Si la Ligue 1 attire toujours plus de joueurs suisses confirmés, la Jupiler Pro League, elle, s'attaque aux jeunes talents évoluant en Super League. Bastien Toma en 2020, Cameron Puertas en 2022 et qui y brille depuis l'été dernier, Archie Brown et Mohamed Amoura en 2023, Franck Surdez et Ardon Jashari cette année, ont tous pris la décision de quitter la Suisse pour poursuivre leur développement en Belgique.
Comment expliquer cette fuite des talents vers la Belgique? «Le championnat suisse est devenu très intéressant pour les clubs belges, reconnaît Sacha Tavolieri, journaliste belge et commentateur chez Sky Sport Suisse. Il y a quelque chose en Suisse, dans la gestion des talents, que l'on n'a pas encore comprise ici.»
La Suisse compte d'excellents formateurs
Ce détail se trouve pour lui au niveau de la post-formation, entre 18 et 21 ans. «Sans être offensant, les centres de formation sont moins bien fournis en Suisse qu'en Belgique. Il n'y a pas énormément de jeunes qui sortent de partout en Super League, mais quand il y en a, ils sortent pour les bonnes raisons.» Et cela grâce à la qualité des formateurs helvétiques. «Ils ont la capacité de faire rapidement comprendre à un jeune ce qu'est le football professionnel, lui inculquer le jeu des adultes. Chose que l'on a plus de peine à faire chez nous.»
Reste que la Jupiler Pro League a un argument de choix et de poids de son côté pour attirer les jeunes talents: sa surface financière. À titre de comparaison, le montant total des droits TV n'est que d'une petite vingtaine de millions pour la Super League, contre un peu plus de 100 pour la première division belge. «Jashari est une star du championnat et Bruges, qui est un mastodonte financier, peut se le permettre, poursuit Sacha Tavolieri qui ajoute qu'un joueur évoluant déjà à Young Boys ou à Bâle n'est plus abordable pour les clubs belges. En termes de résultats financiers, cela s'apparente à l'Olympique Lyonnais, à Marseille, ... C'est très solide. Pour les autres, ce sont des coups. Les recruteurs en sont conscients et se positionnent avant qu'ils ne deviennent trop chers.»
Franck Surdez a pris la décision de rejoindre la Belgique
Des paris faits sur l'avenir qui pourraient renflouer les caisses et ainsi permettre à ce cercle vertueux de perdurer. «Ces joueurs sont voués à progresser en utilisant cette étape intermédiaire, poursuit le journaliste. La Suisse est vue par les dirigeants du football belge comme le meilleur moyen de faire passer rapidement un nouveau palier à un joueur grâce à sa très bonne post-formation. L'idée est ensuite de pouvoir le revendre plus cher dans l'un des cinq grands championnats.»
Cela sera peut-être donc le cas de Franck Surdez. Cet hiver, le Neuchâtelois a pris la décision de quitter la Challenge League, non pas pour rejoindre un club de première division suisse comme le font la plupart des talents de deuxième division, mais pour La Gantoise, actuel septième de Jupiler Pro League. «Nous voulions directement sauter l'étape Super League pour continuer son développement, explique Yacine Laarissi, agent du jeune international suisse M21. Il faut parfois tout de suite prendre l'opportunité d'aller à l'étranger, car elle peut ne pas se représenter à l'avenir. La Gantoise est un bon club, bien structuré et qui propose de superbes infrastructures pour continuer à se développer.»
«La Gantoise représente un tremplin idéal»
Reste que nombreux sont les exemples de joueurs partis trop tôt pour l'étranger et qui ont fini par se brûler les ailes. Concernant le cas de l'ailier, le temps de la réflexion a été pris et utilisé au mieux. «De nombreux clubs belges étaient intéressés: La Gantoise, Antwerp, Anderlecht, Westerlo, Malines, Louvain, confie l'agent. Ils l'ont tous détecté grâce à la data avant de regarder des vidéos de lui. Puis, ils sont venus sur place pour l'observer. La géographie du pays est d'ailleurs pratique pour les scouts qui peuvent assister à plusieurs rencontres en un week-end. Quelques équipes suisses étaient aussi intéressées. Mais elles n'étaient pas prêtes à s'aligner financièrement. Swansea et Fribourg souhaitaient également faire venir Franck chez eux.»
Si ces deux clubs avaient de quoi séduire, ils étaient toutefois jugés comme étant des marches trop hautes pour le moment par le conseiller et son client, tout comme par la direction de Xamax. Et à nouveau, le championnat belge se présentait comme une option plus qu'intéressante. «Christophe Moulin et moi ne voulions pas faire n'importe quoi en grillant Franck trop vite. Mais nous ne souhaitions pas non plus le laisser dans sa zone de confort. La Gantoise donne l'opportunité de faire un pas en plus et représente un tremplin parfait vers les grands championnats.»
Déjà deux passes décisives au compteur
Cette saison, le champion de Belgique 2015 a vendu trois de ses joueurs en Ligue 1, dont l'attaquant Malick Fofana pour 17 millions d'euros à Lyon. «C'est un club qui vend bien, qui fait jouer des jeunes et c'est un critère qui est entré en compte.»
Ce genre de transfert à l'étranger représente également la possibilité de se retourner plus facilement en cas d'échec, estime Yacine Laarissi. «Il faut aussi se poser certaines questions: 'qu'est-ce que l'on peut faire si cela ne marche pas en Belgique?'. 'Si on part dans un club moyen de Super League et que cela ne fonctionne pas, où vais-je?' En jouant dans un bon club belge, il y a la possibilité de venir en Super League en cas d'échec.» A l'image de Bastien Toma, passé de Genk à Saint-Gall.
Depuis janvier, Franck Surdez compte neuf apparitions, une titularisation, et deux passes décisives au compteur. Lié à La Gantoise jusqu'en 2027, le Neuchâtelois de 22 ans a encore le temps de s'imposer en Belgique avant de poursuivre éventuellement son chemin chez un grand d'Europe.