«Va in piscina!» Dès qu'un joueur adverse se retrouve au sol sur le synthétique du FC Paradiso, les tifosi moqueurs sortent leurs plus belles expressions, à quelques mètres de lui à peine. «Ils ne sont pas nombreux, nous avons à peine 150 à 200 spectateurs de moyenne par match, mais on les entend bien», sourit Werner Nussbaumer, lequel assume les fonctions de co-président et de médecin de l'ambitieux, mais petit, club de Promotion League.
Zurichois de naissance, mais établi au Tessin depuis 73 ans (il en compte 75 aujourd'hui), l'homme est connu de tous dans ce minuscule complexe sportif tout proche de Lugano, où l'on accède en montant un peu depuis le lac et en longeant les concessionnaires Ferrari, Maserati et Porsche, puis en bifurquant dans la zone industrielle.
Un peu de mauvaise foi, un synthétique, un public chaud
Là se trouve un terrain synthétique donc, mais aussi un autre, tout petit, où jouent seniors et juniors. Et? Rien, mis à part des vestiaires et une sympathique buvette où il faut presque entrer l'un après l'autre. Et, donc, une main courante derrière laquelle le public met une pression constante sur les adversaires, lesquels ne peuvent pas faire semblant de ne pas entendre. Les accrochages sont nombreux et les adversaires peuvent vite dégoupiller dans ce décor tout sauf dangereux, mais bouillant de passion et d'un peu de mauvaise foi.
Paradiso, équipe de haut de tableau de Promotion League, joue, c'est la réalité, dans un décor qui pourrait abriter sans aucune exagération une équipe de 4e ou même de 5e ligue. Mais sur le terrain, ses joueurs font forte impression.
«Nous avons grandi beaucoup trop vite d'un point de vue sportif. Les infrastructures n'ont pas suivi», admet sans peine Werner Nussbaumer, lequel n'a connu que des saisons à succès depuis son arrivée au FC Paradiso. «C'est vite vu, on est montés en six ans de la 2e ligue à la Promotion League! La seule année où l'on n'a pas fêté de promotion, c'était celle du Covid», souligne-t-il fièrement. Sinon? Paradiso cartonne et, pour la première fois de son histoire, dispute des matches dans toute la Suisse dans cette Promotion League... qu'il rêve de quitter au plus vite!
Paradiso veut gagner le championnat et est déjà allé gagner à Carouge
«Cette année, nous espérons faire la même chose que d'habitude: gagner le championnat», souligne ainsi Werner Nussbaumer, auquel les joueurs donnent raison depuis le début du championnat. Néo-promu, le club tessinois apparaît après un tiers du championnat comme un rival très féroce du grand favori Etoile Carouge, au point que Paradiso est même déjà allé gagner à la Fontenette cette saison. Avec huit victoires en treize matches, le néo-promu n'a rien d'un candidat au maintien, mais peut légitimement viser (beaucoup) plus haut.
«On a une équipe top, un entraîneur top», apprécie Werner Nussbaumer, qui peut compter dans son effectif sur plusieurs joueurs d'expérience et quelques talents très intéressants, comme Marc Gigier. A 19 ans, cet attaquant formé à GC compte déjà six buts cette saison en Promotion League et peut compter sur des joueurs d'expérience comme le gardien Miodrag Mitrovic, les défenseurs Samuel Delli Carri et Simone Belometti ou le milieu de terrain Luka Stevic pour l'encadrer. Quelques noms bien connus des suiveurs du football romand font aussi partie de l'effectif, tels que Noah Kamé ou Tokam Perrault.
Nikola Milosavljevic, capitaine de ce FC Paradiso
Et puis, bien sûr, il y a le meilleur joueur, le capitaine Nikola Milosavljevic, un nom qui a déjà une certaine réputation dans le football suisse. Ancien joueur du FC Sion, entre autres, le défenseur central est heureux au FC Paradiso, un club qu'il qualifie de «semi-professionnel».
«Nous sommes plusieurs à travailler à côté. Les entraînements ont lieu à 17h ou 17h30. Paradiso, c'est un club qui veut grandir et qui le démontre d'année en année. Il y a beaucoup de changements d'effectif, le club veut vraiment franchir des paliers et la philosophie que l'on y ressent en jouant, c'est que c'est un club sans limites. Ce que je veux dire par là, c'est que le staff et les présidents ne nous freinent pas. On veut s'améliorer jour après jour et on a de grands objectifs», prévient le Tessinois de 27 ans, qui a joué à Lugano, Chiasso et Bellinzone et qui connaît donc bien les réalités du football de son canton.
La deuxième force du canton bientôt?
«Je suis bien placé pour en parler, oui. Aujourd'hui, Paradiso est objectivement la troisième force du canton pour le moment et on verra bien où cette aventure nous mène. On a renouvelé l'équipe, on a beaucoup de jeunes et on travaille. Le Tessin n'est pas seulement Lugano, Bellinzona, Chiasso et Locarno, mais aussi désormais un peu Paradiso», sourit Nikola Milosavljevic, bien conscient qu'à terme, les infrastructures pourraient être un problème.
Impossible en effet de jouer en Challenge League dans ce tout petit complexe sportif, qui ne comprend pour toutes places assises que quelques bancs en bordure de terrain, tout près de la main courante.
Werner Nussbaumer ne s'en cache pas, les infrastructures sont loin d'être au niveau, mais le club travaille pour y remédier. «C'est difficile, mais on aimerait débuter les travaux en février. Nous avons les plans pour une tribune, un restaurant, mais ce qui est sûr, c'est que la réalité d'aujourd'hui est la suivante: nous sommes le seul club en Promotion League qui ne dispose que d'un seul terrain! Les autres en ont quatre ou cinq, je le sais bien», détaille le co-président, qui est également président des Amis du FC Paradiso, un club de soutien qui aide bien à établir le budget.
700'000 francs de budget, selon le coprésident
«Nous tournons avec environ 700'000 francs cette année et je suis sûr que ce budget est l'un des plus bas de toute la Promotion League. Nos amis et sponsors nous donnent environ 150'000 francs, peut-être 200'000. Le reste, c'est notre président Antonio Caggiano, un entrepreneur, qui le met», explique Werner Nussbaumer, en toute transparence. Le club appartient aux deux hommes, qui décident de tout, sans réel comité autour d'eux. «Je ne vais pas vous cacher qu'on est peu. C'est aussi un problème à terme, bien sûr. Si on monte en Challenge League, on va devoir se professionnaliser», reconnaît Werner Nussbaumer.
Alors oui, potentiellement, Paradiso pourrait être le numéro 2 du football tessinois dans quelques mois, si d'aventure il dépassait Etoile Carouge et qu'il obtenait la licence pour la Challenge League, ce qui n'est pas aussi simple à faire qu'à écrire dans les deux cas. Derrière le grand FC Lugano, en mains américaines, se trouve en effet un AC Bellinzone en difficulté en Challenge League et Paradiso, avec sa bonne dynamique sportive actuelle, peut imaginer régater avec les Grenat d'ici à juillet prochain.
Le seul club 100% tessinois sans dettes?
«Ce que je peux dire sans trembler, c'est que Paradiso est aujourd'hui le seul club de football 100% tessinois sans dettes. À la fin de la saison, on a tout payé», estime Werner Nussbaumer, faisant référence à la spectaculaire faillite du FC Chiasso, laquelle a suivi celle du FC Locarno. Après avoir œuvré à Taverne, le voilà donc à Paradiso, ce club de football d'une commune riche, où vivent de nombreux millionnaires. «Il peuvent être Ukrainiens, Russes... Il y a beaucoup de riches à Paradiso, mais ils ne sont pas liés à notre club de foot», précise-t-il, indiquant être beaucoup soutenu par la commune.
Alors, où s'arrêtera la belle aventure du FC Paradiso? S'explosera-t-il sur les rives du football professionnel après une ascension fulgurante dans les ligues amateurs, comme d'autres avant lui? Ou saura-t-il trouver les ressources humaines et financières pour s'établir durablement comme une force motrice du football tessinois? La réponse sera passionnante à observer dans les années à venir. Les prochains mois, déjà, avec la construction espérée du complexe sportif et la demande de licence pour la Challenge League apporteront déjà des éléments de réponse.