Voilà deux semaines, quelques heures avant que Young Boys sombre face au FC Barcelone (5-0), ce sont les U19 de chacun des deux clubs qui s'affrontaient à l'Estadi Johan Cruyff. Là aussi, YB s'est incliné, mais sur un score moins conséquent et malgré l'ouverture du score du milieu bernois Tristan Jost (4-2).
Un score flatteur, qui ne traduit toutefois pas la supériorité nette des Blaugrana. «Vous avez des joueurs en face qui font les bons gestes techniques, qui font les bons choix. Et automatiquement, c'est dur de leur prendre le ballon. On l'a vu souvent dans des situations où on a l'impression qu'on est tout prêt, mais où on est finalement très loin. Une bonne leçon pour nos jeunes, pour progresser et essayer de faire mieux la prochaine fois», positive tout de même Joël Magnin, entraîneur d'YB M21 et des M19 lors de cette Youth League et, depuis, revenu sur le banc de la première équipe.
«La Suisse ne doit plus perdre de temps»
Cette différence de niveau prend néanmoins tout à coup un écho bien différent lorsqu'on prend connaissance du signal d'alarme envoyé par Patrick Bruggmann à la fin du mois de septembre dans une interview publiée sur le site de l'ASF. Pour le directeur du développement du football de l'Association, la Suisse ne doit «plus perdre de temps au niveau de la formation». La raison de cette alerte? Une comparaison de la situation helvétique dans ce domaine avec ses pays concurrents, à savoir le Danemark, la Croatie, l'Autriche et la Belgique.
Selon cette enquête, la Suisse, qui compte un pourcentage de licencié par nombre d'habitants élevé (3,71%), seulement dépassé par les Pays-Bas (6,89%) parmi les pays du top 7 européen (France, Allemagne, Espagne, Angleterre, Portugal, Italie et donc Pays-Bas), possède la plus faible valeur de joueur de haut niveau formé parmi les nations «challengers» par million d'habitants (1.3).
Le nombre de joueurs de haut niveau suisses en baisse
Cette recherche démontre également que c'est dans notre football que les jeunes obtiennent le plus tard du temps de jeu régulier en professionnel. En Autriche, ceux-ci ont un an d'avance en deuxième et troisième division, alors qu'au Danemark, c'est six mois plus tôt. En Belgique, 44.6% d'entre eux finissent même par s'établir en première division contre 27.9% en Suisse.
«Si l'on divise la période d'étude de dix ans en deux périodes de cinq ans, on constate que notre tendance est fortement négative en ce qui concerne le développement des meilleurs joueurs. Alors que nous avions encore dix joueurs de haut niveau au cours de la première période de cinq ans (2013/14 à 2017/18), nous n'en avons plus que deux au cours de la deuxième période (2018 à 2022/23). Nous avons clairement perdu du terrain dans la formation des joueurs et avons été dépassés», regrette Patrick Bruggmann. Comment donc expliquer cette tendance négative dans notre pays, alors qu'elle se trouve être positive chez nos concurrents (Belgique, de 18 à 29, et l'Autriche de 9 à 17)?
«Donner la possibilité de jouer en Super et Challenge League»
La réponse se trouve principalement dans le manque de confiance des clubs envers leurs jeunes joueurs, estime Joël Magnin. «Je pense que dans tous les pays, c'est difficile de passer en première équipe. En junior élite, tu joues contre des joueurs de ton âge et ensuite, tu atteins un niveau où tu dois sortir de ta zone de confort. Il faut s'investir beaucoup plus, car la concurrence est bien plus élevée. Mentalement, il faut réussir à passer le cap. Mais c'est vrai qu'en Suisse, on devrait pouvoir donner un petit peu plus la possibilité aux jeunes d'avoir du temps de jeu. Que ce soit en Super League ou en Challenge League. C'est comme cela qu'on fait des progrès.»
Si le passage de la première division helvétique de dix à douze équipes en 2023 avait également comme ambition de pouvoir davantage donner de minutes en pros aux talents suisses, force est de constater que l'on n'en prend pour le moment pas le chemin. Et cela même si ce changement réduit le danger de relégation pour plusieurs formations. Ainsi, seul le FC Lucerne fait véritablement confiance à ses jeunes, malgré les gains financiers promis aux clubs les plus audacieux (250'000 pour le premier, 150'000 pour le deuxième et 100'000 pour le troisième). Lors de la saison 2023-2024, Mario Frick a «offert» 14'500 minutes de jeu, sur 37'620 au total, à des joueurs de moins de 21 ans. Loin devant Grasshopper, second, et ses 4500.
«Il faudra réfléchir à notre niveau de football en Suisse, parce que quand on vient ici (ndlr: à Barcelone), on voit vraiment la différence», ajoute le Neuchâtelois, champion de Suisse avec YB la saison dernière et qui estime que la solution se trouve dans les mains des clubs. «Je pense que c'est en début de saison, dans la composition des contingents, qu'il faut bien réfléchir.»
Abandon progressif de la «voie suisse»
«Nous devons agir maintenant et ne plus attendre. Nous avons aujourd'hui des joueurs de 17, 18, 19 ans avec du potentiel dans nos centres de performance et nos partenariats. Ils sont à présent à la veille de la phase de développement probablement la plus décisive de leur carrière», développe Patrick Bruggmann qui regrette la venue de plus en plus d'acteurs étrangers en Suisse, tout comme les départs toujours plus nombreux des talents helvétiques.
«Il est douloureux de constater que nous avons de plus en plus perdu la voie suisse (ndlr: jouer ses 30 premiers matches pros au pays) au cours des dernières années. De jeunes éléments étrangers sont achetés pour les équipes espoirs. Nos partenariats et nos centres de performance sont de plus en plus souvent aux mains d'investisseurs étrangers. Le temps de jeu des joueurs M21 dans la Swiss Football League diminue. L'engagement en faveur de la promotion des joueurs de notre propre région est trop peu présent. Et, enfin et surtout, on trouve de plus en plus d'entraîneurs juniors étrangers sur les terrains de football de notre promotion de la relève.»
M17 et M19 absents de leur Euro en 2024. La Nati en danger?
En 2024, tant les M17 que les M19 ont manqué leur Euro respectif, échouant au «Tour Elite». De leur côté, l'équipe M21 de Sascha Stauch, composée de plusieurs Lucernois, devra batailler mardi en Roumanie pour pouvoir disputer celui prévu en Slovaquie lors de l'été 2025. «On doit pousser un peu plus avec les jeunes», confirme Joël Magnin.
«Cela ne sera possible que si l'ASF, la ligue et les clubs font face à cette situation et définissent ensemble des solutions le plus rapidement possible», lance encore Patrick Bruggmann.
Équipe | J. | DB. | PT. | ||
---|---|---|---|---|---|
1 | FC Zurich | 14 | 7 | 26 | |
2 | FC Bâle | 14 | 20 | 25 | |
3 | FC Lugano | 14 | 6 | 25 | |
4 | Servette FC | 14 | 2 | 25 | |
5 | FC Lucerne | 14 | 4 | 22 | |
6 | FC St-Gall | 14 | 6 | 20 | |
7 | FC Lausanne-Sport | 14 | 2 | 20 | |
8 | FC Sion | 14 | 0 | 17 | |
9 | Young Boys | 14 | -5 | 16 | |
10 | Yverdon Sport FC | 14 | -10 | 15 | |
11 | FC Winterthour | 14 | -21 | 11 | |
12 | Grasshopper Club Zurich | 14 | -11 | 9 |