En ayant remporté le dernier grand titre manquant à son palmarès, Messi rebat les cartes dans ce débat qui agite le monde du foot depuis une trentaine d'années. Voici quelques éléments comparatifs pour tenter de répondre à cette difficile question.
Triple couronne contre champions 1986 et 2022
Avec trois titres (1958, 1962, 1970) en quatre Coupes du monde, le record de Pelé reste inégalé. Il avait à peine 17 ans quand il a guidé la «Seleçao» vers sa première couronne (plus jeune champion du monde de l'histoire) avec 6 buts dont deux en finale. En 1962, il est blessé dès le deuxième match. Mais en 1970, c'est la consécration: Pelé est au sommet de son art dans une équipe mythique.
Maradona, ignoré pour le Mondial-1978 remporté par l'Argentine chez elle puis décevant en 1982, est étincelant lors du «Mundial» mexicain en 1986: il le gagne «à lui tout seul», tant le capitaine de l'Argentine est charismatique et décisif, notamment lors du quart de finale contre l'Angleterre marqué par le «but du siècle» inscrit en solo et la fameuse «main de Dieu», les deux faces de la geste «maradonienne».
En 1990, il perd la finale et fond en larmes. En 1994, l'histoire vire à l'aigre: contrôlé positif à l'éphédrine, il est exclu de la Coupe du monde.
Champion du monde le 18 décembre, Messi a enfin bouclé la boucle. Son palmarès est désormais le plus complet avec un Mondial (2022), une Copa América (2021), quatre Ligues des champions, une multitude de championnats et de coupes nationales... et sept Ballons d'Or.
«Messi a gagné sa première Coupe du monde, comme sa trajectoire le méritait», avait d'ailleurs salué Pelé depuis sa chambre d'hôpital sur Instagram, avec un clin d’œil à Maradona, décédé en 2020: «Diego sourit certainement.»
N°10 contre N°10
Les trois joueurs ont rendu mythique le N°10.
Le «Roi» évoluait dans une position proche de celle d'un «neuf et demi», penchant à gauche, lors d'une époque très prolifique en buts, d'où son total ahurissant de 1281 buts en 1363 matches, clubs et «Seleçao» confondus (record incluant des matches amicaux et homologué par la FIFA). Il partage désormais la tête du classement des buteurs en équipe du Brésil (77 réalisations en 92 capes) avec Neymar.
Maradona, lui, évoluait plus en retrait, dans l'axe ou côté gauche mais était très libre, tel un meneur de jeu très offensif. D'où des statistiques de but moins ronflantes que Pelé (346 en 680 matches), mais une influence aussi prégnante assortie d'innombrables passes décisives.
En empilant les buts (793 en 1003 matches professionnels), Messi peut regarder ses deux aînés dans les yeux. Aligné le plus souvent en soutien d'attaque mais aussi parfois en faux 9, la «Pulga» peut également se targuer d'une belle réussite dans les coups francs, penalties et passes décisives.
Des caractères aux antipodes
Pelé a toujours présenté une image lisse et a évolué dans deux clubs seulement, Santos (1956-74) et le Cosmos New York (1975-77). Maradona (six expériences de club), c'est le soufre, avec ses déclarations choc, ses gestes polémiques sur le terrain, de son carton rouge au Mondial-1982 à sa «main de Dieu» au Mondial-1986, et ses démêlés extra-sportifs, entre cocaïne et dopage.
Le Brésilien, qui fut ministre dans son pays, est proche des institutions, et a versé des larmes d'émotion lorsque la FIFA lui a remis un Ballon d'Or d'honneur en 2014. L'Argentin, aux amitiés controversées avec les dirigeants de Cuba ou du Venezuela, a au contraire longtemps été en conflit avec la FIFA depuis sa suspension en plein Mondial 1994.
Le côté enfant sage de Messi le rapproche davantage de Pelé. Le petit argentin a longtemps été fidèle à son club formateur, le FC Barcelone, avant un transfert retentissant au PSG en 2021. Mais ni ce choix pour l'argent d'un club financé par le Qatar, ni ses ennuis avec le fisc espagnol, ni ses critiques envers l'arbitrage lors du Mondial-2022 n'ont semblé ternir son image.
Brésilien contre Argentins, questions d'égo
«Le meilleur, c'est moi»: Pelé et Maradona n'ont cessé de revendiquer le titre de joueur suprême, dans une rivalité qui oppose traditionnellement leurs pays, géants sud-américains. C'est surtout le volcanique Maradona qui titille son aîné, en estimant par exemple que sa place est «au musée» et en moquant sa soumission aux pouvoirs en place. Le placide Pelé répond que le palmarès fait foi (trois Coupes du monde à une) mais aussi que son cadet, par sa consommation de drogues, n'est «pas un exemple» pour la jeunesse. Comme de vieux sages, ils ont enterré la hache de guerre en 2016.
Peut-être par peur de froisser les inconditionnels argentins de Maradona, Messi ne s'est jamais explicitement positionné dans ce débat visant à désigner le meilleur joueur de l'histoire. Mais il est désormais le seul encore en vie.
(AFP)