Yannik Paratte part à la retraite
«Au revoir et merci!»

Après 38 ans à la RTS, Yannik Paratte a commenté son dernier match samedi soir. Le Jurassien revient sur sa carrière au moment de tourner cette belle page.
Publié: 30.01.2022 à 15:01 heures
|
Dernière mise à jour: 13.02.2022 à 08:48 heures
A Berne, Yannik Paratte a commenté le dernier match de sa longue carrière.
Photo: Bao/RTS
10 - Ugo Curty - Journaliste Blick.jpeg
Ugo CurtyJournaliste Blick

Pour la dernière fois de sa vie, Yannik Paratte a commenté un match de football sur les ondes de la RTS. Le Jurassien est entré dans la culture populaire, avec ses expressions uniques et son timbre de voix caractéristique. Au moment de tourner le dos à 38 belles années au service (du) public, il revient sur cette riche carrière.

Samedi soir, au moment de rendre l'antenne, Yannik Paratte s'est contenté d'une conclusion sobre. «C'est tout ce qu'on retiendra dans cette victoire d'YB», a-t-il lâché avant de fermer son micro. Heureusement, son collègue David Lemos en plateau ne l'a pas laissé filer à l'anglaise pour mieux lui tirer les vers du nez.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Quelques heures plus tard, le futur retraité a la gorge nouée quand il décroche. Il vient de recevoir un message touchant d'un collègue. «Cet aspect humain, c’est ce qui me fait le plus chaud au coeur, ce que je retiendrai», résume-t-il avant de reprendre son souffle.

Samedi soir, vous alliez vraiment rendre l'antenne sans rien dire?
Oui. Pour moi, ce qui est important, c’est le match et les téléspectateurs. Dans 50 ans, ils seront toujours là. Plus moi. Je ne suis qu'un lien, une interface entre les deux. Il faut remettre les choses à leur juste mesure. Je ne suis pas quelqu’un qui a besoin de choses énormes pour être heureux. J'en aurai encore plein dans ma vie. Ce départ à la retraite, c'est une étape, une page qui se tourne mais d’autres vont s’écrire. J'aime la devise: servir et disparaître.

Il y a une certaine pudeur chez vous?
Peut-être oui, ou de l’humilité. En rédaction, quelqu’un a dit que j'avais le «sens du collectif». J'aime beaucoup l'image. Je jouais aussi au foot. J'aimais être au service de l’équipe, pas tirer la couverture à moi. Samedi soir, mon collègue Christophe Cerf commentait le match de Servette à Zurich à 18h. Dès qu'il a fini, il a pris la route et m’attendait à 22h avec une bouteille de champagne pour fêter ma dernière. Il s’était aussi arrangé avec YB en amont pour faire floquer un maillot à mon nom, avec le numéro 38, comme mes 38 années passées à la RTS. Tous les joueurs avaient signé, même des anciens comme Chapuisat et Castella. Ça m'a touché.

Si vous ne deviez retenir qu'un match ce serait lequel?
Je n'ai pas un match en particulier, comme dit tout à l'heure, c'est surtout cet aspect humain. Ce métier m'a permis de faire des rencontres magnifiques. Ma première Coupe du monde, c'était en 1990 en Italie. J'avais commenté Brésil - Suède à Turin. Sur la place centrale, après le match, il y avait une ambiance fantastique. Tous les maillots jaunes se mélangeaient, Brésiliens comme Suédois. C'est ça le football, il relie les gens et les peuples. Au Mondial 1994 aux États-Unis, je me souviens aussi de la marée orange à Orlando.

Vous auriez des photos de ces moments mémorables?
Non, je vis l'instant présent. Je n'aime pas ressasser le passé. J'ai eu beaucoup de chance. Je suis conscient d'être un privilégié. Je suis redevable à la RTS et au public.

Vous vous souvenez quand même de votre premier match?
Non. J’aimerais qu’on retienne de moi que j'ai été une personne et un collègue agréable. C'est d'ailleurs ce qui ressort dans les messages reçus et ça me va bien.

Vous êtes aussi entré dans la culture populaire avec vos expressions. Vous le vivez comment?

Je dois avouer que je suis assez mal à l’aise avec ça. Ça me touche, me fait plaisir. Mais, je n'aime pas ce culte de la personne. Vous savez, je vis à Saignelégier, dans un petit village, loin de toute cette effervescence médiatique. On a tous des tics de langage et je ne force pas cela. En tant que commentateur, on ne peut jamais faire l'unanimité, à cause de son timbre de voix, ses intonations ou son analyse. C'est comme ça.

Comme les «Guignols de l'info», vous êtes devenu un personnage culte.
Oui, Yann Marguet parle de moi dans ses sketchs. Il me fait beaucoup rire. J’aime son travail. Mais, encore une fois, je suis un être humain comme un autre. Je ne veux pas me placer plus haut que les autres. Il y a plein d'anonymes qui mériteraient bien plus d'attention. C'est important pour moi de garder cette curiosité, de toujours apprendre des choses peu importe l’âge. Je vais garder mon AG pour continuer à parcourir la Suisse.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Ces critiques ont parfois été difficiles à entendre?
Il faut relativiser. J’ai toujours été modéré, dans les éloges comme dans la critique. Si tu dis trois fois extraordinaire dans un match, tu dévalorises le terme. J'ai dû l'utiliser 10 fois de toute ma carrière. Pareil dans l'autre sens, je n'ai jamais dit qu'une défaite était une catastrophe. Sinon, qu'est-ce qu'on dit quand il y a un accident ou un tremblement de terre. Les mots ont des valeurs différentes. Quand le public me critiquait, j'étais aussi à l'écoute: il ne faut pas être borné. Il m'est arrivé d'échanger par mail avec des personnes mécontentes. Cela dit, il faut aussi se créer une carapace pour se protéger des attaques plus personnelles et gratuites.

Qu’est-ce qui vous attend désormais?
La retraite ne commence que mardi. Lundi, j’irai chercher mes affaires à la rédaction. Ensuite, je vais continuer à vivre, sans le travail. Je vais trouver d’autres choses à faire. Rien n'est finalisé encore. J'ai une liste de choses que j’aimerais faire. Rester actif intellectuellement, travailler mon cerveau. Le bénévolat m'attire aussi.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Vous avez des passions auxquelles vous pourrez vous consacrer?
A 30 centimètres de moi, il y a un piano que j’ai acheté récemment. Je n'ai jamais eu vraiment le temps de jouer. J'aimerais aussi entraîner des jeunes au foot. J’aime beaucoup la tactique, la psychologie des joueurs. Ma fille joue avec les M19 des Franches-Montagnes. Cela pourrait m'intéresser. Même si elle ne veut plus regarder les matches avec moi à la TV. Je n'arrête pas de râler et de pester, de critiquer les joueurs. C'est la passion je vous dis.

Depuis 1984, vous avez aussi été témoin d'un accélération technologique dans le métier. Comment avez-vous vécu avec ces progrès?
J'ai toujours été au courant de ce qui se passait au niveau technologique. J'ai parfois participé aux réflexions de changements de système à la RTS. Ça me fait penser à un match à la fin des années 1980 à Vevey quand le club était en LNA. J'ai suivi la rencontre avec un cameraman en début d’après-midi. Au coup de sifflet final, un hélicoptère s'est posé sur la pelouse. J'ai embarqué avec les cassettes. On a traversé le Léman, direction Genève. On s'est posé à la caserne des Vernets et j'ai filé à la TSR. C'était le seul moyen de monter mon reportage à temps. Aujourd'hui, il suffirait d'envoyer un e-mail.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

C'était une autre époque, aussi en termes de moyens financiers.
C'est sûr, tout a changé. Aujourd'hui, l'heure est à l'économie.

Qu'est-ce qui va le plus vous manquer?
Je ne sais pas. Je dois vivre pour répondre à cette question. Mais je pars en étant très zen, ma vie ne repose pas que ce sur le football. Je n'ai pas besoin de passer trois semaines aux Maldives pour être heureux. Une promenade dans la forêt à côté de chez moi suffit.

La vie de journaliste sportif n'est pas toujours simple avec des horaires décalés en soirée et le week-end.
Oui, c'est parfois compliqué au niveau social. Je me réjouis d'avoir plus de temps, de vivre au même rythme que mes proches. J'aime bien cuisiner. Je pourrai le faire pour des amis que j'inviterai à la maison. En fait, ce qui va me manquer, c'est le contact avec mes collègues, mes confrères et consœurs et le public. Au revoir et merci.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la