En août 2014, la nouvelle stratégie de Vladimir Petkovic faisait la Une de Blick, qui titrait: «Tous à la même table!» Une méthode de «team building» propre au nouveau coach, qui avait alors fraîchement pris la succession d'Ottmar Hitzfeld, mais surtout spécifique à la Suisse.
Notre pays est en effet marqué par les minorités linguistiques, comme le relevaient Alain Berset et Karin Keller-Sutter dans la grande interview «Röstigraben» à l'occasion du lancement de Blick en Suisse romande.
Au sein de l'équipe de Suisse de football, les habitudes étaient féroces: à chaque table sa langue. Vladimir Petkovic a mis fin à ce Röstigraben, qui s'était parfois transformé aussi en «Balkangraben».
Cette semaine à Bad Ragaz (SG), les «mauvaises» habitudes sont revenues. Avec un coupable: le coronavirus, qui a mis fin – jusqu'à nouvel avis – à la grande table intronisée par Vladimir Petkovic.
«A l'entraînement, on se mélange»
«A ma table, il n'y a que des Romands», rigole ainsi Kevin Mbabu, qui n'a pas connu «l'ancien régime» (il n'avait que 19 ans en 2014). Le défenseur de Wolfsburg détaille: «On trouve Dan, Andi, Edi, Zak, Becir et Ivon». En version déchiffrée: Dan Ndoye, Andi Zeqiri, Edimilson Fernandes, Denis Zakaria, Becir Omeragic et Yvon Mvogo.
Il s'agit évidemment d'une boutade de la part du Genevois, qui se débrouille très bien en allemand. Le groupe francophone va avoir un peu plus d'espace à sa table, puisque Zeqiri et Ndoye n'ont pas passé le «cut» de la liste des 26 de Vladimir Petkovic.
«A l'entraînement, on se mélange, on rigole tous ensemble. Ça vient naturellement», ajoute Kevin Mbabu à l'intention de ceux qui voudraient s'inquiéter de cette nouvelle réalité au moment de passer à table.
Le Röstigraben ne constituera donc pas une excuse aux mauvaises performances éventuelles de l'équipe nationale. Là, ce n'est pas une boutade: dans les années 70 ou 80, lorsque la Nati enchaînait les revers – notre pays a connu 28 ans de disette entre la Coupe du monde 1966 et celle de 1994 –, l'absence de cohésion linguistique était parfois citée parmi les raisons.