’élève à 10 mètres ou encore le centre Manor, imposant bâtiment de 15 mètres à l’entrée ouest de la ville.
«Un délire à la canadienne»
Pour Pierre-Louis Zuber, la patinoire prévue est tout simplement trop grande: «C’est un délire à la canadienne», résume-t-il. «Sierre est une petite ville de 17’000 habitants, qui a été en déficit de nombreuses années. C’est complètement démesuré. Vous ajoutez à cela le fait que le HC Sierre attire en moyenne 2000 personnes par matches environ et que des entreprises comme Novelis ont dû fermer leurs portes deux mois à cause des inondations de cette année, je pense que l’on peut facilement comprendre un certain scepticisme face à ce projet, à sa dimension et à son coût.»
L’opposant poursuit son argumentaire: «Nous avons, à Sierre, environ 300 fans de hockey qui font beaucoup de bruit et qui ont besoin de ce temple. Mais, bien que ce soit une petite ville, Sierre fonctionne par des petits quartiers très identitaires dans lesquels les gens ont leur propre avis. Il n’y a pas véritablement de centre. Et beaucoup de citoyens peuvent aussi se montrer critiques face au projet.» Les deux hommes constatent d’ailleurs que, depuis quelques semaines, le grand public commence à s’informer davantage.
Une patinoire oui, mais plus petite
À travers leur contre-projet, les deux hommes n’entendent pas nier l’importance d’avoir des surfaces de glace à Sierre. Pour eux, une patinoire de 5400 places suffirait, même pour la National League. En analysant les plans de la Valais Arena, ils estiment en outre que la communication est mensongère. «Cette belle façade que l’on voit sur toutes images de synthèse, en réalité, si on observe bien, on se rend compte qu’il n’est pas possible d’avoir un si beau dégagement sur le parvis comme cela est représenté», assure Arnaud Zufferey, également spécialiste en transition énergétique.
Et qu’en est-il de la portée globale de ce centre sportif, qui concernera d’autres acteurs que le HC Sierre? Pierre-Louis Zuber reprend le fil de ses inquiétudes: «Vous pensez vraiment que, en ayant la main sur les prix d’entrée à la patinoire, ceux qui détiennent ce business n’augmenteront pas les prix d’entrée quand ils seront en déficit? Ce sont les enfants et les gens du coin qui en feront les frais», projette-t-il.
L’arbre qui cache la forêt
Mais l’un des problèmes principaux pour nos deux interlocuteurs est que le projet de patinoire éclipse tout le reste. Si celle-ci contient en elle-même des défauts à corriger, elle masque par ailleurs l’écoquartier de Condémines qui lui sera associé, jugé comme un «quartier alibi» par Arnaud Zufferey. «Cela n’aura rien d’écologique, ça rassemblera à n’importe quel quartier de banlieue avec des bâtiments démesurés», prévient-il.
Pierre-Louis Zuber précise que l’association de citoyens, qui compte aussi dans ses rangs l'ancien conseiller municipal Bernard Briguet, a demandé que des gabarits soient placés sur le site de la future patinoire. «On nous a répondu que, comme on était en phase d’avant-projet, il n’était pas prévu de les mettre. Mais c’est précisément maintenant qu’on voudrait se faire une idée», s’agace-t-il.
La Ville se prive de ses meilleures parcelles
Si le collectif comprend que le chantier soit attirant pour les grosses entreprises de construction valaisanne, il craint que les artisans locaux ne puissent pas en profiter. D’un point de vue commercial aussi, l’association craint une concurrence déloyale: «Avec 6600 mètres carrés de surfaces commerciales à disposition, cela sera soit vide, soit cela videra le centre-ville», explique Pierre-Louis Zuber.
Parmi les nombreux points listés sur son site Internet, l’association estime que la ville de Sierre va privatiser ses meilleures parcelles et se faire dicter la révision de son plan de zone. «Ce projet cannibalise les droits à bâtir pour les 15 prochaines années», est-il dénoncé. Un constat qui fait écho à un problème plus global: «Ce partenariat public/privé est une mauvaise idée. On se retrouve avec une liste alambiquée de liens juridiques et il est très difficile de remonter les flux», constatent les deux hommes pour qui une avancée rapide du projet est illusoire, malgré les discours encourageants: «Croire que tout cela sera terminé dans quatre ans, c’est du délire complet!», affirme sans détour Arnaud Zufferey.
«Après ce vote, ce sera très ouvert»
C’est pourquoi l’association se prépare à un long combat et n’imagine pas un premier lâché de puck de sitôt: «La phase qui se déroule maintenant au Conseil général se fait sous influence. Chris McSorley est un business man, les gens ne sont pas dupes. Mais après ce vote, ce sera très ouvert, le citoyen sera libre de se prononcer», assure Pierre-Louis Zuber. «Est-ce qu'on veut fonctionner ici comme à Crans-Montana, avec ce Monsieur Vitek qui gérait à lui tout seul les installations et le sort de la station? Je ne pense pas.» Et Arnaud Zufferey d'appuyer: «Tout ceci n’est pas très transparent. Tout ce que nous voulons, c’est conserver ce qui est d’intérêt public et revoir le superflu.»
En guise de conclusion, Arnaud Zufferey et Pierre-Louis Zuber regrettent que l’étiquette d’opposant leur colle à la peau. «Je n’aime pas trop ce mot», explique le premier nommé. «Ce qu’on propose est en réalité deux fois plus rapide et deux fois moins cher. Nous sommes plutôt là pour faire avancer les choses.»
Mardi, en se posant quelques minutes pour écrire ces lignes au Café de la gare de Sierre, Blick a aperçu un article de nos confrères du «Nouvelliste», posé sur l’une des tables. Celui-ci mettait en lumière les difficultés du voisin du HC Viège à faire le plein dans sa Lonza Arena flambant neuve. Située à trente kilomètres de là, celle-ci est pourtant plus petite (5150 places) que la future Valais Arena (6500). Douce ironie. Faut-il y voir un avertissement avant le scrutin crucial?