Le grand entretien avec Murat Yakin
Les critiques de Xherdan Shaqiri? «Elles m'attristent un peu»

Dans sa grande interview de Noël avec Blick, l'entraîneur de l'équipe nationale Murat Yakin revient sur une année mouvementée, parle de la perte de son adjoint Giorgio Contini, des temps difficiles d'il y a un an et des discussions intensives avec Granit Xhaka.
Publié: 24.12.2024 à 09:22 heures
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Dernière mise à jour: 24.12.2024 à 15:18 heures
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«Il est important pour moi que nos enfants passent un beau Noël», déclare l'entraîneur de l'équipe nationale Murat Yakin.
Photo: TOTO MARTI
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Tobias Wedermann, Emanuel Gisi et Toto Marti

L'année a été agitée pour Murat Yakin entre cet Euro magnifiquement réussi et la campagne ratée en Ligue des Nations. Le sélectionneur de la Nati fait le point pour Blick, alors que Noël approche.

Murat Yakin, où passez-vous les fêtes?
Cette année, ma famille et moi serons d'abord au chaud, à Oman. Ensuite, nous passerons une semaine à Davos. La maison là-bas n'est pas encore tout à fait terminée, c'est pourquoi nous arriverons avec un peu de retard à la montagne.

Mais chez vous, le mois de décembre était déjà plein de festivités avant même que les fêtes ne commencent.
Nos deux filles ont eu leur anniversaire juste avant Noël. C'est fou de voir à quelle vitesse elles grandissent et deviennent adultes. L'aînée a organisé une sleepover (ndlr: en français, une soirée pyjama) et a invité dix amies à passer la nuit chez nous. C'est super, mais le reste de la famille a reçu un message clair: elle ne veut voir aucun de nous à la maison ce soir-là. En tant que père, il faut s'y habituer (rires).

Votre mère aurait également fêté ses 90 ans en décembre.
C'est vrai. Nous avons organisé un repas en son honneur avec toute la famille. C'était très agréable.

Êtes-vous un fan de Noël?
Je suis bien obligé (rires)! Chez moi, je suis littéralement envahi par Noël. Nous avons un grand calendrier de l'Avent pour les filles, il y a un cadeau tous les matins. Nous avons un sapin de Noël, une couronne de l'Avent et, depuis le premier dimanche de l'Avent, des chants de Noël sont diffusés du matin au soir. Mais sans rire, j'aime beaucoup cette période.

Vous êtes doué pour faire des cadeaux?
Oui, je suis assez créatif dans ce domaine.

Vos filles sont donc contentes?
Je pense que oui. La plus jeune a demandé ce que j'estime être son 20e paquet de Lego de Star Wars. Il y a 500 à 1000 pièces, elle s'est assise et a tout assemblé en trois ou quatre heures. Elle m'étonne parfois! Mon aînée, en revanche, préfère avoir de l'argent (rires). Elle veut acheter elle-même son cadeau. C'est probablement une question d'âge.

De quel cadeau vous souvenez-vous quand vous étiez petit?
Quand nous étions enfants, nous n'avions pas grand-chose. Notre famille n'était pas très aisée et, en raison de notre culture religieuse, nous ne fêtions pas non plus Noël comme aujourd'hui. Mais j'ai toujours trouvé cette coutume belle. C'est pourquoi il est important pour moi que nos enfants passent un beau Noël.

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Nous avons un sapin de Noël, une couronne de l'Avent et, depuis le premier dimanche de l'Avent, des chants de Noël sont diffusés du matin au soir
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Et sur votre liste de souhaits? Est-ce que le nom d'un nouvel entraîneur adjoint y figure?
Comme chacun sait, les cadeaux viennent du Père Noël. Je préfère choisir moi-même mon entraîneur adjoint.

Quel profil doit-il avoir?
Actuellement, nous peaufinons encore les détails de la stratégie pour l'année de matches internationaux à venir et pour les matches de qualification à la Coupe du monde. Le profil du nouvel entraîneur adjoint est très étroitement lié à ce plan. De manière générale, nous voulons accompagner les joueurs encore plus étroitement qu'auparavant. Nous avons besoin d'une ou peut-être de deux personnes qui, avec moi et le reste du staff, puissent mettre en œuvre ce plan avec précision et succès.

Dans quelle mesure étiez-vous préparé à l'appel d'YB pour Giorgio Contini?
Je m'attendais plutôt à ce qu'ils nous engagent en tant que duo (rires). Non, je plaisante. Il était clair pour moi que Giorgio voulait être entraîneur en chef. Son départ est une perte pour nous, mais de tels changements font partie du business.

Le nom de Giorgio Contini est revenu à plusieurs reprises pour expliquer le succès de la Nati à l'Euro. Cela vous a-t-il paru trop élogieux?
Non, c'est un compliment à mon égard. Au fond, c'est moi qui ai décidé de faire venir Giorgio dans le staff de l'équipe nationale. C'était un coup de chance.

Dans quel sens?
Je veux dire par là qu'il n'a pas eu peur d'accepter cette tâche il y a un an, de nous soutenir. Nous avions une confiance aveugle l'un envers l'autre et j'ai beaucoup apprécié qu'il s'enthousiasme pour ce projet. Je n'étais plus seul à prendre les décisions.

Ces décisions ont conduit la Nati jusqu'en quart de finale. Vous avez vous-même vécu une vague d'euphorie. Lors de l'Euro, vous avez été qualifié au choix de sex-symbol, de roi de la tactique ou même de génie. Qu'est-ce qui vous a le plus plu?
De telles vagues de succès ne peuvent exister que dans le football. On ne peut les acheter avec aucun argent au monde. Bien sûr, on est flatté d'être célébré de la sorte. Mais je sais faire la part des choses. En fait, j'ai été trop mis en avant. Les joueurs doivent être au centre de l'attention.

Quand avez-vous compris que vous vouliez prolonger votre contrat d'entraîneur de l'équipe nationale?
J'ai signalé mon premier intérêt dès la fin de la Coupe du monde 2022 au Qatar. L'idée était de pouvoir clore ce sujet, car je recevais sans cesse des demandes. Finalement, cela s'est fait après l'Euro de l'été dernier. Pour moi, il a toujours été clair que je voulais continuer ce travail si la fédération continuait à me faire confiance. Même si j'aurais pu gagner plus d'argent ailleurs.

Il y a exactement un an, la prolongation de votre contrat semblait s'éloigner: la qualification pour l'Euro était laborieuse et vous étiez très critiqué. Certains ont réclamé votre départ. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur cette période?
Après le dernier match de la Ligue des Nations, j'y ai réfléchi: la force avec laquelle le public a réagi à mon égard et à l'égard de l'équipe nationale au cours des douze derniers mois a été très intense. C'était vraiment extrême. Pour le meilleur et pour le pire.

Rétrospectivement, qu'est-ce qui vous a permis de tenir dans cette situation?
Il était très important que je sente la confiance de mes chefs et que le président Dominique Blanc le fasse savoir publiquement. J'en suis reconnaissant, même s'il a toujours été clair pour moi que les comptes seraient faits à la fin. Et pas en cours de route. Je voulais absolument participer à l'Euro avec cette équipe. Je dois faire abstraction de tout le bruit autour de moi.

Vous pouvez peut-être le faire. Mais votre famille en a aussi pris plein la figure.
L'année dernière, c'était dur. Pour moi, le football est un jeu. Un jeu doit être source de joie. Quand mes filles se font expliquer à l'école tout ce que leur père fait de mal et pourquoi il doit partir en tant qu'entraîneur de l'équipe nationale et qu'elles ont le sentiment d'en être aussi responsables, cela n'a plus grand-chose à voir avec la joie.

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Quand mes filles se font expliquer à l'école tout ce que leur père fait de mal et pourquoi il doit partir en tant qu'entraîneur de l'équipe nationale et qu'elles ont le sentiment d'en être aussi responsables, cela n'a plus grand-chose à voir avec la joie
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Comment avez-vous géré cette situation?
Pour moi, en tant qu'adulte, ça va, je connais les mécanismes et je peux les gérer. Pour mes enfants, c'est nouveau et je pense aussi qu'ils ne devraient pas avoir à faire face à ce genre de choses. Ils ont beaucoup souffert à l'époque. Mais de nos jours, où l'on peut accéder à toutes sortes de médias en un geste sur le téléphone, cela ne peut pas être totalement évité.

Que pouvez-vous faire?
Nous ne pouvons pas les protéger complètement. Cela fait partie du jeu, cela fait partie de notre vie. Mais c'est allé si loin qu'en tant que parents, nous avons fait en sorte qu'une de nos filles puisse changer d'école. Avec le recul, c'était certainement la bonne solution. Ce qui est bien quand on est enfant, c'est que tout passe très vite. Maintenant, tout est revenu dans l'ordre.

Avez-vous été surpris par le calme qui a régné cette année après les faibles résultats en Ligue des Nations?
Il y avait bien des raisons! Nous avons eu beaucoup de blessés, de suspensions et quelques retraites de joueurs ui ont changé le visage de l'équipe. Et la Ligue des Nations n'a pas un grand prestige. Je suis conscient que la situation aurait été moins confortable s'il s'était agi d'une qualification pour la Coupe du monde.

Qu'est-ce qui a conduit à cette baisse de performance?
Nous devons nous remettre en question dans tous les domaines. Est-ce un manque de qualité, est-ce des lacunes techniques, est-ce l'aspect mental? La pression des attentes joue-t-elle un rôle?

Pourquoi cela a-t-il si bien fonctionné à l'Euro?
La concentration était déjà totale lors de la préparation. De la part de tout le monde. Nous avons eu un bon camp avec une concurrence intense pour les places et ensuite nous sommes entrés dans un flow. Il n'y avait que le football, la Nati, l'Euro.

En automne, ces qualités n'étaient plus visibles. Pourquoi?
Nous ne pouvons pas remplacer n'importe quel joueur quand il y a des absences de top niveau. Nous ne sommes pas l'Espagne, où la troisième équipe est encore au top niveau européen. Nous avons eu beaucoup de blessures, de retraites, de changements. Ce sont des arguments de poids. Et puis il y a eu les nombreuses décisions de la VAR et des arbitres contre nous. Mais cela ne doit pas être une excuse: On peut aussi éviter les situations négatives, nous devons être proactifs.

Vous évoquez les retraites en équipe nationale de Yann Sommer, Fabian Schär et Xherdan Shaqiri. Mais soyons honnêtes: avec Gregor Kobel, c'est un gardien de but de même niveau qui succède à Yann Sommer, et à la fin Xherdan Shaqiri ne jouait plus qu'un rôle annexe en équipe nationale. En fait, seul le départ de Fabian Schär est douloureux.
Eh bien, la présence qu'avaient des joueurs comme Sommer, Schär ou Shaqiri ne peut pas être remplacée si facilement! Il ne suffit pas de regarder le terrain et les matches. Un Shaq dégage quelque chose de positif, que ce soit à l'hôtel, dans le vestiaire ou sur le banc. C'est tout simplement comme ça, c'est une qualité chez lui. Ou Sommer, qui a eu une grande influence sur la manière dont nous jouions depuis l'arrière. Kobel est un autre type de gardien. Nous avons dû réfléchir à ce que cela signifiait pour notre manière de jouer au football et à ce que nous devions changer.

En automne, quelques jeunes joueurs ont eu plus de temps de jeu. Votre conclusion?
Ils se débrouillent bien. Fabian Rieder trouve sa place après une année difficile. Dan Ndoye se développe de manière remarquable et marque de plus en plus de buts. Nous avons appris à connaître de nombreux joueurs que nous n'avions peut-être pas pris en compte auparavant.

Par exemple?
Miro Muheim a bien fait son travail. Il est entré en jeu parce que nous avions beaucoup de blessés. Ou Joël Monteiro, qui a montré des signes très prometteurs. Aurèle Amenda a également été bon contre la Serbie. Mais de tels joueurs ont besoin de 5 à 10 matches pour pouvoir s'établir en tant que joueurs de la Nati. Pour eux, il s'agira d'apprendre ce que signifie être un joueur de l'équipe nationale. Être efficace, fournir des performances constantes. Pour cela, ils doivent déjà tout faire en club. Nous ne pouvons pas le faire pendant les deux unités d'entraînement que nous avons avant les matches internationaux.

Néanmoins, nous constatons qu'il manque de nouveaux Granit Xhaka ou Xherdan Shaqiri, qui sont partis très tôt à l'étranger et y ont joué régulièrement.
C'est vrai, ces deux joueurs avaient déjà une qualité exceptionnelle à l'adolescence. Mais beaucoup de nos jeunes joueurs sont devenus des titulaires dans leurs clubs étrangers au cours des derniers mois ou des dernières années. En ce qui concerne les responsabilités, il peut y en avoir d'autres. Certains sont encore trop des suiveurs.

Quelle est la situation de Noah Okafor? Vous lui avez pardonné étonnamment tôt, après les problèmes provoqués par son comportement à l'Euro et l'attitude de son entourage.
Il peut se présenter et se racheter lorsqu'il est sur le terrain. En fait, c'est simple: chacun doit être conscient de ce qu'il faut pour être performant en équipe nationale. Cela dépend de lui. Il faut mériter la confiance du staff d'entraîneurs. Il s'est très bien impliqué en novembre. Maintenant, je sens que le message est passé auprès de Noah.

On dit que Granit Xhaka s'est beaucoup occupé de lui lors de la dernière réunion.
Nous avons impliqué le conseil des joueurs et préparé nos joueurs cadres à cela. Les joueurs expérimentés doivent aussi prendre leurs responsabilités. La parole des joueurs expérimentés a un grand poids. Quand un Granit Xhaka ou un Manuel Akanji disent quelque chose, un jeune joueur écoute en général. Les joueurs expérimentés doivent en être conscients.

De quels sujets discutez-vous avec Granit Xhaka en ce moment?
Il se prépare déjà à son avenir d'entraîneur. Pas seulement en ce qui concerne les contenus tactiques de l'entraînement. Mais aussi à la manière de diriger une équipe. C'est plus que d'être capitaine. Cela l'intéresse énormément. Quand nous nous voyons, il veut savoir énormément de choses.

Il pose des questions sur le leadership?
Nous avons déjà dessiné des formations sur papier et discuté de sujets tactiques. Il pose beaucoup de questions. Il y a par exemple des questions sur les joueurs de mon époque. De joueurs qui ont créé des difficultés. Ou de situations difficiles en tant qu'entraîneur, comme ce fut le cas pour moi à l'époque où j'ai mis Alex Frei sur le banc. Comment gérer des joueurs vieillissants dont la fin de carrière approche?

Il sait que cela lui arrivera un jour ou l'autre.
(Rires) Je ne pense pas qu'il doive avoir trop peur pour le moment. Il est en pleine forme, mais cette question l'intéresse aussi. Comment s'arrête-t-on en tant que professionnel, comment gère-t-on la transition vers sa deuxième vie? C'est un sujet extrêmement compliqué. Je lui ai alors raconté comment cela s'était passé avec Haki (ndlr: le frère de Murat Yakin, Hakan) et avec Frei. Le problème, c'est qu'au début, tu ne veux pas admettre toi-même que c'est fini. Et dans ton entourage proche, en tant que professionnel, tu n'as souvent personne pour te dire que c'est le moment juste. C'est un moment brutalement décisif. Un processus difficile.

Qu'essayez-vous de transmettre aux joueurs comme Granit Xhaka qui vous posent ce genre de questions?
De nombreux joueurs qui mettent un terme à leur carrière active ont le sentiment qu'on leur déroule le tapis rouge après leur carrière. Mais non! Si tu veux devenir entraîneur, tu dois faire tes preuves assez rapidement. Personne ne t'attend. Tu ne dois pas croire que tu connais déjà tout du football. Tu peux peut-être tirer 20 ou 25% de ton expérience de footballeur professionnel dans ta vie d'entraîneur. Tu peux apprendre comment construire un entraînement ou à quoi pourrait ressembler un plan d'entraînement. Mais il y a encore tellement de choses à apprendre dans les domaines des compétences de direction, des compétences sociales, du travail avec les médias. Tout cela doit être acquis.

Parlons de Xherdan Shaqiri. Au début de votre mandat en équipe nationale, il était l'une de vos personnes de confiance. A la fin, la relation semblait plutôt refroidie, il s'est retiré de la Nati après l'Euro. Que s'est-il passé?
Shaq est un joueur qui peut apporter beaucoup à une équipe. Nous avons beaucoup parlé ensemble pendant la préparation de l'Euro, il a en fait bien accepté son rôle et s'est comporté de manière absolument exemplaire dans chaque situation. Je pense qu'au final, il aurait aimé faire plus de matchs à l'Euro que les deux que j'ai pu lui donner. Son attente était peut-être qu'il soit toujours le premier à entrer en jeu. Mais je devais aussi garder un œil sur la situation du jeu.

Dans son interview avec Blick, Xherdan Shaqiri dit qu'il a reçu beaucoup de réactions à son retrait de l'équipe nationale, mais aucune de votre part.
Peu après le retrait de Xherdan et de Yann, je leur ai bien dit merci pour leur magnifique carrière en équipe nationale, je les ai félicités et leur ai fait savoir que c'était un grand honneur pour moi d'avoir vécu avec eux de si grands moments en équipe nationale. Que j'étais reconnaissant d'avoir pu les connaître comme des personnes aussi respectueuses. J'ai souhaité bonne chance à Xherdan, comme à Yann. Alors je suis très surpris et un peu triste qu'il dise maintenant qu'il n'a pas eu de nouvelles de ma part.

Comment le voyez-vous maintenant au FC Bâle?
Sa présence est immense. C'est un joueur décisif. Il peut déclencher beaucoup de choses, auprès de ses coéquipiers, des supporters, du public.

S'il continue comme ça à Bâle... devrez-vous le supplier de faire son retour en équipe nationale?
Nous ne l'avons pas forcé à se retirer. A la fin, il a décidé lui-même que c'était bon pour la Nati. Je pense qu'il a aussi écouté son corps. Et puis, nous avons des jeunes qui prennent de l'espace en attaque: Amdouni, Monteiro, Ndoye, et d'autres encore, il se passe quelque chose. Si nous voulons rester au top pour les prochaines années, nous devons miser sur eux.

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