Le latéral gauche se confie
Bradley Mazikou: «Des fois, on est même trop copains!»

Qui est vraiment Bradley Mazikou? L'indiscutable titulaire au poste de latéral gauche du Servette FC vit sa deuxième saison à Genève. Blick est allé à sa rencontre cette semaine, avant le derby du Lac face à Lausanne.
Publié: 27.09.2024 à 18:00 heures
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Dernière mise à jour: 27.09.2024 à 22:43 heures
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport
Bradley Mazikou, 28 ans, s'éclate au Servette FC.
Photo: Pius Koller

Arrivé à l'été 2023 à Genève, Bradley Mazikou s'est imposé en tant que titulaire indiscutable au poste de latéral gauche. Le Franco-Congolais de 28 ans compte un match en pro avec le FC Lorient, son club formateur, et a également joué à Dunkerque et à Cholet, avant de choisir la Bulgarie pour lancer sa carrière en première division. C'est avec le CSKA Sofia qu'il a remporté son premier trophée, la Coupe nationale, puis, après une saison à l'Aris Salonique, il a choisi Genève pour continuer à progresser.

Blick l'a rencontré en pleine préparation du derby face à Lausanne (samedi à 18h) et, avant d'évoquer ce match pas comme les autres dans une saison, Bradley Mazikou a accepté de faire quelques petits détours dans l'échange.

Bradley, j'ai toujours voulu te demander quelque chose: comment as-tu fait pour t'avancer vers ce point de penalty en finale de Coupe face à Lugano?
Comment ça?

Quand je devais tirer un penalty en 3e ligue, je paniquais. Comment on fait en finale de Coupe de Suisse, quand il y a 30'000 personnes autour, et que tu sais que si tu rates, ton équipe perd?
Ah c'est ça la question (rires)! Franchement, tu sais à quoi je pensais?

Non, mais justement, j'aimerais bien savoir...
Franchement, à rien du tout!

Vraiment?
Je ne suis pas un tireur de penalty. Pas du tout. Dès que tu vois que les tireurs «officiels» marquent ou loupent et que ton tour va arriver, tu essaies de faire le vide et d'aller tirer le tien. Pas le choix! Je n'en avais jamais tiré en match officiel, mais ça m'est arrivé, comme tous les joueurs, d'en tirer à l'entraînement. Donc j'ai fait comme à l'entraînement.

C'est à dire?
J'ai choisi un un côté et j'ai tiré.

Mais sincèrement, avec 15'000 supporters qui veulent que tu rates, 15'000 qui veulent que tu marques, les sifflets, les cris, la pression de pouvoir perdre le trophée sur ton tir, tu arrives à faire le vide? Ca m'épate.
Personnellement, j'y arrive. J'ai une petite pression avant de rentrer sur le terrain, ça oui. Quand on est tous alignés pour la présentation, j'entends une sorte de brouhaha grâce aux supporters et aux fans, mais ensuite ça passe. J'essaie d'être focus sur mon jeu et sur le terrain.

Tiens, justement, en parlant de brouhaha, comment tu gères les réseaux sociaux?
Je n'en ai pas. Enfin si, Snapchat, mais c'est tout. Et c'est privé.

Ca évite de voir les critiques...
En effet, je ne les vois pas. Mais moi, de nature, je suis quelqu'un de très critique envers moi-même déjà. Je n'ai pas besoin que quelqu'un me dise que j'ai fait un mauvais match, je le sais très bien. Tu sais, en tant que footballeur, tu es constamment remis en question, tu te corriges toi-même sans cesse. Après, les critiques positives, celles qui aident à avancer, ça ne me dérange pas. Et même, j'en ai besoin. Mais ce qui vient de l'extérieur, je n'y fais pas attention.

Toi d'accord. Mais il y a des footballeurs qui peuvent être touchés, qui peuvent même partir en dépression...
Mais complètement. Je pense que c'est un problème, je suis d'accord avec toi, surtout quand tu es jeune. Après, dès que tu commences à grandir, tu te durcis un peu... Il y aura toujours des gens qui veulent te faire du mal, c'est malheureux. Sans parler de mon cas, parce que ça ne me touche pas et que je ne le vois pas, je pense que les personnes qui parlent sur les joueurs devraient faire un peu attention. Il faut pouvoir critiquer, c'est normal, mais j'aimerais que les critiques soient constructives, qu'elles aident le joueur à pouvoir avancer dans son jeu et en tant qu'homme.

Pedro Neto à la course face à Bradley Mazikou.
Photo: Getty Images

Ca doit être frustrant ce début de saison, non? La campagne européenne est finie après quatre matches...
Oui, ne serait-ce que par rapport à l'année dernière! On aurait voulu continuer sur cette voie, mais c'est sûr qu'on n'a pas eu un tirage au sort favorable. Après, on a essayé de tout donner et de nous faire plaisir sur ces quatre matches face à Braga et Chelsea et de faire plaisir à nos supporters aussi. Je pense que même si on est éliminés, et je t'assure qu'on était fâchés, on peut se dire qu'on a tout donné.

Quand tu joues contre Pedro Neto et Noni Madueke à Chelsea, et que tu fais jeu égal avec eux pendant 180 minutes, tu te dis quoi? Que l'écart n'est pas si grand? Ces gars gagnent 40 fois ton salaire, mais ils ne sont pas 40 fois plus fort que toi...
C'est intéressant de côtoyer le haut niveau, les ailiers les plus forts du monde, même si ceux de Chelsea ne sont pas dans le top 10 mondial aujourd'hui. Je comprends ta question et c'est vrai que j'ai fait un petit point personnel sur ces matches.

Tu te dis que tu y es presque? Ou que tu en es loin?
Je me dis que si je joue au niveau où je suis, c'est qu'il y a certaines raisons. En bien et en mal. Mais aussi que je suis fier de réaliser des bonnes prestations et de savoir tenir des joueurs de ce calibre sur un ou deux matches.

Sofia, Salonique, Genève... Tu aimes les belles villes, visiblement! C'est important dans tes choix de carrière?
C'est vrai que j'ai eu de la chance (rires)! Non, bien sûr que je vois le projet sportif en priorité, c'est évident. Après, si la ville va aussi, c'est mieux! Surtout que maintenant, j'ai une famille, donc c'est sûr que je prends tous les aspects en compte au moment de faire un choix par rapport à l'avenir. Mais c'est le foot, tu dois toujours trouver un équilibre.

Pourquoi as-tu pris la décision de quitter la France et de signer au CSKA Sofia?
Quand je pars en Bulgarie, je suis encore en National en France. Je devais signer à Troyes, les négociations étaient très avancées. Dans ma tête, j'étais à Troyes. Mais ça ne s'est pas fait et j'étais dégoûté du football français à ce moment. J'avais tout mis de côté pour ce club et je me suis retrouvé sans rien de concret, si ce n'était le CSKA. Donc là, tu as une décision à prendre: c'est oui ou non. J'ai dit oui. Ma motivation était claire: tenter l'aventure au lieu de passer une troisième année en National.

Tu es du genre à t'intégrer? Tu as appris un peu le bulgare, puis le grec? Ou c'est anecdotique pour toi?
Je suis resté trois ans en Bulgarie quand même, donc oui, j'avais appris quelques mots, mais en Grèce, non, c'est allé trop vite. Après, pour moi et pour répondre clairement à ta question, il y a deux façons de s'intégrer. La première, c'est le foot, mon métier. Là, je m'intègre assez vite, la vie de vestiaire me plaît. Et puis après, il y a la vie en dehors. Et là aussi, j'essaie de le faire, mais ce sont deux choses distinctes pour moi. A Sofia, je vais te dire, ça n'a pas été compliqué du tout. J'avais une petite appréhension en quittant la France, je ne vais pas te mentir, mais je me suis senti bien à Sofia. C'est sûr que c'est un mode de vie complètement différent, mais je me suis vite adapté.

Un check à la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider juste avant de soulever la Coupe de Suisse!
Photo: Pius Koller

A 28 ans, tu as encore des rêves?
Bien sûr. J'ai toujours eu des rêves, peu importe l'âge. Même quand j'aurai 32 ans, j'aurai encore des rêves! Mais bien sûr, plus l'âge avance, plus c'est compliqué d'être repéré et que les meilleurs championnats misent sur toi. Mais je pars du principe que ça dépend toujours des performances et que peu importe où tu joues, tu peux avoir une opportunité d'aller quelque part où tu ne t'attends pas forcément à aller. La priorité, c'est d'être bon. Il n'y a que comme ça que tu peux espérer aller voir au dessus.

Maintenant que vous n'avez plus que le championnat à jouer, tu penses ce groupe capable de faire mieux que la saison dernière?
Est-ce qu'on peut le faire? Oui. Est-ce qu'on veut le faire? Oui. Est-ce qu'on va le faire? C'est à nous de mettre tous les ingrédients nécessaires pour y arriver. Parce qu'on a vu que dès qu'on en fait un peu moins, on peut être mis en danger par beaucoup d'équipes. C'est à nous d'être concentrés. Et je sais qu'on peut faire de grandes choses.

Je suis de ceux qui pensent que votre effectif aurait mérité un peu de renfort, même sans Coupe d'Europe à jouer. J'aurais aimé un peu plus d'activité au mercato, mais d'autres observateurs ont une vision différente. Et toi?
Toutes les équipes dans le monde aimeraient recevoir du renfort! Le club a pris la décision de rester assez stable, et nous, on suit. Il y a un noyau qui était là l'année dernière, avec des jeunes qui se sont rajoutés, quelques nouveaux joueurs aussi. On essaie d'intégrer tout le monde du mieux possible et faire en sort d'aller chercher le meilleur résultat possible avec ce groupe-là.

Explique-moi concrètement à quel point c'est un avantage de bien se connaître. Tu as Dereck Kutesa devant toi, Yoan Séverin à côté, Timothé Cognat pas loin... Qu'est-ce qui vous rend plus fort?
Les automatismes, bien sûr.

Mais par exemple?
Quand je joue avec Dereck, je connais ses points forts: l'offensive. Je sais qu'il peut faire des différences à tout moment, donc c'est mon rôle de le couvrir, de lui laisser au maximum de la liberté d'attaquer. Il doit être tranquille, pouvoir percuter, prendre des risques, parce qu'il sait que je suis là derrière. J'essaie de lui laisser un maximum de fraîcheur. Avec Timo, c'est instinctif maintenant. Je sais que s'il bouge sur le côté, je vais aller vers l'intérieur, ou le contraire. On a cette part de liberté sur le terrain, ce n'est pas défini et strict. Quand je suis arrivé l'année dernière, j'ai dû m'intégrer à ce collectif, mais là c'est fait. Et oui, pour en revenir à ta question concernant le mercato, cette stabilité est un avantage.

Et avec Yoan Séverin?
On a joué beaucoup de matches ensemble, donc là aussi c'est plus facile. Il connaît mes défauts et mes qualités, et vice versa. Donc c'est plus facile de s'adapter par rapport à notre forme du jour et à la forme de l'adversaire. Ce sont des petits ajustements, très précieux.

Ce qui s'appelle un duel acharné...
Photo: keystone-sda.ch

J'ai eu un petit débat à Blue Sport dimanche. Le consultant avec moi trouvait Servette nerveux dernièrement. Je n'étais pas forcément d'accord. On parlait des deux cartons rouges en deux matches, je trouve qu'ils n'ont rien à voir et ne sont rien d'autre qu'une coïncidence. Tu donnes le point à qui?
Est-ce qu'on est nerveux? Peut-être sur certaines actions. Mais après, personnellement, je pense toujours qu'une des forces de ce groupe, c'est qu'on ne s'est jamais affolés dès qu'on faisait de moins bonnes choses et qu'on ne s'est pas non plus enflammés quand on en faisait des bonnes... Le regard extérieur est ce qu'il est, mais à l'intérieur, on est soudés. Bien sûr qu'il y a des rouges que l'on peut éviter et qui pénalisent l'équipe. C'est quelque chose qu'on essaie d'oublier après le match et on est toujours au soutien du joueur qui a fait une erreur, que ce soit sur un but ou sur un carton rouge.

On sent que c'est une force de ce vestiaire d'être soudé...
J'ai fait beaucoup de vestiaires dans ma carrière. Et même si je suis resté trois ans à Sofia, j'en ai expérimenté plusieurs, parce que là-bas, tous les ans, on change 10 ou 11 joueurs! Et oui, ici à Servette, c'est l'un des meilleurs que j'aie trouvé en ce qui concerne la cohésion. Même des fois, je vais te dire, on est trop copains!

Ah oui?
Oui! Des fois, on devrait aussi plus se rentrer dedans, entre guillemets. Mais c'est comme ça qu'on fonctionne ici. Et je pense qu'il n'y a aucune raison pour que ça ne marche pas cette année de la même manière.

Tu parles de la Bulgarie, mais les vestiaires en France quand tu es jeune, ça doit être quelque chose... J'imagine un monde rempli d'égoïsme, je me trompe?
C'est complètement différent, c'est sûr. Quand tu es jeune, c'est compliqué. Vraiment compliqué... Mais après, ça te forge aussi. Le fait d'être parti assez jeune à l'étranger, vers 22 ou 23 ans, ça m'a aidé à grandir aussi. C'est un métier où tu as besoin d'avoir un gros mental. Même si tu es dans un vestiaire, dans une équipe, c'est sûr qu'il y a des joueurs qui jouent moins, d'autres qui jouent plus, d'autres qui ne sont pas dans une forme idéale... C'est toujours compliqué de remonter le moral des autres. Mais ici à Servette, comme je te l'ai dit, c'est différent. Tant qu'on restera soudés, il y aura de belles choses à faire ici.

Tu m'as parlé de ta capacité à être auto-critique: quelle est ta marge de progression? Dans quel domaine dois-tu t'améliorer?
Défensivement, j'ai des petits manques de concentration parfois. Je peux mieux faire là-dessus. Et ça pourrait aider l'équipe. Et offensivement, je peux apporter plus, mais j'essaie aussi de m'adapter à mes coéquipiers, comme je te le disais. Quand tu as un Dereck Kutesa en grande forme devant toi, tu essaies de le mettre en valeur, donc tu cherches surtout à bien défendre plutôt qu'à briller offensivement.

Vous êtes plusieurs Congolais en Super League. Silvère Ganvoula à YB, Morgan Poaty au LS.. Vous vous voyez en dehors des matches?
Oui, je parle souvent avec Morgan, comme il est juste à côté géographiquement. J'ai de bonnes relations avec Silvère aussi, on se taquine souvent dès qu'on joue l'un contre l'autre. Après, on parle de tout, pas forcément de football. On va manger ensemble, on se voit.

Dimanche, vous allez vous voir de près avec Morgan Poaty...
Oui, et dans un autre contexte (rires)!

Justement, à la base, je venais t'interviewer pour le derby, mais on a dévié, donc on va quand même en parler un peu!
La première chose, c'est qu'on doit prendre des points. On reste sur un nul frustrant à Grasshopper, on joue à la maison, on veut relever la tête. Ca, c'est la première chose. Ensuite, oui, c'est un derby. C'est important pour les supporters et pour nous.

Tu as fait un Aris-Paok?
Oui, oui!

C'est autre chose encore, non?
C'est une question de vie ou de mort, presque... Mais attention, le derby de Sofia au stade national, c'est quelque chose aussi! C'est une pression toute la semaine. Après, un derby, ça reste un derby. C'est juste qu'à Sofia ou Salonique, ils ont une manière différente de le vivre (rires)!

Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Lugano
FC Lugano
18
6
31
2
FC Bâle
FC Bâle
18
21
30
3
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
18
9
30
4
FC Lucerne
FC Lucerne
18
3
29
5
Servette FC
Servette FC
18
2
29
6
FC Zurich
FC Zurich
18
-1
27
7
FC Sion
FC Sion
18
4
26
8
FC St-Gall
FC St-Gall
18
6
25
9
Young Boys
Young Boys
18
-4
23
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
18
-12
17
11
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
18
-10
15
12
FC Winterthour
FC Winterthour
18
-24
13
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