La pression monte sur la Nati
Le mutisme des Suisses pendant l'hymne crée la polémique

Les Suisses avaient-ils vraiment envie de jouer? Après tout, ils ne chantaient pas l'hymne national. Depuis le match face à l'Italie, la polémique enfle. Des anciens prennent position.
Publié: 18.06.2021 à 15:43 heures
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Dernière mise à jour: 21.06.2021 à 16:21 heures
La mauvaise attitude des Suisses pendant l’hymne national trahissait-elle leur trop faible envie de jouer?
Photo: keystone-sda.ch
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Grégory BeaudJournaliste Blick

En Suisse, on pouvait naïvement se croire loin de ces polémiques identitaires. Après tout, ce sont surtout les Français qui en font des caisses avec le fait de chanter ou non la Marseillaise, non? Et bien visiblement, en Suisse, cette discussion a désormais aussi lieu à mesure que la Suisse accumule les mauvais résultats lors de l’Euro.

Alors, la mauvaise attitude des Suisses pendant l’hymne national trahissait-elle leur trop faible envie de jouer, comme le prétend Ramon Vega, l’ancien international suisse? (Relevons que Ramon Vega a utilisé une archive pour son tweet, et non l’extrait d’un match de l’Euro de l’équipe de Suisse).

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Cette discussion fait monter les tours à Bernard Challandes, l’ancien sélectionneur de l’équipe de Suisse M21 (2001 et 2007). L’actuel entraîneur national du Kosovo met immédiatement les choses au point. «Depuis quelques jours, c’est toujours la même chose, remarque le Neuchâtelois. Cela m’énerve d’entendre des gens dire que les joueurs n’avaient pas envie car ils n’ont pas chanté un hymne ou avaient la mauvaise attitude. Cette discussion a uniquement lieu pour deux raisons: 1. La Suisse a perdu. 2. L’hymne italien est l’un des plus prenants et la comparaison est presque choquante.»

De ses années avec les jeunes, Challandes a souvent affronté les Transalpins. «Je disais toujours à mes gars: «Après les hymnes, on sera menés 1-0». C’est comme ça, on ne peut rien y changer. Le leur te prend aux tripes. Pas le Cantique suisse. Et pourtant je l’aime beaucoup, là n’est pas la question.»

Chanter l’hymne suisse n’était pas obligatoire sous Bernard Challandes dans les sélections juniors. Ce n’est manifestement pas le cas non plus aujourd’hui avec Vladimir Petkovic. «On ne le demandait pas, non, poursuit Challandes. Je n’ai aucun problème à voir un joueur concentré pendant les hymnes. J’aime presque mieux, pour tout vous dire. Et puis bon… (il se met à chanter) Sur nos monts quand le soleil, annonce un brillant réveil, c’est une belle chanson lorsque l’on est sur le podium des Jeux olympiques après une médaille d’or. Le drapeau monte, on lâche une larme. Mais avant un match, ce n’est pas aussi guerrier que la France ou l’Italie. C’est un fait. Il parle de calme et de sérénité. A l’image de la Suisse, non?»

Une mode récente

Voyant la discussion prendre de plus en plus d’ampleur sur les réseaux sociaux, la chaîne alémanique SRF a puisé dans ses archives pour voir si les anciens chantaient l’hymne. Et visiblement ce n’était pas le cas non plus.

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Convaincant.

Sur ces images, on aperçoit Stéphane Chapuisat. L’ancien attaquant de l’équipe de Suisse se rappelle très bien de cette attitude lors du Cantique suisse. «Je pense que si quelqu’un avait chanté, il aurait eu l’air bête, rigole-t-il. Je pense que cela ne venait à l’esprit de personne.» Le Vaudois a disputé une Coupe du Monde (1994) et deux Euros (1996 et 2004) avec la sélection nationale. Il a toutefois vu une évolution. «On commençait à voir que d’autres nations chantaient et certains se disaient qu’il serait bien que nous fassions la même chose, poursuit-il. Sur la fin de ma carrière, cela se faisait un peu plus. Mais pas tant que ça non plus.»

Une chanteuse pour leur apprendre

Après l’Euro 96 en Angleterre, les internationaux ont eu la visite de Sina, une chanteuse haut-valaisanne. «Elle nous avait rendu visite à Lucerne et nous avait appris à chanter, se remémore l’ancien buteur en série. Des groupes avaient été formés selon les langues.» Pour Stéphane Chapuisat, si l’équipe ne s’époumone pas – ou peu –, cela ne doit pas être une question individuelle. «Si vraiment on a envie d’avoir une équipe qui chante avant un match, il faut que cela commence au sein des sélections juniors.» Mais le Vaudois aujourd’hui âgé de 51 ans ne s’est jamais senti investi d’une mission au moment où le Cantique suisse retentissait. «C’est aussi un moment où tu te concentres et penses à ton match, explique-t-il. Du moins c’est comme ça que je le vivais. Mais je constate en effet que depuis un certain temps, ça a pris une certaine importance.»

S’il fallait faire des reproches aux joueurs de l’équipe de Suisse, Bernard Challandes saurait où chercher. Mais pas au niveau des cordes vocales. «On peut les critiquer sur bien des choses, remarque le technicien. Et ils doivent l’accepter. Ils ont moins couru que les Italiens, c’est factuel. Mais ils n’ont pas moins couru qu’eux parce qu’ils n’ont pas chanté ou parce qu’ils n’avaient pas envie. J’espère que cette discussion cessera et que l’on pourra vite passer à autre chose.»

Il le faudra, puisque la Suisse affrontera la Turquie ce dimanche (18h) pour le dernier match de la phase de poule. La victoire sera impérative pour ne pas rentrer à la maison après trois matches seulement. «Et bien chanter ne nous donnera pas les trois points, rigole le Neuchâtelois. Être bons dans les 20 premières minutes, être solidaires, avoir un bon état d’esprit. C’est plutôt de ce côté que j’irais regarder.» Et Bernard Challandes connaît la musique. «Cela fait 40 ans que je suis dans ce milieu et je n’ai jamais vu une équipe de Suisse chanter à tue-tête. D’ailleurs, ce sont les mêmes joueurs qui se sont qualifiés pour cet Euro sans chanter l’hymne avant le match. Mais là, on ne disait rien il me semble.»

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