Stéphane Henchoz a, depuis début 2022, un nouveau métier. L'ancien défenseur de Liverpool est devenu scout, pour le compte de l'Olympique lyonnais. Présent à l'Euro M21 pour observer les talents de demain, il nous explique les bases de son nouveau job. Interview.
Lors de la défaite de l'Italie contre la France (1-2), un but régulier a été refusé aux Italiens. Pourquoi n'y a-t-il pas de VAR à l'Euro M21?
Stéphane Henchoz: Le championnat d'Europe des moins de 21 ans est l'une des compétitions les importantes de l'UEFA. Je ne comprends pas non plus pourquoi on renonce à la VAR et à la Goal-line technology.
En Roumanie et en Géorgie, il n'y a pas de VAR, mais des centaines de scouts. Pourquoi ce tournoi est-il si important?
Parce que les plus grands talents d'Europe s'affrontent.
Beaucoup de ces jeunes footballeurs sont déjà connus depuis longtemps, à l'instar de Moukoko ou Tonali.
Je ne suis pas non plus là pour les Français, les Anglais ou les Italiens. Les joueurs M21 de ces pays sont depuis longtemps bien trop chers pour nous. Je n'ai pas non plus besoin de recruter des Allemands pour l'Olympique lyonnais. Lyon a certes de l'argent, mais pas autant que les clubs de Premier League. Pour Lyon, je regarde les Norvégiens, les Croates, les Roumains, les Tchèques, les Géorgiens et aussi les Belges et les Suisses.
Ne pouvez-vous pas suivre les matches à la télévision? Après tout, on obtient toutes sortes de données sur les joueurs, comme le nombre de kilomètres, les sprints, les statistiques des duels, la précision des passes.
Non. Il y a de nombreux autres critères que l'on ne peut voir que si l'on est au stade.
Lesquels?
Dès l'échauffement, j'observe attentivement. Le joueur est-il concentré? Est-ce que le joueur sort des vestiaires avec tous les autres? Ou cinq minutes plus tard, parce qu'il se voit comme une star? Est-il un joueur d'équipe ou un égoïste? Peut-il devenir un joueur à problèmes dans les vestiaires? Pendant le match, j'observe par exemple ses réactions à la perte du ballon: reste-t-il debout, poursuit-il l'action? Comment réagit-il aux erreurs de ses coéquipiers? Et bien d'autres choses encore.
Vous devez donc savoir avant le match quels joueurs vous observez ?
Oui. Chaque recruteur sait quel profil il recherche. Moi aussi, je le fais. L'objectif est que je reparte avec deux ou trois noms dans mes bagages. Pas plus.
Tous les clubs ne se disputent-ils pas les mêmes joueurs ?
Bien sûr, il y a beaucoup de joueurs qui figurent dans les carnets de notes de différents clubs. Mais selon la ligue et le club, d'autres types de joueurs sont recherchés. En France, ce ne sont pas les mêmes qu'en Premier League ou en Liga. De plus, chaque entraîneur a ses propres idées.
Le championnat d'Europe des moins de 21 ans est-il aussi décisif pour un Amdouni? Après tout, l'attaquant du FC Bâle a marqué trois buts la semaine dernière avec l'équipe nationale A, dans le cadre des qualifications pour l'Euro.
Sans vouloir paraître méprisant, un but à Andorre et deux contre une faible Roumanie ne sont pas de grandes indications. Il est maintenant important pour lui de montrer qu'il peut aussi marquer contre des Français. C'est là qu'il peut impressionner de nombreux clubs. Les recruteurs veulent voir comment le joueur se comporte face à des adversaires forts. Est-il calme avec le ballon? Peut-il aussi faire des passes propres? L'attaquant marque-t-il aussi contre de bons défenseurs? Vous devez savoir qu'il n'y avait pas de scouts à Andorre et qu'il y en avait tout au plus une poignée à Lucerne contre la Roumanie.
Le directeur de la Nati, Pierluigi Tami, affirme que l'Euro M21 est très important pour la perception extérieure de la Super League. Vous êtes d'accord avec lui?
Absolument. Nos joueurs habituels en Super League, nos plus grands talents, jouent dans les M21. Il est très important que nous obtenions de bons résultats sur la scène internationale, cela fait du bien à la réputation de notre ligue. Nous faisons un travail formidable au niveau de la relève et nous avons quelques talents, mais nous devons aussi être honnêtes: Le niveau de la Super League est moyen. C'est pourquoi même les meilleures équipes d'Europe ne recrutent pas en Super League. Même si de nombreux jeunes joueurs ici se croient capables de jouer en France, en Italie, en Allemagne, en Angleterre ou en Espagne. Ils ne le peuvent pas. La différence entre la Super League et les ligues de haut niveau est trop grande.
Croyez-vous que beaucoup de Suisses participant à l'Euro M21 puissent faire le saut dans une grande ligue?
Non. Actuellement, j'en vois peut-être quatre ou cinq, pas plus.
A qui faites-vous confiance pour faire le saut?
Certainement à Fabian Rieder. Peut-être aussi Ardon Jashari, même s'il doit encore prouver qu'il est capable de jouer au plus haut niveau. Ensuite, il y a Dan Ndoye et sa rapidité. Bien sûr, Zeki Amdouni et Kastriot Imeri. Imeri a énormément progressé sur le plan athlétique à YB, il a toujours su jouer au football, mais ils en sont tous capables. Au final, c'est la tête qui décide si l'un d'entre eux va y parvenir ou non. Il faut avant tout de la volonté et de la discipline.
Pour beaucoup, c'est la meilleure équipe suisse des moins de 21 ans de tous les temps. Pour vous aussi?
Beaucoup disaient déjà cela de l'équipe nationale A, qui était au Qatar pour la Coupe du monde (rires). Nous avons une équipe talentueuse, mais je doute qu'elle parvienne à la finale de l'Euro, comme les M21 de Sommer, Mehmedi et Xhaka en 2011.